Nés de la rencontre entre spécialistes, organisée en mai 1984, dans une concertation très officielle, subsides obligent, ces textes sont le reflet quasi sténographique d'un colloque destiné à poser les jalons "théoriques et méthodologiques" à "l'approche psychanalytique de la problématique de la psychose à l'adolescence". Autour de cinq tables rondes, gravitent à chaque fois un ou plusieurs "rapporteurs", quelques "discutants" et quelques "intervenants". Voilà pour l'aspect formel.
Mais venons-en au fond. Il n'est guère possible d'en rendre compte en détail ; autant alors réécrire tout un livre. Sujet dense certes, difficile, aux multiples facettes qui n'ont pas manqué de relancer le débat tous azimuts, avec quelque difficulté, pour Jeammet, à se voir écouté quand il entend resserrer le propos.
Sans aller peut-être jusqu'à voir entre adolescence et psychose une antinomie radicale, il est vrai qu'il faut se montrer prudent dans le rapprochement des deux termes et reconnaître à chacun sa spécificité propre. Aussi suivrions-nous volontiers Laufer dans sa distinction entre épisode psychotique, fonctionnement psychotique et psychose avérée. Avec l'adolescence se posent à la fois la question de ne pas majorer la signification pathologique de certains comportements et celle de ne pas passer à côté d'un risque psychotique prégnant.
Nous voilà ainsi plongés dans la gravité des questions qui animent les débats. Dans une telle confrontation, le propos ne peut rester égal. Forcément, il reflète à la fois la diversité des familles de pensée en présence et la différence des populations concernées.
Il nous parait préférable d'épingler quelques textes qui ont retenu notre attention. Sans être un "spécialiste" de l'adolescence, Green nous rapporte, en fin de volume, quelques remarques pertinentes sur la nécessité de "repenser" la métapsychologie, faisant ainsi écho à un propos de Donnet. Aulagnier nous fournit aussi, par la notion de compromis identificatoire, une grille de lecture féconde quant à l'existence d'une potentialité psychotique. Plusieurs auteurs, proches du travail avec l'adolescent, retiendront encore notre attention ici : Laufer, avec la place du corps et le rôle du fantasme masturbatoire central ; Ellonen-Jéquier, pour une vignette clinique à la beauté saisissante et qui nous repose de la trop grande aridité de bien des contributions ; Ladame et Kaelin-Kupper, pour une réflexion, ajoutée après coup, sur la place d'un analyste, auprès de deux adolescents menacés ; enfin Cahn, pastichant intelligemment Freud autour de "L'inquiétant étranger".
S'il est vrai que ces quelques noms représentent à nos yeux l'apport le plus original de cet ouvrage, il serait injuste de ne pas y voir une invitation à glaner, au fil des pages, sans toujours savoir quoi, tant cela peut différer de l'un à l'autre thérapeute. Pour notre compte, les interventions de Sigg, Penot, Smirnoff et Giovacchini furent encore parmi les plus suggestives. Notons ici qu'un index thématique achève fort utilement l'ouvrage.
"L'adolescent et le psychotique, pour des raisons souvent complémentaires, paraissent particulièrement experts dans l'art de nous surprendre", constate Aulagnier. C'est à cette surprise que nous convie aussi cet ouvrage, par des voies à notre gré trop délibérément secondarisées. L'adolescence ne nous y ferait-elle pas, une fois encore, la nique ?
