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17/04/2017: Clivage et refoulement

17.04.2017

Pour introduire leur propos, Anne Englert et Denis Hirsch présentent deux extraits du film « Pas de Printemps pour Marnie » (Hitchcock, 1964) . Ils illustrent en effet les débuts de la psychanalyse, où il est question de rendre conscient ce qui est refoulé, de dévoiler le sens de symptômes jusque là incompréhensibles, et par la récupération du souvenir dégagé de sa charge traumatique de parvenir à la guérison.

Dans le second extrait visionné, nous voyons l’héroïne, Marnie, qui, redevenue une enfant, dans un état de régression, revit une scène traumatique du passé qui va permettre d’expliquer ses phobies et sa terreur vis-à-vis de la sexualité.

Le refoulement

Dès 1895, nous rappelle Anne Englert, le refoulement décrit par Freud est associé à la décou-verte de l’Inconscient. A partir de ses cures auprès de patientes hystériques, Freud va poser l’hypothèse que l’étiologie des névroses est due à un traumatisme sexuel vécu dans l’enfance. Il développe progressivement le premier modèle théorique, appelé première topique, avec l’inconscient – le préconscient – le conscient, et le premier modèle du rêve comme réalisation du désir inconscient qu’il va s’agir de « décoder » et d’interpréter (ce qui est montré dans la première scène du film, où Marnie raconte un cauchemar à son mari).

Freud abandonnera progressivement l’hypnose et la catharsis pour la cure classique avec l’association libre et l’analyse du transfert.

Le refoulement est l’opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à maintenir dans l’inconscient des représentations, pensées, liées à une pulsion, dans le cas où la satisfaction de celle-ci est susceptible de procurer par ailleurs du déplaisir à l’égard d’autres exigences.

Le refoulement est associé à la création de l’inconscient, précise AE ; il ne peut donc pas être seulement considéré comme une défense.

AE précise qu’en psychanalyse on différencie l’enfance et l’infantile. L’enfance, ce sont les moments vécus. L’infantile, c’est le sens que l’enfant donne à ces évènements pour les inté-grer, comment il va construire ses théories du monde. L’enfant interprète les situations en fonction de lui, comme s’il en était à l’origine et/ou en fonction des mouvements pulsionnels dominants du moment.

Le refoulement ne concerne pas l’affect mais la représentation ; c’est un mouvement dyna-mique constant ,mais inconscient ; on pourra cependant reconnaître « les rejetons du refoulé » à travers les rêves, les lapsus, les actes manqués, etc.

AE reprend Le Guen, qui distingue les refoulements primaires antérieurs à la conflictualité œdipienne (orale, anale, phallique), des refoulements secondaires pris dans la dynamique des retours du refoulé (rêves, etc.).

Le refoulement est un mécanisme de défense normal de la psyché, poursuit AE, nécessaire au développement, et permet un travail de transformation .

Mais lorsque les événements sont restés trop traumatiques, ils tentent de se représenter à nou-veau comme des fantômes qui vont hanter le présent, n’ayant pu trouver une digne sépulture.

Cependant, souligne AE pour introduire la notion de clivage que va présenter Denis Hisch, le refoulement ne peut à lui seul comprendre ce qui peut échapper à la conscience.

Le moi, le clivage du Moi

Pour aborder le concept de clivage, évoquer les phénomènes dissociatifs qui peuvent être éprouvés dans des situations traumatiques extrêmes, Denis Hirsch fait la lecture d’un texte de Charlotte Delbo, résistante déportée à Auschwitz. Celle-ci décrit avec une clarté saisissante comment le clivage a été pour elle une méthode ultime pour pouvoir survivre. Elle parle no-tamment de sa mémoire clivée entre une mémoire intellectuelle et une mémoire profonde (qu’elle peut retrouver dans ses rêves), et déclarant à propos de son vécu : « tout en sachant que c’est véridique, je ne sais pas si c’est vrai ».

Le clivage au Moi

Anne Englert va poursuivre en reprenant la notion de clivage au Moi décrite par R. Roussillon, processus par lequel le Moi tient hors de lui certains aspects de son expérience, où le sujet se retire d’une partie de lui-même. Le principe de survie est placé sous le signe de la coupure des éléments perceptifs et sensoriels de l’expérience traumatique.

Mais cette « mise en oubli » favorise le retour du clivé, sans que le sujet puisse établir des liens, les traces n’ayant pu être transformées et intégrées par le Moi.

Face à ces « terres étrangères » au Moi conscient, il est important que notre écoute soit élargie à ces traces perceptives, éprouvés sensoriels, voire somatiques, ou hallucinations dans certains cas.Un travail de reconstruction de ce qui aurait pu être vécu dans le passé est alors nécessaire. AE nous présente, pour étayer ce propos, le cas d’un de ses patients avec lequel une communication très primitive s’est établie, témoignant d’éprouvés contre-transférentiels quasi hallucinatoires, qui ont permis ce travail de reconstruction et un relatif dégagement dans la thérapie.

AE termine son exposé en posant la question suivante : quand est il opportun pour l’analyste de chercher à rassembler les parts clivées, certains patients viendraient demander plutôt à ren-forcer leur clivage, pour que la part qui les rend « fou » ne prenne pas le dessus. C’est des questions complexes, à réfléchir pour chaque situation clinique.

En dernière partie, Denis Hirsch (DH) va continuer la réflexion autour du clivage.

Le Moi, le clivage normal et le clivage pathologique

DH rappelle que le refoulement et le clivage sont deux mécanismes inconscients, tous deux de nature à la fois structurante et défensive.

Quand, dans les années 1920, Freud introduit la deuxième topique, le Moi devient une ins-tance en grande partie inconsciente, impliquant un Moi clivé, qui va amener la constitution du Surmoi.

Face à ces différentes instances psychiques, le Moi doit pouvoir faire la synthèse pour per-mettre une bonne intégration de l’identité, une liberté d’identifications et d’investissements.

Par contre, face à un trauma, le Moi, soumis aux débordements des pulsions brutes, aura re-cours à une défense plus drastique : le clivage défensif ou pathologique. Le clivage est donc à la fois effet du trauma et défense contre le trauma.

Le clivage pathologique implique la coexistence de deux attitudes à l’endroit de la réalité, l’une tenant compte de cette réalité, l’autre la déniant pour une réalité fantasmée.

Le clivage normal est un clivage conscient témoignant d’un conflit interne, de notre ambiva-lence : il élargit notre vie psychique. A l’opposé, le clivage pathologique reste hors du champ de la conscience : c’est le fameux « je sais bien, mais quand même » du fétichiste. Sous l’effet d’une réalité intolérable, le sujet se divise d’avec lui-même, il y a clivage intra narcissique avec déchirure du tissu du Moi.

Pour permettre donc au sujet de survivre, plusieurs mécanismes inconscients seront à l’œuvre : identification projective, déni, forclusion, hallucination négative, etc.

A partir d’une vignette chimique, DH montre que le transfert également peut être clivé, té-moignant de son intensité comme de sa passion haineuse.

Selon G. Bayle, on peut distinguer deux formes de clivage :

– les clivages fonctionnels, temporaires, qui protègent le Moi en mettant à distance les repré-sentations trop dangereuses ;

– les clivages structurels, beaucoup plus invalidants, face à une béance narcissique, en lien avec un trauma impossible à symboliser.

G. Bayle fait l’hypothèse que ces clivages sont transmis par des clivages que l’on trouve chez les parents, en lien avec une honte, un secret trans-générationnel. L’enfant n’a d’autre choix que de s’identifier à cette défense du parent, qui alors le lie incestuellement, au prix de l’impossibilité de se séparer psychiquement.

