Notes de lecture

Alsteens, André

1989-10-01

Notes de lecture

Partager sur

A écouter les jeunes thérapeutes avides d'apprendre, le succès de cet ouvrage est incontestable. Il tient à plusieurs facteurs dont le moindre n'est certes pas d'entendre un analyste parler de clinique avec autant de sincérité. De nombreux thèmes devenus sensibles animent le propos, tels le contre-transfert, la dialectique vécu intérieur-réalité extérieure (y compris celle d'analyste), la relation, le point de vue interactif. La place à donner au patient est abondamment illustrée par l'idée de la "supervision interne", qui consiste à tenir compte de ce que le patient perçoit et découvre de son analyste, au fil des séances ou plus généralement. Le danger existait, il est vrai, de trop occulter l'importance de la place tenue par le patient dans ce qui se passe, et à cet égard, à la suite d'autres auteurs, Casernent rappelle à bon droit la fécondité du non-savoir et de ce que Bion a défini comme la "capacité négative".

Bien que nous soyons sensibles à ces divers aspects, ainsi que nous avons pu en témoigner par ailleurs, et récemment encore à propos de la réalité dans la cure, oserions-nous dire que Casement en fait parfois un peu trop, à nos yeux ? A trop se pencher sur la relation dans ce qu'elle compte d'actuel, il en vient à manquer le paradoxe et l'ambiguïté propres à la situation analytique. L'exemple du chapitre V nous parait à cet égard tout à fait significatif. Sans doute n'est-il pas faux de discerner ainsi dans quelle impasse la patiente a dû se débattre à partir des interventions de son thérapeute, mais on se prend à regretter qu'elle n'ait pu se passer de telles digressions, ce qui eût été le cas si celui-ci s'était montré davantage sensible à la singularité de la relation établie. Une trop grande sensibilité dans un secteur n'est donc pas sans nuire à l'ensemble !

L'attention pour la relation ne doit jamais opérer au détriment des autres paramètres en présence, tels le transfert et le retrait de l'analyste qui rend celui-ci possible. Le danger nous guetterait alors de trop vouloir tout décrypter, tout expliquer, dans sa relation avec nous, alors que le patient doit davantage être laissé à ce qu'il vit. Bouvet et Meltzer ont indiqué en leur temps la puissance du processus à l'oeuvre, dans des modalités propres à chacun ; avec Casement, il m'est arrivé de craindre de voir ce processus inutilement brouillé.

Autant je partage le souci de la relation qui se noue avec le patient et l'attention à ce qu'il nous enseigne, autant j'estime nécessaire de ne jamais perdre de vue notre place en retrait, faite de fugitivité. N'est-ce pas somme toute plaider, au coeur même de cet intérêt pour la relation, en faveur de ce que j'ai appelé ailleurs le sens de la "négativité de cadre" ? Peut-être l'auteur en rend-il compte lui-même, quand à la fin de son ouvrage il rappelle le rôle structurant de la "théorie" à côté de la familiarité nécessaire avec son propre inconscient. Ainsi se trouve rappelé le tiers structurant d'ouverture et d'espace.