Le corps de l’enfant en jeu. Psychothérapie des pathologies archaïques, de Jeannine Delgouffre et Maggy Camus

Jacqueline Godfrind

23/03/2021

Notes de lecture

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Dès la première page de leur introduction, les auteures précisent leur objectif : « le présent ouvrage réalise la synthèse de trente années de pratique psychothérapeutique chez l’enfant alliant les techniques corporelles à la compréhension métapsychologique du fonctionnement mental ». Et d’évoquer la naissance du courant psychothérapeutique initié par D. Flagey et Marie-Rose Smets-Snyders dans les années 1970, approche spécifique retenue sous le vocable de « thérapie du développement ». Celle-ci s’adresse aux enfants dont les difficultés incluent des manifestations corporelles et instrumentales. Qualifiés de « dysharmoniques », ces enfants souffrent de troubles qui témoignent d’un défaut d’intégration harmonieuse des données du corps. L’insuffisance des processus de symbolisation primaire et secondaire se traduit non seulement par des troubles de la personnalité, des lacunes dans le fonctionnement psychique mais également par des dysfonctionnements corporels, jadis traités par des rééducations pour tenter de pallier les difficultés psycho-motrices et instrumentales, notamment de type « rééducation psychomotrice ».

Le grand intérêt de l’ouvrage est de montrer, en s’appuyant sur de très nombreux exemples cliniques, la nature du travail de construction psychique qui spécifie la « thérapie du développement ». Dans leur approche clinique, les auteures s’alimentent aux théories que nous offre aujourd’hui la métapsychologie dans ses tentatives de compréhension des dysharmonies évolutives. Tout au long de leur ouvrage, elles font référence et développent la pensée des auteurs qui conceptualisent la dialectique qui se joue entre soma et psyché, théories qui sous-tendent l’approche thérapeutique.

Cliniquement pour le thérapeute, il s’agit de contribuer à combler les lacunes d’une symbolisation défaillante en partant des expressions motrices et affectives du corps en attente de transformation. Pareil projet implique un engagement contre-transférentiel spécifique ouvert au partage des manifestations corporelles des petits patients, engagement porteur de la remise en mouvement des capacités symbolisantes restées en friche. Le thérapeute ne peut que (je les cite) : « prendre en compte la désorganisation dont il est le témoin, accueillir les manifestations corporelles déliées et permettre la transformation de celles-ci en éléments assimilables par le psychisme grâce à sa sensibilité, ses propres vécus corporels, son appareil à penser ». C’est en appui sur la relation ainsi instaurée que peut se construire une transitionnalité soutenant l’accès aux processus de symbolisation, « psychisation des états du corps à partir des échanges corporels » nous dit-on, les qualités d’objet transformationnel, objet symbolisant du thérapeute prenant ici toute leur pertinence.

A travers la diversité des tableaux cliniques que peuvent présenter les petits patients dysharmoniques, l’ouvrage entraîne le lecteur à vivre la lutte contre la déliaison, la destructivité, l’anti-pensée au profit de l’organisation de schèmes sensori-moteurs propres aux processus de symbolisation primaire. Leur acquisition permettra dès lors de rendre sa place à l’usage des mots, outil plus coutumier de la pratique de la cure analytique.

Ajoutons encore l’importance qu’accorde les auteures au travail avec les parents dont l’alliance s’associe étroitement au dispositif thérapeutique.

Et c’est bien le grand intérêt de l’ouvrage de Jeannine Delgouffre et Maggy Camus que de partager avec ceux qu’intéresse la psychothérapie de l’enfant, les modalités d’un dispositif thérapeutique inspiré par la pensée psychanalytique destiné aux petits patients souffrant d’une pathologie archaïque. La longue expérience des auteures confère une densité remarquable à leur témoignage.