Pour conclure, DH réinsiste sur la notion de défense de survie du clivage, et donc sur la nécessité de ne pas intervenir de façon sauvage sur celui-ci. Il évoque l’intérêt des pratiques thérapeutiques qui utilisent justement le clivage fonctionnel, comme le psychodrame psycha-nalytique ou les prises en charge bi- ou tri-focales, permettant la diffraction des parties clivées du Moi du patient et de son transfert sur plusieurs thérapeutes.

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18/03/2017: Les défenses autistiques à l’épreuve de la clinique quotidienne

18.03.2017

En introduction

C. De Buck nous plonge d’emblée dans un matériel clinique qui illustrera le propos de ce nouveau séminaire. Il s’agit d’une patiente bien adaptée, mais en lutte contre une dépression primaire et des menaces d’effondrement qui l’obligent à la mise en place de façon permanente de défenses autistiques très couteuses. Car, poursuit CDB, les défenses autistiques peuvent se rencontrer chez bon nombre de nos patients, qu’ils présentent des troubles d’allure névrotique, ou encore des traits psychotiques, limites ou psychosomatiques.

S’appuyant sur les travaux de F. Tustin, CDB évoque les « poches autistiques » de ces patients non-autistes, comme des parts de la personnalité impénétrables, encapsulées.

Chez l’enfant autiste, les réactions de mise en capsule vont chercher à expulser les sentiments de terreurs primitives et protéger-immobiliser la part de personnalité atteinte.

Chez le névrosé, les parts autistiques clivées vont ressurgir lors de moments critiques (maladie, séparation, etc.), témoignant de blessures inapaisées dans la relation primaire.

À partir de plusieurs vignettes cliniques et de dessins qui seront projetés et jalonneront son exposé, Carine De Buck et Françoise Labbé vont poursuivre en reprenant plus en détail divers points selon le plan suivant :

1. Le concept de première peau

E. Bick montre que c’est au travers des expériences ressenties par l’ensemble de la peau que le bébé élabore le concept d’un espace délimité, d’une enveloppe qui tient les choses, expérience d’un objet qui soutient la personnalité. Première introjection donc d’un objet contenant qui fournit un espace dans lequel des objets pourront être introjectés.

En cas d’échec, il n’y a pas de sentiment d’espace interne, le bébé colle alors à l’objet dans une bi-dimensionnalité.

La déficience d’une contenance entraine alors des angoisses corporelles et spatiales primitives, décrites notamment par Houzel, Tustin et Meltzer.

2. Les angoisses typiques des niveaux de fonctionnement autistiques

• La perte de la continuité d’être et la conscience agonistique de la séparation. Françoise Labbé évoque le trou noir du non-être, qui est la perte du sentiment psychique d’exister, suite à un vécu de perte traumatique, d’arrachement précoce du sein maternel.

• Les angoisses de dissolution et de chute sans fin.
Tustin décrira à propos d’une patiente le débordement des affects, la chute d’eau des angoisses qui se déversent dans le néant, les substances vitales qui se liquéfient et s’enfuient en s’écoulant. Toutes ces menaces vont alors stimuler les manœuvres autistiques d’auto- enfermement pour maintenir l’illusion d’un contrôle.

3. Les mécanismes de défense autistiques

• Le démantèlement

Meltzer décrit ce processus comme une capacité à suspendre l’attention et laisser errer les investissements vers l’aspect de l’objet qui conserve la plus grande force d’attraction.
Le démantèlement entraine la perte de la consensualité (pas de synthèse des différents aspects sensoriels de l’objet) et une idéalisation extrême de l’objet primaire, à partir de laquelle Meltzer élaborera le concept d’objet esthétique.

L’hypothèse est que ces enfants hyper-sensibles ont été confrontés très tôt à une dépression maternelle et ont réagi par des fantasmes de contrôle omnipotents de l’objet.

• L’identification adhésive et l’objet esthétique

L’identification adhésive cherche à compenser une interaction défectueuse mère-enfant; l’autre est utilisé alors comme une extension du Self, idéalement beau, parfait: c’est l’objet esthétique. Tout dépend alors de la réponse de l’objet qui, à partir de ce lien narcissique, pourra permettre la croissance psychique ou à l’inverse entraîner un claustrum, emprisonnant les potentialités de développement.

• Les manœuvres autistiques, objets et formes

Pour Tustin, l’autisme est un état où règne la sensualité auto-induite, dans lequel toute attention est portée sur les sensations et les rythmes corporels. Si la fonction contenante de l’objet maternel est défaillante, le bébé va être amené à utiliser les sensations de son propre corps, engendrer des objets, des formes autistiques pour tenter de nier l’objet défaillant.

Les objets autistiques sont des objets durs, qui donneront l’illusion d’une carapace. Les formes sont des sensations que l’enfant fabriquera à partir de substances molles (salive, fèces, sable, etc.) ou de mouvements qui vont l’apaiser.

Il peut y avoir enfin une utilisation autistique de la proprioception ; Carine De Buck cite l’agrippement à l’hypertonicité, les agrippements kinesthésiques (balancements) les agrippements à la pensée (productions mentales qui agissent comme équivalents de productions physiques sans activité véritable de pensée), l’agrippement à l’excitation par l’activité mentale ou physique (addictions, manies, etc.).

4. Cas clinique

En dernière partie, F. Labbé présente un enfant pour qui a été posé un diagnostic de psychose infantile avec un secteur autistique. Celui-ci montre trois facettes différentes : intelligent et « normalement adapté », mais aussi à certains moments catatonique ou encore très agressif. F. Labbé nous fait suivre les différentes étapes de la cure analytique en s’appuyant sur plusieurs dessins très illustratifs: on y retrouve plusieurs thèmes abordés, vécu d’arrachements, expérience de la discontinuité, élaboration de son enclave autistique, voracité sadique…

F. Labbé s’arrête notamment sur un dessin où se travaille la question du même et de l’autre, à partir des taches d’encre dans la pliure d’une feuille, renvoyant aux symétries imparfaites. Elle rappelle la théorie de G. Haag au sujet de la pliure : charnière, amorce de profondeur, et reliure d’un double feuillet, ce pli serait un moment critique de l’intégration de l’objet d’arrière-plan, de la formation de la peau psychique et du décollement des peaux dans le passage de la symbiose à l’individuation.

F. Labbé nous montre bien comment à côté d’un développement sain des fonctions cognitives, artistiques et expressives, cet enfant présente une enclave autistique dont l’origine renverrait au « complexe de la mère morte » d’André Green, avec la formation d’un trou dans la trame relationnelle , tout en ayant maintenu les investissements périphériques.

F. Labbé termine par une citation de J. Begoin : « l’objet qui se refuse à accepter d’être cet objet esthétique pour l’enfant « à cause de sa dépression » refuse en même temps , en raison de l’idéalisation réciproque, de ressentir cet enfant comme son propre objet esthétique et le plonge dans le désespoir pour sa vie entière ». C’est ce désespoir qui est comme enkysté dans l’enclave autistique.

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18/03/2017: Les défenses autistiques à l’épreuve de la clinique quotidienne

En introduction

C. De Buck nous plonge d’emblée dans un matériel clinique qui illustrera le propos de ce nouveau séminaire. Il s’agit d’une patiente bien adaptée, mais en lutte contre une dépression primaire et des menaces d’effondrement qui l’obligent à la mise en place de façon permanente de défenses autistiques très couteuses. Car, poursuit CDB, les défenses autistiques peuvent se rencontrer chez bon nombre de nos patients, qu’ils présentent des troubles d’allure névrotique, ou encore des traits psychotiques, limites ou psychosomatiques.

