Éditorial: Maurice Haber et la transmission de la psychanalyse

blandine Faoro-Kreit

Édito Revue Belge de Psychanalyse

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Ce numéro tient à célébrer la mémoire de notre collègue, le docteur Maurice Haber, qui fonda notre revue voici plus de quarante ans. Grâce à son impulsion, cette Revue Belge de Psychanalyse s’est voulue dès l’origine un lieu de réflexions et de transmission de la psychanalyse. C’est une invitation à revisiter les fondamentaux de la métapsychologie selon l’exigence que Maurice Haber a toujours préconisée, celle de mettre en résonance la théorie et la clinique. C’est la « nécessité d’une évaluation critique, sans parti pris dogmatique, des différents courants qui, depuis Freud, animent la pensée psychanalytique» qui a présidé à la fondation de cette revue comme le précise ce premier éditorial. (RBP, N°1, 1982).

Transmettre et développer une pensée et une pratique aujourd’hui malmenée et si souvent galvaudée, « issue de l’écoute toujours renouvelée de l’inconscient. » (Id.) reste le fondement de notre revue.

Bien des membres de la Société Belge de Psychanalyse ont eu à cœur de poursuivre l’œuvre entreprise et une fois encore dans ce numéro de nombreux collègues ont désiré participer à cet hommage en reconnaissance de l’héritage reçu de ce grand analyste.

Pour débuter, nous laisserons le soin au président de la Société Belge de Psychanalyse, Marc Hebbrecht, de nous présenter Maurice Haber dans son parcours de vie marqué par les vicissitudes de l’histoire et par son engagement sans relâche tant dans la société civile que dans la société psychanalytique.

Nicole Minazio, à sa suite, nous propose de «Retrouver Maurice Haber» dans ses qualités de grande humanité et dans ses apports féconds de réflexions théorico-cliniques. C’est autant l’homme, le col- lègue analyste et l’ami qui est ici célébré.

«Sur les traces écrites de Maurice Haber» est le chemin sur lequel vous convie Blandine Faoro-Kreit pour retrouver la richesse de son apport de réflexions sans cesse remises sur le métier. Dans un dialogue continu entre clinique et théorie, Maurice Haber peut appréhender les sujets aussi variés que l’agir, la passion, la réparation, le narcissisme…

Et c’est d’ailleurs pour le rencontrer au plus près de ses qualités d’analyste, dans son exigence à comprendre et rejoindre ses patients les plus démunis que nous avons tenu à reprendre un de ses articles. Bien que paru en 1988 dans notre revue «Quelques réflexions à propos de fins d’analyses chez des patients narcissiques» est encore d’une vibrante actualité (1988, n°13, pp.23-38). Cet article, très riche, amène de nombreuses réflexions bien au-delà de ce que le titre ne propose ainsi: les processus de séparation et d’individuation, le contre-transfert, le deuil…

Nous avons donc proposé ce texte à la «résonance» des collègues, désireux de se prêter au jeu des associations et des réflexions que cet article peut susciter.

Jacques Delaunoy se penche sur «Un analyste au travail» qui peut reconnaître le désir d’autonomie de ses patients et qui doit en même temps faire le deuil de ses idéaux analytiques. J. Delaunoy apprécie particulièrement ce qui relève d’une description d’un processus vivant en séance, cher au clinicien.

Jacqueline Godfrind reprenant une phrase d’une patiente «Vous ne verrez jamais mes larmes », nous emmène sur des sentiers peu visités et pourtant essentiels quand il s’agit de parler de la fin de carrière de l’analyste. De façon personnelle et sensible, l’auteur s’attache à préciser de quelle vivance est porteuse cette pratique pour les deux protagonistes de la scène analytique. À quoi l’analyste est-il exposé dans le deuil de ce travail qui n’est certes pas comme les autres ? Autant de questions cruciales que chaque analyste aura un jour à se poser.

Christine Desmarez confirme bien tout l’intérêt et l’actualité de l’article de Maurice Haber. «Construction des liens et défenses narcissiques dans le champ psychopathologique contemporain» met bien en évidence cette façon particulière qu’ont certains patients de se mettre en relation à l’autre. L’auteure parle d’«une véritable pathologie du lien, de la problématique de la distance avec l’objet et de la maîtrise de celui-ci. L’oscillation entre angoisse d’abandon et angoisse de fusion est en mouvement incessant: soit le sujet n’est pas vu par l’objet ou, alors, il n’existe qu’en étant l’autre et il disparaît. » L’objet est donc par- ticulièrement sollicité ou fui.

Theresa Spadotto dans une illustration clinique «De l’impossibilité d’une fin d’analyse» en écho à l’article de M. Haber nous fait vivre les arrêts répétés d’une patiente au cours de son analyse. En nous appuyant de façon féconde sur le concept de «la position phobique centrale » de Green, comme nous le propose l’auteure, nous pouvons saisir que «Les associations sont non seulement en arrêt, mais que c’est comme si le fonctionnement phobique s’était installé à l’intérieur même du discours et empêchait tout déploiement possible dans le psy- chisme ». C’est l’habileté de l’analyste dans la relation transféro-contre-transférentielle qui pourra aider la patiente à penser une séparation plutôt que de l’agir.

Dans la partie Hors thème, nous nous plongerons tout d’abord dans la poésie rimbaldienne grâce au talent de Gérard Pirlot qui nous propose une écoute analytique des textes de l’œuvre et des lettres de Rimbaud qu’on pourrait qualifier «d’analyse sauvage». G. Pirlot fait appel à divers auteurs comme Tausk, Anzieu, Bion…pour saisir cette phrase de Rimbaud: «C’est faux de dire: je pense; on devrait dire: on me pense »

Nous pourrons ensuite: «Voir, voyager, enquêter» en compagnie de François Monville. Celui-ci insiste de façon délicate et associative sur le lien entre forme et langage en s’appuyant sur le travail de deux écrivaines et d’un cas clinique. L’art d’écrire permet de voyager, nous dit-il, non seulement dans son histoire, mais également dans diffé-rentes configurations psychiques. Et que se passe-t-il si le voyage est impossible pour certains, quand l’immobilisme prévaut et empêche une parole vivante d’éclore?

Enfin, grâce à Monica Bourlet, qui nous fait partager sa recherche de façon très généreuse, nous pouvons approcher l’expérience complexe de la Gestation pour autrui (GPA). Quels sont les aménagements psychiques que ces mères porteuses mettent en place pour vivre ces grossesses pour d’autres ? Quelles seraient leurs motivations inconscientes ? Comment est vécu le désir d’enfant et la représentation de la fonction maternelle? Tellement de questions que M. Bourlet aborde de façon documentée et vivante au travers de deux entretiens de mères porteuses.