Notes de lecture

Jullian, L.

1996-10-01

Notes de lecture

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Cet ouvrage de Jean-Luc Donnet constitue un rassemblement d'une série d'articles ayant été écrits durant les trente-cinq dernières années.

Le présent ouvrage porte le même titre que l'article écrit en 1973, dans la Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 8, intitulée "Pouvoirs".

L'auteur nous explique que s'il a choisi ce titre pour son livre, c'est parce que le leitmotiv de la situation analytique est présent tout au long des textes qui le composent. Plus précisément, parce que la métaphore du "Divan bien tempéré" exprime, en la condensant, sa préoccupation essentielle : la prise en compte du rôle joué par "l'instrumentation" dans les manifestations dont l'ensemble constitue ce qu'on appelle "une analyse".

Certes, en arrière-plan de chaque article, c'est du processus psychanalytique dont il s'agit, des problèmes de technique et de maniement des situations cliniques propres à la cure.

Son livre est structuré en quatre parties :

I. Le site analytique et la situation analysante ;

II. Une croyance à l'oeuvre ;

III.  Sur la situation analytique ;

IV.  L'écart théorico-pratique.

I. Le site analytique et la situation analysante

L'utilisation de la métaphore de "site" par Jean-Luc Donnet nous donne une belle image des différents niveaux par lesquels va passer la rencontre entre l'analyste et le patient. Parce que c'est bien de cela dont il s'agit : "Cette définition fait valoir la dimension essentielle de la rencontre entre la "géographie" d'un lieu (configuration propre) et l'histoire (de l'établissement humain), rencontre dans laquelle le site surgit comme le moyen d'une fin (vie matérielle et expansion) nécessaire mais éventuellement indéfinie".

Il distingue trois niveaux d'utilisation du "site" : d'abord, l'utilisation consciente-préconsciente "voulue", a-transférentielle. Au deuxième niveau, il s'agit de l'investissement transférentiel inconscient. Enfin, au troisième niveau, il s'agit de l'utilisation de l'interprétation envisagée ici sous l'angle de "l'usage" qu'en fait l'analysant, et de la "ressource" qu'elle peut devenir.

II. Une croyance à l'oeuvre

Une croyance à l'oeuvre constitue tout simplement la croyance à la psychanalyse. D'abord, la nôtre, celle de l'analyste, puis celle de nos patients et des profanes. Jean-Luc Donnet parle d'une façon simple et touchante de ses premiers pas et de ses premiers contacts avec la psychanalyse : ses espoirs, ses illusions, ses contradictions, son expérience personnelle sur le divan et ses prises de position théorique. Certes, il nous laisse sous-entendre qu'il y croyait, lorsqu'il disait : "Je croyais au verbe et à la primauté du symbolique, mais je croyais aussi à la régression narcissique et à l'affect". Il y croit (j'espère qu'il y croit toujours), mais en se posant des questions fondamentales et d'une actualité brûlante (je vous rappelle que l'extrait de cet article date de 1978). Des questions telles que la tentation actuelle d'une psychanalyse désexualisée : "N'est-il vrai qu'à s'occuper de névroses narcissiques et de psychoses, la psychanalyse tend à se "désexualiser", - comme l'oeuvre freudienne elle-même avec le temps ?". En relation avec la pulsion de mort, il se demandait : "Qu'est-ce que la jouissance du deuil ? Qu'est-ce que la souffrance psychique, sans le masochisme ? Comment travaille l'interprétation dans ces situations extrêmes où se côtoie l'horreur du réel ? Faut-il parfois que l'analyse s'efface ? Ou, "Sommes-nous toujours là pour aider nos patients à "jouer à la bobine" ?".

III. Sur la situation analytique

Ce troisième chapitre constitue le plus dense de son livre. Il contient cinq articles dont le plus connu est "Le divan bien tempéré". Dans ces chapitres-ci, nous sommes au vif du sujet où les questions de maniement, de technique, de vécu, d'hystérie, de la répétion, des jeux et des enjeux de l'interprétation, de temporalité-atemporalité sont posées avec réflexion et clarté, des réponses sont données avec précision, en prenant position sans craindre de rentrer…

IV. L'écart théorico-pratique

Pour terminer, je dirais qu'au coeur du quatrième chapitre, il s'agit de deux règles fondamentales de la psychanalyse, de la transmission de celle-ci et de l'institution psychanalytique d'une part, et de transfert et du contre-transfert d'autre part. "La deuxième règle "assure" donc la transmission de cette intransmissibilité par la théorie, gage d'une discontinuité qui "garantit" l'irréductibilité de l'expérience subjectivante". Cette expérience est donc au fondement de ce qui pourra rendre l'analysant apte au fauteuil, c'est-à-dire l'analyste apte au contre-transfert dans ce qui le différencie du transfert. Je souligne encore l'écart théorico-pratique : le phénomène dit de contre-transfert n'est repérable et éventuellement intégrable - moyennant désimplication relative par auto-interprétation - que dans le cadre d'une fonction théorique définie".

Enfin, voici un livre riche et passionnant, pour ceux qui aiment la clinique et son articulation avec la théorie.