S’appuyant sur les travaux de F. Tustin, CDB évoque les « poches autistiques » de ces patients non-autistes, comme des parts de la personnalité impénétrables, encapsulées.

Chez l’enfant autiste, les réactions de mise en capsule vont chercher à expulser les sentiments de terreurs primitives et protéger-immobiliser la part de personnalité atteinte.

Chez le névrosé, les parts autistiques clivées vont ressurgir lors de moments critiques (maladie, séparation, etc.), témoignant de blessures inapaisées dans la relation primaire.

À partir de plusieurs vignettes cliniques et de dessins qui seront projetés et jalonneront son exposé, Carine De Buck et Françoise Labbé vont poursuivre en reprenant plus en détail divers points selon le plan suivant :

1. Le concept de première peau

E. Bick montre que c’est au travers des expériences ressenties par l’ensemble de la peau que le bébé élabore le concept d’un espace délimité, d’une enveloppe qui tient les choses, expérience d’un objet qui soutient la personnalité. Première introjection donc d’un objet contenant qui fournit un espace dans lequel des objets pourront être introjectés.

En cas d’échec, il n’y a pas de sentiment d’espace interne, le bébé colle alors à l’objet dans une bi-dimensionnalité.

La déficience d’une contenance entraine alors des angoisses corporelles et spatiales primitives, décrites notamment par Houzel, Tustin et Meltzer.

2. Les angoisses typiques des niveaux de fonctionnement autistiques

• La perte de la continuité d’être et la conscience agonistique de la séparation. Françoise Labbé évoque le trou noir du non-être, qui est la perte du sentiment psychique d’exister, suite à un vécu de perte traumatique, d’arrachement précoce du sein maternel.

• Les angoisses de dissolution et de chute sans fin.
Tustin décrira à propos d’une patiente le débordement des affects, la chute d’eau des angoisses qui se déversent dans le néant, les substances vitales qui se liquéfient et s’enfuient en s’écoulant. Toutes ces menaces vont alors stimuler les manœuvres autistiques d’auto- enfermement pour maintenir l’illusion d’un contrôle.

3. Les mécanismes de défense autistiques

• Le démantèlement

Meltzer décrit ce processus comme une capacité à suspendre l’attention et laisser errer les investissements vers l’aspect de l’objet qui conserve la plus grande force d’attraction.
Le démantèlement entraine la perte de la consensualité (pas de synthèse des différents aspects sensoriels de l’objet) et une idéalisation extrême de l’objet primaire, à partir de laquelle Meltzer élaborera le concept d’objet esthétique.

L’hypothèse est que ces enfants hyper-sensibles ont été confrontés très tôt à une dépression maternelle et ont réagi par des fantasmes de contrôle omnipotents de l’objet.

• L’identification adhésive et l’objet esthétique

L’identification adhésive cherche à compenser une interaction défectueuse mère-enfant; l’autre est utilisé alors comme une extension du Self, idéalement beau, parfait: c’est l’objet esthétique. Tout dépend alors de la réponse de l’objet qui, à partir de ce lien narcissique, pourra permettre la croissance psychique ou à l’inverse entraîner un claustrum, emprisonnant les potentialités de développement.

• Les manœuvres autistiques, objets et formes

Pour Tustin, l’autisme est un état où règne la sensualité auto-induite, dans lequel toute attention est portée sur les sensations et les rythmes corporels. Si la fonction contenante de l’objet maternel est défaillante, le bébé va être amené à utiliser les sensations de son propre corps, engendrer des objets, des formes autistiques pour tenter de nier l’objet défaillant.

Les objets autistiques sont des objets durs, qui donneront l’illusion d’une carapace. Les formes sont des sensations que l’enfant fabriquera à partir de substances molles (salive, fèces, sable, etc.) ou de mouvements qui vont l’apaiser.

Il peut y avoir enfin une utilisation autistique de la proprioception ; Carine De Buck cite l’agrippement à l’hypertonicité, les agrippements kinesthésiques (balancements) les agrippements à la pensée (productions mentales qui agissent comme équivalents de productions physiques sans activité véritable de pensée), l’agrippement à l’excitation par l’activité mentale ou physique (addictions, manies, etc.).

4. Cas clinique

En dernière partie, F. Labbé présente un enfant pour qui a été posé un diagnostic de psychose infantile avec un secteur autistique. Celui-ci montre trois facettes différentes : intelligent et « normalement adapté », mais aussi à certains moments catatonique ou encore très agressif. F. Labbé nous fait suivre les différentes étapes de la cure analytique en s’appuyant sur plusieurs dessins très illustratifs: on y retrouve plusieurs thèmes abordés, vécu d’arrachements, expérience de la discontinuité, élaboration de son enclave autistique, voracité sadique…

F. Labbé s’arrête notamment sur un dessin où se travaille la question du même et de l’autre, à partir des taches d’encre dans la pliure d’une feuille, renvoyant aux symétries imparfaites. Elle rappelle la théorie de G. Haag au sujet de la pliure : charnière, amorce de profondeur, et reliure d’un double feuillet, ce pli serait un moment critique de l’intégration de l’objet d’arrière-plan, de la formation de la peau psychique et du décollement des peaux dans le passage de la symbiose à l’individuation.

F. Labbé nous montre bien comment à côté d’un développement sain des fonctions cognitives, artistiques et expressives, cet enfant présente une enclave autistique dont l’origine renverrait au « complexe de la mère morte » d’André Green, avec la formation d’un trou dans la trame relationnelle , tout en ayant maintenu les investissements périphériques.

F. Labbé termine par une citation de J. Begoin : « l’objet qui se refuse à accepter d’être cet objet esthétique pour l’enfant « à cause de sa dépression » refuse en même temps , en raison de l’idéalisation réciproque, de ressentir cet enfant comme son propre objet esthétique et le plonge dans le désespoir pour sa vie entière ». C’est ce désespoir qui est comme enkysté dans l’enclave autistique.

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26/10/2016: J’aurais voulu naître / n’être vivant

26.10.2016

Le premier séminaire

(du 26 octobre) aborde la solution somatique, avec Edith Creplet (EC), et le second la solution comportementale et addictive, avec Blandine Faoro-Kreit (BFK).

En premier lieu est rapportée la définition du pare-excitation : cette fonction, que l’on trouve chez Freud dès 1895 dans « L’Esquisse », se conçoit comme une barrière dynamique entre le dehors et le dedans, un filtre, qui va permettre de lier les excitations externes et internes. Cette barrière va en outre empêcher le développement de l’angoisse.

Freud distingue deux qualités d’angoisse :

• l’angoisse automatique des états de prématurité du Moi, avec une excitation non maîtrisée ;

• l’angoisse-signal qui avertit le Moi, ici plus organisé, et va permettre la mobilisation des défenses et de donner sens à cette angoisse.

Les effractions du système de pare-excitation surviennent quand les excitations internes ou externes débordent, avec absence d’angoisse-signal. On parle alors de trauma, lequel va entraîner une non-différenciation dehors/dedans, avec des actions de décharge pour abaisser le niveau de tension.

De quoi dispose l’humain pour traiter les quantités d’excitation ? Comment aborder les personnes qui n’ont pas les capacités nécessaires pour gérer ces excitations ? BFK cite deux références pour aborder ces questions : l’Institut de psychosomatique de Paris (IPSO) et R. Debray, auteur de « La clinique de l’expression somatique », qui présente un modèle décrivant différents systèmes de régulation des excitations :

Modèle à voies courtes

– somatique

– sensori-moteur

– comportemental

Modèle à voies longues

– sublimatoire

– psychique

Tout humain utilise ces différents systèmes. Le problème survient lorsqu’un seul système est utilisé systématiquement. BFK illustre différentes situations qui vont utiliser diverses sortes de décharge.

