Prix Maurice Haber 2018

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Le prix 2018 a été décerné à l’occasion du 3è Colloque international de la Revue belge de psychanalyse.

Les quatre articles retenus pour l’attribution étaient :

  • Les métamorphoses de la « folie privée » : enjeux cliniques (RBP n°68, 2015/2) par Bérengère de Senarclens
  • Bion et Beckett : les jumeaux imaginaires (RBP n°69, 2016/1) par Mimi Armstrong
  • L’environnement non humain de Searles, revisité à la lumière de la théorie de la pensée de Bion et à l’ombre de la crise environnementale (RBP n°69, 2016/2) par Luc Magnenat
  • L’écriture sur les réseaux sociaux à l’adolescence : l’écriture à vif ou l’e-cri-ture (RBP n°71, 2017/2) par Angélique Gozlan

C’est l’article de Luc Magnenat qui a reçu le Prix MH 2018, récompensant un article abordant, avec des concepts psychanalytiques, l’enjeu majeur auquel  est confrontée l’humanité. Le Jury a été sensible à la pertinence de la démarche de l’auteur, reprenant, plus d’un demi-siècle après le travail pionnier de Searles, la question que pose le clivage dont font preuve les sociétés humaines à l’égard du processus de leur propre destruction.

 

La remise du prix Maurice Haber 2018

 

Texte de réponse du lauréat 2018

Message de Luc Magnenat, lauréat 2018, averti de la décision du jury la veille de la remise du Prix

Genève, le 10 novembre 2018

Chers collègues, chers amis,

J’ai été extrêmement surpris d’apprendre cette nuit que vous m’avez décerné le prix Maurice Haber pour mon article sur L’environnement non humain. J’aimerais être avec vous pour partager cela, mais je suis à Berne pour une journée d’actes de passages au sein de ma Commission d’enseignement.

L’environnement non humain ne renvoie plus aujourd’hui aux préoccupations qui étaient celles de Harold Searles lorsqu’il se souciait que les personnes soumises à un fonctionnement psychotique déshumanisé puisse néanmoins s’apparenter au fonctionnement humain non psychotique. L’environnement non humain évoque la crise environnementale qui touche la biosphère, notre berceau, alors que nous prenons conscience que l’homme ne vit pas hors d’elle, mais qu’il est pris dans les mailles du vivant. L’homme n’est pas seulement gouverné par son inconscient, il se découvre enfermé dans un environnement qui se dégrade en conséquence de sa propre activité.

Alors que nous sommes en passe de modifier pour des millénaires l’environnement auquel nous devons la vie, je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir distingué un article qui évoque cette crise environnementale qui nous met en crise, voire qui menace l’existence même de notre espèce. Ce faisant, vous passez à l’action, et cette action est plus que précieuse : elle est vitale. C’est aujourd’hui que nous devrions nous engager dans une insurrection verte pour tenter, si cela est encore possible, de maintenir notre climat au-dessous de la barre des 2 degrés de réchauffement. Faute de quoi, nous devrons alors nous soucier de tenter de demeurer aussi apparentés à l’humain que possible dans l’effondrement qui suivra.

Dans les deux cas, je pense qu’en tant que psychanalystes, nous avons un rôle à jouer en prenant le parole et en agissant. Nous sommes fondamentalement réticents à nous engager politiquement, mais nous sommes astreints à le faire, je pense, lorsque, comme pour la Shoah, l’enjeu dépasse le politique. Et c’est le cas lorsque nous vivons une apocalypse de la biodiversité.

C’est pourquoi je publierai un livre intitulé La crise environnementale sur le divan aux éditions In Press, Paris, en mars 2019. Ce livre sera interdisciplinaire, car lorsque nous manque l’écoute de l’écoute que l’analysant fait de nos interprétations, je pense que la méthodologie nous impose de nous mettre à l’écoute des spécialistes du champ étudié, en l’occurrence les écologues.

Je vous suis donc extrêmement reconnaissant d’avoir ponctué cet enjeu existentiel par le prix Maurice Haber.

Au plaisir de vous revoir prochainement, très cordialement,

Luc Magnenat