Notes de lecture

Godfrind, Jacqueline

1986-10-01

Notes de lecture

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Voici, mis à la disposition du lecteur francophone, le deuxième volume de la trilogie de Meltzer "le développement kleinien de la psychanalyse".

Rappelons que le premier tome était consacré à des réflexions autour de la pensée de Freud (8). Meltzer suivait Freud au travers de textes plus spécifiquement cliniques ; il se livrait à une critique de la métapsychologie freudienne en insistant particulièrement (et d'une façon qui m'était apparue comme souvent passionnelle) sur ce qu'il estime être les lacunes dans les élaborations de Freud, lacunes qui préparaient la voie aux travaux de M. Klein et de ses successeurs, essentiellement dans leurs apports techniques. (Rappelons que le troisième tome de la trilogie, non encore traduit, est consacré à Bion).

Le contenu du deuxième volume, "L'évolution clinique de Klein", procède d'une démarche un peu différente. Meltzer nous l'annonce dans l'introduction : il souhaite "démanteler le mythe kleinien". Pour ce faire, il a pris pour point de départ le livre de M. Klein "Le cas Richard, l'histoire d'une analyse d'enfant" (1), autour duquel il a réalisé un séminaire de lecture. L'ouvrage rassemble les conférences auxquelles ce séminaire a donné lieu.

Le travail de Meltzer porte sur un double registre, l'un clinique, l'autre théorique.

Parlons d'abord de l'aspect clinique. Dans chacun des chapitres de son livre, Meltzer élabore à partir du matériel clinique apporté par le petit Richard au cours d'une semaine d'analyse. C'est dire, comme le mentionne Meltzer, que ses propos sont "virtuellement inintelligibles si le texte lui-même du livre de M. Klein n'a pas été étudié soigneusement ou, au minimum, lu très récemment". J'ajouterai que la lecture du "cas Richard" me paraît particulièrement enrichissante pour tout thérapeute qui souhaite rencontrer M. Klein dans la spécificité de sa pratique.

Meltzer commente le matériel clinique en articulant ses réflexions sur les interprétations que propose M. Klein. Il se livre à cet exercice avec la richesse associative de ceux qui ont eu l'occasion de l'entendre travailler sur du matériel clinique connaissent, témoin de sa créativité personnelle. En cela, il prend en relais l'étonnante intuition de M. Klein dont il exploite plus l'imagination qu'il ne la critique. S'il dénonce parfois ce qu'il estime être les incompréhensions, les méconnaissances, voire les erreurs de M. Klein, c'est avec une indulgence qui signe son souhait profond de "maintenir une attitude critique parallèle aux sentiments d'admiration et de respect" qu'il voue à M. Klein.

A côté du travail clinique, Meltzer nous propose également un abord plus théorique de la pensée kleinienne. Il développe des concepts spécifiquement kleiniens, soit qu'il commente et élargisse les notes théoriques rédigées par M. Klein elle-même à partir de son travail clinique, soit qu'il introduise des notions que M. Klein utilisera ultérieurement mais dont elle ne fait alors que pressentir la portée. Dans ce sens, Meltzer met remarquablement en évidence comment les outils conceptuels qui manquent encore à M. Klein par rapport à ses démarches futures limitent l'exploitation du matériel apporté par Richard.

Cette forme particulière d'aborder la théorie donne l'occasion à Meltzer de suivre l'évolution progressive de certains concepts à travers le cheminement de la pensée de M. Klein. Parmi eux, retenons plus particulièrement l'étude des angoisses persécutives (angoisse paranoïde, angoisse persécutive, dépression persécutive), de la réparation (réparation vraie, maniaque, fausse réparation), de la pulsion épistémophilique, de l'hypocondrie, de la confusion et de l'ambivalence.

Je concluerai par une impression générale. "L'évolution clinique de Klein" est certes, et particulièrement pour ceux qu'intéresse la technique kleinienne, un livre attachant. Mais il ne peut trouver sa pleine valeur qu'en tant qu'outil de travail dans une réflexion approfondie sur "le cas Richard", matériel exceptionnel mis à notre disposition par M. Klein pour approcher sa technique. Cependant, les réflexions théoriques de Meltzer gardent, elles, un intérêt intrinsèque indépendant du matériel de M. Klein.