Puis EC présente une situation clinique concernant une patiente atteinte de polyarthrite, qu’elle a suivie pendant une année. Elle précise d’emblée que le terme de somatisation est à entendre ici comme maladie organique, et non au sens de conversion.

Il s’agit d’une patiente qui s’exprime de façon monocorde, avec une violence primaire tout à fait réprimée. EC est d’emblée frappée par son discours juxtaposé, non associatif. Elle décrit l’absence de sentiment de besoin d’aide chez cette patiente, au narcissisme primaire en grande souffrance, avec absence de bons parents internes. La thérapeute se présente alors comme un Moi auxiliaire, pour maintenir un contenant, en particulier durant les interruptions. Elle montre aussi l’importance de soutenir activement les mouvements plus actifs de la patiente quand celle-ci sort de sa passivité motrice, et de l’aider à trouver d’autres possibilités de défense face à sa maladie invalidante.

EC décrit un psychisme très écrasé, avec des mécanismes d’abrasement très présents pour tenter d’enrayer une détresse sans nom, désubjectivante, où la part traumatique est prévalente, et entraîne des mécanismes de déni pour survivre.

En conclusion, EC montre comment ce cas clinique est exemplaire de ce qui est décrit par l’IPSO comme étant les trois facteurs déclencheur de la maladie psychosomatique :

• la pensée opératoire, pensée centrée sur la logique, le factuel, sans mouvements émotionnels comme défense de vécus traumatiques ;

• la dépression essentielle – ou sans objet – sans culpabilité, d’une forme atone ; on peut alors parler de « momification dépressive radicale » ;

• la somatisation : maladie organique avec dispersion de la charge traumatique dans le soma, sans possibilité de psychisation.

EC rappelle l’importance de la symbolisation, et comment le « penser » s’enracine dans la sensorialité. Elle cite F. Golse : « le corps est la voie royale d’accès à la subjectivation et à la symbolisation ».

A partir de deux dernières vignettes cliniques, EC insiste sur la nécessité chez le thérapeute de rester vivant face à ces patients, de ne pas s’enliser dans un ton monotone, et de continuer à penser en se dégageant de leur emprise. Pour permettre au transfert de s’installer, il est souvent nécessaire de travailler au niveau du concret, de l’actuel.

Enfin, le thérapeute doit aider à la transformation de la violence primaire en une agressivité « de bon aloi », c’est-à-dire sans se détruire, ni détruire l’objet d’amour.

Le 2ème seminaire : La solution comportementale et addictive

Reprenant le plan de départ présenté au séminaire précédant comme base de réflexion pour aborder les systèmes de régulation, Blandine Faro-Kreit (BFK) va se pencher cette fois sur les solutions comportementales et plus précisément les procédés auto-calmants, puis poursuivra avec l’alcoolisme.

Procédés auto-calmants

Les conduites auto-calmantes sont des procédés qui tentent d’une part d’apaiser l’excitation par le recours à une autre excitation. Elles reconvoquent également l’angoisse pour tenter de la maitriser dans la répétition. Enfin, la mise en danger peut être recherché pour reproduire la situation traumatique.

BFK va illustrer son propos en s’inspirant du livre de G. Szec, Les galériens volontaires. Ce dernier, à partir de l’analyse des sportifs de l’extrême, retrouve les caractéristiques propres à ces conduites auto-calmantes :

– épreuve présentée comme horrible : l’Enfer ;

– répétition inéluctable, avec un crescendo ;

– rythmicité : alternance angoisse-effroi-apaisement ;

– hyperactivité motrice, hyper-sensorialité ;

– dangerosité extrême jusqu’à frôler la mort ;

– incapacité à mentaliser.

BFK poursuit par d’autres cas moins « extrêmes » présentés dans le livre de G. Szec :

L’homme qui nageait dans l’eau

Monsieur X amène deux souvenirs d’enfance traumatiques : d’une part une anesthésie avec masque lors d’une opération et, d’autre part, il fut poussé dans l’eau alors qu’il ne savait pas nager. Depuis de nombreuses années il a développé des phobies et un comportement de contre-investissement consistant tous les jours à sauter dans le vide et à nager en apnée jusqu’à la limite de ses forces. Il répète ainsi les scènes traumatiques évoquées plus haut pour tenter de se calmer – s’épuiser – et maîtriser son trauma en se donnant le rôle actif. Cet acte compulsif, conséquence de l’absence d’une élaboration psychique, est aussi l’échec de la fonction maternelle contenante qui doit permettre, dans un deuxième temps, à l’enfant de se calmer lui-même, à partir d’une image intériorisée d’une « mère berceuse ».

Cas n°2

Il s’agit d’un enfant d’un an qui présente de gros problèmes d’endormissement, et demande à téter toutes les deux heures pendant la nuit. Il est montré dans ce cas comment la tétée est un processus auto-calmant – jusqu’à l’épuisement – tant pour l’enfant que pour la mère (mère ancienne grande sportive, ayant substitué à la relation mère-enfant une relation entraîneur-entraîné). Les tétées épuisantes représentent ainsi pour la mère une sorte de marathon, ainsi qu’un certain plaisir corporel comme celui éprouvé lors de ses entrainements sportifs.

Du côté de l’enfant, on observe une motricité très développée qui cherche à compenser une faiblesse de ses possibilités de symbolisation, un échec de la satisfaction hallucinatoire par la succion du pouce et donc une absence de développement de l’auto-érotisme. La seule réponse est la tétée, à répéter toujours, n’ayant pu intérioriser une mère suffisamment calmante, sécurisante. La mère et l’enfant deviennent alors des machines à calmer l’un pour l’autre, indépendamment de l’expérience de satiété ou de plaisir.

L’alcoolisme

BFK aborde ensuite le procédé de régulation par un produit, comme on l’observe dans l’alcoolisme. Deux définitions :

– Fouquet : l’alcoolique est celui qui a perdu la liberté de s’abstenir de boire ;

– M. Monjauze : type de personnalité marqué par une faille psychique telle qu’elle entraîne la nécessité impérieuse de boire de l’alcool, ou la contrainte d’exercer vis-à-vis de la consommation une exclusion radicale ou une vigilance permanente.

Pour l’illustrer, BFK reprend une image de P. Aulagnier, celle de l’alpiniste en difficulté, accroché au rocher, image qui se réduit à la paume d’une main crispée à la pierre et qui rappelle la défense par adhésivité. On observe chez ces sujets des notions de terreur paralysante, retrouvées souvent dans les rêves de chute, expériences sans doute vécues à des âges très précoces. Ainsi, l’alcoolique, faute de contenant maternel, de persistance de son être, a besoin d’une structure portante qui lui permette d’éprouver son existence dans la continuité.

En dernière partie de ce séminaire, BFK va poursuivre sa réflexion en s’interrogeant plus spécifiquement sur les rapports entre alcoolisme, parole et écriture. Nous la suivons dans sa rencontre avec Monsieur H., hospitalisé en cure de désintoxication. Il se présente comme un malade sans passé, anonyme, au discours inhabité. Comment penser alors le sens de son discours, avec le leitmotiv mainte fois entendu : les « tout va bien » ou les « je n’ai pas bu » ? Cette question du langage témoigne de la nécessaire séparation d’avec la mère et d’une indispensable reconnaissance. On peut postuler que durant les premières relations mère-enfant, moment initiateur de la pensée et de la représentation, des ratés se sont produits.

BFK découvre alors que Monsieur H. construit des grilles de mots-croisés qu’il va proposer très vite à sa thérapeute. Elle va montrer comment, à partir du jeu transférentiel qui s’instaure autour de cette activité et du pouvoir exercé sur sa thérapeute, se construit peu à peu une parole proche de son véritable auteur. Puis, quittant cette situation de duel agressif, M. H. va proposer à sa thérapeute des poèmes qu’il écrit : ceux-ci, aux accents mélancoliques, invoquent le regret, la douleur.

Pour compléter son propos, BFK cite alors Gerard Haddad qui pose une équivalence entre l’écriture et le corps de la mère ; écriture comme lieu de retrouvailles et de séparation abolie, mais dans le même temps de renoncement obligé, et par là inscription dans l’ordre symbolique.

Restauration narcissique, conclut BFK, « pour se restaurer d’autre chose que d’alcool, se reconnaître d’avoir été reconnu, accueilli par un autre, dans un miroir non troublé où l’échange des regards vous situe comme sujet ». L’écriture conforte l’alcoolique dans son existence et sa permanence, mais cette tentative sublimatoire est toujours à reprendre, tant les failles du système pare-excitant peuvent laisser écriture et alcoolisme se rejoindre dans la même ivresse.

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26/10/2016: J’aurais voulu naître / n’être vivant

Le premier séminaire

(du 26 octobre) aborde la solution somatique, avec Edith Creplet (EC), et le second la solution comportementale et addictive, avec Blandine Faoro-Kreit (BFK).

En premier lieu est rapportée la définition du pare-excitation : cette fonction, que l’on trouve chez Freud dès 1895 dans « L’Esquisse », se conçoit comme une barrière dynamique entre le dehors et le dedans, un filtre, qui va permettre de lier les excitations externes et internes. Cette barrière va en outre empêcher le développement de l’angoisse.

Freud distingue deux qualités d’angoisse :

• l’angoisse automatique des états de prématurité du Moi, avec une excitation non maîtrisée ;

• l’angoisse-signal qui avertit le Moi, ici plus organisé, et va permettre la mobilisation des défenses et de donner sens à cette angoisse.

Les effractions du système de pare-excitation surviennent quand les excitations internes ou externes débordent, avec absence d’angoisse-signal. On parle alors de trauma, lequel va entraîner une non-différenciation dehors/dedans, avec des actions de décharge pour abaisser le niveau de tension.

De quoi dispose l’humain pour traiter les quantités d’excitation ? Comment aborder les personnes qui n’ont pas les capacités nécessaires pour gérer ces excitations ? BFK cite deux références pour aborder ces questions : l’Institut de psychosomatique de Paris (IPSO) et R. Debray, auteur de « La clinique de l’expression somatique », qui présente un modèle décrivant différents systèmes de régulation des excitations :

Modèle à voies courtes

– somatique

– sensori-moteur

– comportemental

Modèle à voies longues

– sublimatoire

– psychique

Tout humain utilise ces différents systèmes. Le problème survient lorsqu’un seul système est utilisé systématiquement. BFK illustre différentes situations qui vont utiliser diverses sortes de décharge.

Puis EC présente une situation clinique concernant une patiente atteinte de polyarthrite, qu’elle a suivie pendant une année. Elle précise d’emblée que le terme de somatisation est à entendre ici comme maladie organique, et non au sens de conversion.

Il s’agit d’une patiente qui s’exprime de façon monocorde, avec une violence primaire tout à fait réprimée. EC est d’emblée frappée par son discours juxtaposé, non associatif. Elle décrit l’absence de sentiment de besoin d’aide chez cette patiente, au narcissisme primaire en grande souffrance, avec absence de bons parents internes. La thérapeute se présente alors comme un Moi auxiliaire, pour maintenir un contenant, en particulier durant les interruptions. Elle montre aussi l’importance de soutenir activement les mouvements plus actifs de la patiente quand celle-ci sort de sa passivité motrice, et de l’aider à trouver d’autres possibilités de défense face à sa maladie invalidante.

EC décrit un psychisme très écrasé, avec des mécanismes d’abrasement très présents pour tenter d’enrayer une détresse sans nom, désubjectivante, où la part traumatique est prévalente, et entraîne des mécanismes de déni pour survivre.

En conclusion, EC montre comment ce cas clinique est exemplaire de ce qui est décrit par l’IPSO comme étant les trois facteurs déclencheur de la maladie psychosomatique :

• la pensée opératoire, pensée centrée sur la logique, le factuel, sans mouvements émotionnels comme défense de vécus traumatiques ;

• la dépression essentielle – ou sans objet – sans culpabilité, d’une forme atone ; on peut alors parler de « momification dépressive radicale » ;

• la somatisation : maladie organique avec dispersion de la charge traumatique dans le soma, sans possibilité de psychisation.

EC rappelle l’importance de la symbolisation, et comment le « penser » s’enracine dans la sensorialité. Elle cite F. Golse : « le corps est la voie royale d’accès à la subjectivation et à la symbolisation ».

A partir de deux dernières vignettes cliniques, EC insiste sur la nécessité chez le thérapeute de rester vivant face à ces patients, de ne pas s’enliser dans un ton monotone, et de continuer à penser en se dégageant de leur emprise. Pour permettre au transfert de s’installer, il est souvent nécessaire de travailler au niveau du concret, de l’actuel.

Enfin, le thérapeute doit aider à la transformation de la violence primaire en une agressivité « de bon aloi », c’est-à-dire sans se détruire, ni détruire l’objet d’amour.

Le 2ème seminaire : La solution comportementale et addictive

Reprenant le plan de départ présenté au séminaire précédant comme base de réflexion pour aborder les systèmes de régulation, Blandine Faro-Kreit (BFK) va se pencher cette fois sur les solutions comportementales et plus précisément les procédés auto-calmants, puis poursuivra avec l’alcoolisme.

Procédés auto-calmants

Les conduites auto-calmantes sont des procédés qui tentent d’une part d’apaiser l’excitation par le recours à une autre excitation. Elles reconvoquent également l’angoisse pour tenter de la maitriser dans la répétition. Enfin, la mise en danger peut être recherché pour reproduire la situation traumatique.

BFK va illustrer son propos en s’inspirant du livre de G. Szec, Les galériens volontaires. Ce dernier, à partir de l’analyse des sportifs de l’extrême, retrouve les caractéristiques propres à ces conduites auto-calmantes :

– épreuve présentée comme horrible : l’Enfer ;

– répétition inéluctable, avec un crescendo ;

– rythmicité : alternance angoisse-effroi-apaisement ;

– hyperactivité motrice, hyper-sensorialité ;

– dangerosité extrême jusqu’à frôler la mort ;

– incapacité à mentaliser.

BFK poursuit par d’autres cas moins « extrêmes » présentés dans le livre de G. Szec :

L’homme qui nageait dans l’eau

Monsieur X amène deux souvenirs d’enfance traumatiques : d’une part une anesthésie avec masque lors d’une opération et, d’autre part, il fut poussé dans l’eau alors qu’il ne savait pas nager. Depuis de nombreuses années il a développé des phobies et un comportement de contre-investissement consistant tous les jours à sauter dans le vide et à nager en apnée jusqu’à la limite de ses forces. Il répète ainsi les scènes traumatiques évoquées plus haut pour tenter de se calmer – s’épuiser – et maîtriser son trauma en se donnant le rôle actif. Cet acte compulsif, conséquence de l’absence d’une élaboration psychique, est aussi l’échec de la fonction maternelle contenante qui doit permettre, dans un deuxième temps, à l’enfant de se calmer lui-même, à partir d’une image intériorisée d’une « mère berceuse ».

Cas n°2

Il s’agit d’un enfant d’un an qui présente de gros problèmes d’endormissement, et demande à téter toutes les deux heures pendant la nuit. Il est montré dans ce cas comment la tétée est un processus auto-calmant – jusqu’à l’épuisement – tant pour l’enfant que pour la mère (mère ancienne grande sportive, ayant substitué à la relation mère-enfant une relation entraîneur-entraîné). Les tétées épuisantes représentent ainsi pour la mère une sorte de marathon, ainsi qu’un certain plaisir corporel comme celui éprouvé lors de ses entrainements sportifs.

Du côté de l’enfant, on observe une motricité très développée qui cherche à compenser une faiblesse de ses possibilités de symbolisation, un échec de la satisfaction hallucinatoire par la succion du pouce et donc une absence de développement de l’auto-érotisme. La seule réponse est la tétée, à répéter toujours, n’ayant pu intérioriser une mère suffisamment calmante, sécurisante. La mère et l’enfant deviennent alors des machines à calmer l’un pour l’autre, indépendamment de l’expérience de satiété ou de plaisir.

L’alcoolisme

BFK aborde ensuite le procédé de régulation par un produit, comme on l’observe dans l’alcoolisme. Deux définitions :

– Fouquet : l’alcoolique est celui qui a perdu la liberté de s’abstenir de boire ;

– M. Monjauze : type de personnalité marqué par une faille psychique telle qu’elle entraîne la nécessité impérieuse de boire de l’alcool, ou la contrainte d’exercer vis-à-vis de la consommation une exclusion radicale ou une vigilance permanente.

Pour l’illustrer, BFK reprend une image de P. Aulagnier, celle de l’alpiniste en difficulté, accroché au rocher, image qui se réduit à la paume d’une main crispée à la pierre et qui rappelle la défense par adhésivité. On observe chez ces sujets des notions de terreur paralysante, retrouvées souvent dans les rêves de chute, expériences sans doute vécues à des âges très précoces. Ainsi, l’alcoolique, faute de contenant maternel, de persistance de son être, a besoin d’une structure portante qui lui permette d’éprouver son existence dans la continuité.

En dernière partie de ce séminaire, BFK va poursuivre sa réflexion en s’interrogeant plus spécifiquement sur les rapports entre alcoolisme, parole et écriture. Nous la suivons dans sa rencontre avec Monsieur H., hospitalisé en cure de désintoxication. Il se présente comme un malade sans passé, anonyme, au discours inhabité. Comment penser alors le sens de son discours, avec le leitmotiv mainte fois entendu : les « tout va bien » ou les « je n’ai pas bu » ? Cette question du langage témoigne de la nécessaire séparation d’avec la mère et d’une indispensable reconnaissance. On peut postuler que durant les premières relations mère-enfant, moment initiateur de la pensée et de la représentation, des ratés se sont produits.

BFK découvre alors que Monsieur H. construit des grilles de mots-croisés qu’il va proposer très vite à sa thérapeute. Elle va montrer comment, à partir du jeu transférentiel qui s’instaure autour de cette activité et du pouvoir exercé sur sa thérapeute, se construit peu à peu une parole proche de son véritable auteur. Puis, quittant cette situation de duel agressif, M. H. va proposer à sa thérapeute des poèmes qu’il écrit : ceux-ci, aux accents mélancoliques, invoquent le regret, la douleur.

Pour compléter son propos, BFK cite alors Gerard Haddad qui pose une équivalence entre l’écriture et le corps de la mère ; écriture comme lieu de retrouvailles et de séparation abolie, mais dans le même temps de renoncement obligé, et par là inscription dans l’ordre symbolique.

Restauration narcissique, conclut BFK, « pour se restaurer d’autre chose que d’alcool, se reconnaître d’avoir été reconnu, accueilli par un autre, dans un miroir non troublé où l’échange des regards vous situe comme sujet ». L’écriture conforte l’alcoolique dans son existence et sa permanence, mais cette tentative sublimatoire est toujours à reprendre, tant les failles du système pare-excitant peuvent laisser écriture et alcoolisme se rejoindre dans la même ivresse.

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Toni Erdmann

02.10.2016

De la même manière que le choix du titre du film paraît trivial, le synopsis semble l’être aussi à première vue: un père, soucieux du bonheur de sa fille Inès, vient contrarier la vie terne, morose et fondamentalement esseulée qu’elle mène, au rythme de challenges professionnels et de relations affectives et sociales aseptisées.

Toutefois, le film va prendre de l’envergure et va offrir au spectateur l’occasion de s’imprégner progressivement des différentes émotions éprouvées, souvent réprimées, par les protagonistes.

Inès vit dans un monde métallique, ordonné, lisse et froid. Elle enfuit une douleur et une solitude irrecevables dans le sommeil, dans les lignes de cocaïne et dans une sexualité désincarnée.

Son père, clown triste, va se donner un nom d’emprunt, et se créer un personnage qui, tel un bouffon, s’immisce dans les relations professionnelles et amicales de sa fille. Il la surprend, l’agace, lui fait honte, par des comportements et des propos cocasses, déjantés, impertinents, désinvoltes, provoquants, tendres aussi.

Victor Hugo écrit que « le propre d’un fou de cour, c’est de dire çà et là des choses étranges et folles par l’expression, vraies et sages par la pensée » (Correspondance,1839, p. 569).

C’est exactement ce que fait Toni, le père qui reflète à sa fille la part d’elle qu’elle se refuse de voir, celle qui vibre d’émotions vraies et mises à nu, celle qui se leurre dans un environnement faux ou déshumanisé.

Le film s’achève sur une interrogation : Inès a-t-elle intégré en elle son père vitalisant, anti-dépresseur, anti-narcissique, et va-t-elle voir et regarder le monde autour d’elle avec d’autres yeux, et croquer la vie avec d’autres dents ?

Dans l’après-coup, je me suis imaginée que la fin du film pouvait aussi en être le prélude ; il débuterait alors qu’Inès est revenue sur les lieux de son enfance et pense à ce que son père lui a laissé en héritage. Toni Erdmann devient ainsi l’imago paternelle issue de la vie fantasmatique de la jeune femme ; ce personnage paternel, attentionné, burlesque mais déterminé, puisé dans la veine d’un Surmoi édificateur et protecteur, vient alors marcher dans les rêveries d’Inès et veille à la maintenance coûte que coûte d’une ouverture potentielle du Moi au monde, au respect de soi-même, aux liens d’amour et d’humour.

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Toni Erdmann

25.09.2016

C’est un film très personnel, très original, à la fois touchant, dérangeant et décalé. Un père rejoint sa fille qui travaille en Roumanie pour lui faire une surprise à l’occasion de son anniversaire. Il est professeur de piano dans une petite école en Allemagne, marginal, un peu raté ; il exprime sa révolte et son malaise à travers des blagues continuelles, absurdes, souvent pas drôles, presque grotesques ; elle est une «
executive women
» très efficace et apparemment sans états d’âme qui travaille dans une boîte de consultance pour les grands patrons ; elle traite, au moment où son père arrive, un problème délicat de délocalisation.

 

 

Ces retrouvailles seront pour tous les deux un choc psychique déstabilisateur. Ce film utilise la dérision et distille de manière continue, à bas-bruit, des notes grinçantes mais il ne tombe pas dans le cynisme et reste profondément humain. Il offre un regard réflexif sur certains aspects des dysfonctionnements et de la folie de notre société, intriqué au dévoilement progressif par petites touches de la psychologie des personnages du père et de la fille et de leurs relations. Lui cache sa douleur et son mal-être et à la fois les figure dans ses déguisements et jeux de rôle absurdes. Elle veut s’intégrer à tout prix dans cette société superficielle et cruellement compétitive au prix de se couper radicalement de sa vie émotionnelle. Elle ne peut s’engager dans aucune relation ; elle ne peut être que spectatrice comme dans cette terrible scène avec son amant qu’elle veut seulement regarder se masturber sans se laisser pénétrer. Une autre scène, très émouvante, soulève un coin du voile sur leur histoire œdipienne : elle se laisse entrainer par son père à chanter en public alors qu’il l’accompagne au piano, sans doute comme au temps de son enfance ; le contrôle serré qu’elle exerce sur sa vie affective vole en éclat et elle se met progressivement à chanter avec beaucoup de chaleur et d’ardeur dans un climat de grande complicité, puis s’enfuit. Il s’agit d’un moment de rencontre très fort qui va faire s’effriter les défenses du père et de la fille. Mais je ne veux pas déflorer plus avant ce film en dévoilant la suite.

J’espère ne pas avoir enfermé cette œuvre foisonnante et complexe dans la vision et la compréhension qui sont les miennes mais avoir suscité l’envie de la découvrir dans toute sa richesse.

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21/09/2016: Éprouver – se protéger: les deux facettes de la construction du psychisme

21.09.2016

Quand on lit la définition du Robert, « se défendre « ou défendre quelqu’un, on trouve « action de résister à une attaque. » On dit aussi, quand un cheval se défend, qu’il résiste à son cavalier. Freud reprendra cette image, avec le cheval comme représentation du Ca, des pulsions, et le cavalier representant le Moi qui doit maitriser son cheval pour avancer…

Marie –France Dispaux reprend ensuite la définition de Laplanche et Pontalis, la défense ayant comme finalité de réduire, de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l’intégrité de l’individu. Elle insiste sur la double facette des défenses, leur caractère à la fois adaptatif ou pathologique. Dans notre quotidien en effet, en société comme en famille,ou au travail, il est souvent nécessaire de se défendre contre les agressions internes et externes. Dans les institutions, à l’hôpital comme en consultation, on a à voir avec les défenses de nos patients, et il est important de les comprendre et de les reconnaître. Les mécanismes de défenses s’activent au moins partiellement de manière inconsciente. Quand on veut consciemment réprimer une émotion (pour faire « bonne figure », par exemple), on parlera de clivage fonctionnel.

MFD présente ensuite les principaux mécanismes de défense, partant des plus élaborés pour aller vers les plus primitifs ; elle s’appuiera pour chacun d’entre eux sur une vignette clinique, une situation de la vie courante.. Les trois mécanismes les plus aboutis sont :

• la sublimation (avec production de sens)

• l’introjection (l’objet est assimilé par le Moi et va l’enrichir)

• l’humour (sublimation des pulsions agressives).

Puis viennent les mécanismes névrotiques, liés aux angoisses de castration et de pénétration :

• le refoulement (constitutif de l’inconscient par ailleurs)

• le déplacement (par exemple dans la phobie)

• l’isolation (rationalisation des affects p.ex.)

• le retournement sur la personne propre

• le renversement en son contraire (p. ex. la dénégation)

• la formation réactionnelle.

En général, tous ces mécanismes restent souples mais peuvent se rigidifier s’il ya trop d’excitation pulsionnelle.

Puis viennent les mécanismes plus limites et psychotiques liés aux angoisses de séparation, de perte :

• la projection

• le déni

• le clivage ( clivage du Moi, de l’objet avec M. Klein)

• l’identification projective (mais Bion par la suite parlera d’une identification projective normale)

Enfin viennent des mécanismes encore plus primitifs :

• l’identification adhésive (Tustin)

• le démantèlement.

Un autre mécanisme est aussi évoqué, un peu à part, celui de la répression. Pour Freud, rappelle MFD, la représentation est refoulée,et c’est l’affect qui est réprimé.

On peut décrire un mécanisme de répression « bien tempéré » (J.L. Donnet) , qui se porte sur les représentations refoulées (restes diurnes), et qui se retrouveront et s’élaboreront dans le rêve. Il s’agit là d’un mouvement adaptatif permettant de métaboliser les micro – traumatismes du jour.

Mais un autre but visé, qui est d’ empêcher les excitations de se lier, peut entraîner une limitation fonctionnelle du Moi avec une inhibition de la pensée, une pensée « plate ».

Cette répression, notera enfin MFD, peut dans certaines situations empêcher la régression ,avec le danger de décompensation et d’effondrement qu’elle pourrait entraîner.

Suite à cet exposé plus théorique, on poursuit avec une vignette clinique pour illustrer les mécanismes de défense , à partir d’un film vu par M. France cet été.

Il s’agit du film « Saving Mr. Banks » ( avec Emma Thompson et Tom Hanks,film de J. Hancock de 2013) qui relate les relations entre P. Travers, auteure du roman Mary Poppins, et W. Disney. Disney avait promis à ses filles d’adapter le roman, mais il se heurte d’emblée au refus, à la résistance têtue de P. Travers , femme très rigide, obsessionnelle, qui veut tout maitriser.( sauf à certains moments où elle pouvait avoir des comportements très régressifs, se retirant avec une peluche de Mickey…)

W. Disney a eu lui-même une enfance difficile, il a travaillé très jeune pour nourrir sa famille et était battu par son père. Il tenait beaucoup ( comme P. Travers avec M. Poppins) à son personnage de Mickey ; peu à peu il comprend que derrière l’obstination de la romancière, se cache une grande souffrance, la peur que l’on puisse modifier l’image fortement idéalisée de son héroine. Il découvre les fantômes qui la hantent : M. Poppins est une figure de son père, homme fantasque à l’imagination débordante, associée à celle de sa tante, femme qui viendra mettre un peu d’ordre dans le chaos familial (sa mère était suicidaire, son père finira rongé par l’alcoolisme).

Il ne fallait donc pas toucher à son histoire – histoire idéalisée qui la protégeait de ses traumas infantiles – pour que le passé ne revienne pas. Après discussion avec W. Disney,qui lui montre que l’image du père est soutenue positivement à la fin du film (il devient un père plus souple), elle acceptera finalement l’adaptation de son roman.

Dans les situations difficiles, les mécanismes de défense immatures peuvent avoir une fonction protectrice – clivage, déni ou mécanismes psychotiques – ce qui peut arriver à chacun de nous.

La nature et la rigidité des mécanismes de défense vont dépendre des capacités élaboratives de chacun, de traduire en mots, en images pour soi-même et pour l’autre. C’est un travail de mentalisation, une opération autoréflexive, une transformation des excitations pulsionnelles. Plus le travail de symbolisation est possible, moins on aura besoin de recourir à des défenses drastiques.

Pour pouvoir partager, il faut pouvoir symboliser. Pour Bergeret, la symbolisation a une fonction de liaison des excitations et permet d’élaborer les expériences précoces de l’Infans. La première symbolisation est faite par la mère, grâce à sa capacité de rêverie , et que l’enfant va pouvoir intérioriser au fil du temps.

Il convient de voir l’ensemble de ces mécanismes de défense comme autant de facteurs pouvant favoriser la santé psychique, comme une protection contre un trop d’excitation. Par contre, si ceux-ci sont trop rigides, ils risqueront d’entraîner une trop grande restriction des capacités vitales.

Pour terminer, MFD rappelle que personne n’est à l’abri de désorganisations psychiques ou somatiques. Il n’y a pas d’assurance tout risque ; pour chacun, il existe un seuil où les capacités défensives et adaptatives peuvent être débordées.

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21/09/2016: Éprouver – se protéger: les deux facettes de la construction du psychisme

Quand on lit la définition du Robert, « se défendre « ou défendre quelqu’un, on trouve « action de résister à une attaque. » On dit aussi, quand un cheval se défend, qu’il résiste à son cavalier. Freud reprendra cette image, avec le cheval comme représentation du Ca, des pulsions, et le cavalier representant le Moi qui doit maitriser son cheval pour avancer…

Marie –France Dispaux reprend ensuite la définition de Laplanche et Pontalis, la défense ayant comme finalité de réduire, de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l’intégrité de l’individu. Elle insiste sur la double facette des défenses, leur caractère à la fois adaptatif ou pathologique. Dans notre quotidien en effet, en société comme en famille,ou au travail, il est souvent nécessaire de se défendre contre les agressions internes et externes. Dans les institutions, à l’hôpital comme en consultation, on a à voir avec les défenses de nos patients, et il est important de les comprendre et de les reconnaître. Les mécanismes de défenses s’activent au moins partiellement de manière inconsciente. Quand on veut consciemment réprimer une émotion (pour faire « bonne figure », par exemple), on parlera de clivage fonctionnel.

MFD présente ensuite les principaux mécanismes de défense, partant des plus élaborés pour aller vers les plus primitifs ; elle s’appuiera pour chacun d’entre eux sur une vignette clinique, une situation de la vie courante.. Les trois mécanismes les plus aboutis sont :

• la sublimation (avec production de sens)

• l’introjection (l’objet est assimilé par le Moi et va l’enrichir)

• l’humour (sublimation des pulsions agressives).

Puis viennent les mécanismes névrotiques, liés aux angoisses de castration et de pénétration :

• le refoulement (constitutif de l’inconscient par ailleurs)

• le déplacement (par exemple dans la phobie)

• l’isolation (rationalisation des affects p.ex.)

• le retournement sur la personne propre

• le renversement en son contraire (p. ex. la dénégation)

• la formation réactionnelle.

En général, tous ces mécanismes restent souples mais peuvent se rigidifier s’il ya trop d’excitation pulsionnelle.

Puis viennent les mécanismes plus limites et psychotiques liés aux angoisses de séparation, de perte :

• la projection

• le déni

• le clivage ( clivage du Moi, de l’objet avec M. Klein)

• l’identification projective (mais Bion par la suite parlera d’une identification projective normale)

Enfin viennent des mécanismes encore plus primitifs :

• l’identification adhésive (Tustin)

• le démantèlement.

Un autre mécanisme est aussi évoqué, un peu à part, celui de la répression. Pour Freud, rappelle MFD, la représentation est refoulée,et c’est l’affect qui est réprimé.

On peut décrire un mécanisme de répression « bien tempéré » (J.L. Donnet) , qui se porte sur les représentations refoulées (restes diurnes), et qui se retrouveront et s’élaboreront dans le rêve. Il s’agit là d’un mouvement adaptatif permettant de métaboliser les micro – traumatismes du jour.

Mais un autre but visé, qui est d’ empêcher les excitations de se lier, peut entraîner une limitation fonctionnelle du Moi avec une inhibition de la pensée, une pensée « plate ».

Cette répression, notera enfin MFD, peut dans certaines situations empêcher la régression ,avec le danger de décompensation et d’effondrement qu’elle pourrait entraîner.

Suite à cet exposé plus théorique, on poursuit avec une vignette clinique pour illustrer les mécanismes de défense , à partir d’un film vu par M. France cet été.

Il s’agit du film « Saving Mr. Banks » ( avec Emma Thompson et Tom Hanks,film de J. Hancock de 2013) qui relate les relations entre P. Travers, auteure du roman Mary Poppins, et W. Disney. Disney avait promis à ses filles d’adapter le roman, mais il se heurte d’emblée au refus, à la résistance têtue de P. Travers , femme très rigide, obsessionnelle, qui veut tout maitriser.( sauf à certains moments où elle pouvait avoir des comportements très régressifs, se retirant avec une peluche de Mickey…)

W. Disney a eu lui-même une enfance difficile, il a travaillé très jeune pour nourrir sa famille et était battu par son père. Il tenait beaucoup ( comme P. Travers avec M. Poppins) à son personnage de Mickey ; peu à peu il comprend que derrière l’obstination de la romancière, se cache une grande souffrance, la peur que l’on puisse modifier l’image fortement idéalisée de son héroine. Il découvre les fantômes qui la hantent : M. Poppins est une figure de son père, homme fantasque à l’imagination débordante, associée à celle de sa tante, femme qui viendra mettre un peu d’ordre dans le chaos familial (sa mère était suicidaire, son père finira rongé par l’alcoolisme).

Il ne fallait donc pas toucher à son histoire – histoire idéalisée qui la protégeait de ses traumas infantiles – pour que le passé ne revienne pas. Après discussion avec W. Disney,qui lui montre que l’image du père est soutenue positivement à la fin du film (il devient un père plus souple), elle acceptera finalement l’adaptation de son roman.

Dans les situations difficiles, les mécanismes de défense immatures peuvent avoir une fonction protectrice – clivage, déni ou mécanismes psychotiques – ce qui peut arriver à chacun de nous.

La nature et la rigidité des mécanismes de défense vont dépendre des capacités élaboratives de chacun, de traduire en mots, en images pour soi-même et pour l’autre. C’est un travail de mentalisation, une opération autoréflexive, une transformation des excitations pulsionnelles. Plus le travail de symbolisation est possible, moins on aura besoin de recourir à des défenses drastiques.

Pour pouvoir partager, il faut pouvoir symboliser. Pour Bergeret, la symbolisation a une fonction de liaison des excitations et permet d’élaborer les expériences précoces de l’Infans. La première symbolisation est faite par la mère, grâce à sa capacité de rêverie , et que l’enfant va pouvoir intérioriser au fil du temps.

Il convient de voir l’ensemble de ces mécanismes de défense comme autant de facteurs pouvant favoriser la santé psychique, comme une protection contre un trop d’excitation. Par contre, si ceux-ci sont trop rigides, ils risqueront d’entraîner une trop grande restriction des capacités vitales.

Pour terminer, MFD rappelle que personne n’est à l’abri de désorganisations psychiques ou somatiques. Il n’y a pas d’assurance tout risque ; pour chacun, il existe un seuil où les capacités défensives et adaptatives peuvent être débordées.

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La Jeune Epouse

09.09.2016

Pour taire les événements du passé, la Famille réunissant le Père, la Mère, la Fille et l’Oncle évolue de façon étrange, ritualisée, élégante dans une chorégraphie orchestrée par Modesto, le domestique. Celui-ci les éveille au jour, la nuit étant porteuse de rêves dangereux et annonciatrice de Mort. Le Fils est dans l’île, la jeune Epouse revient d’Argentine au jour prévu pour les noces mais le Fils n’est pas rentré…

Le récit se déroule quelque part en Italie mais aussi partout ailleurs selon l’imaginaire du lecteur. Entre rêve, conte et fantasme, l’attente du retour du fils devient prétexte aux récits des secrets, des traumatismes, du sexuel. L’initiation sexuelle de la Jeune Epouse par la Fille par la Mère, par le Père, la révélation du parricide/infanticide de la jeune Epouse nous offrent des pages superbes de nuances et de crudités, de sensualité et d’effractions. La complexité de l’âme humaine, les variances du destin, Eros et Thanatos entremêlés pour le meilleur et pour le pire, les confusions de générations et les unions incestueuses vont se dessiner sous la plume subtile de Baricco et vont dire à la manière du poète ce qu’une analyse peut aussi découvrir dans la polyphonie associative d’une cure qui laisse émerger les traumas, les rêves et les fantasmes.

 

A ce magnifique récit, Baricco ajoute une réflexion sur le métier d’écrivain et son texte hésite ou glisse entre la fiction du récit et la vie de son auteur. Dans la fiction elle-même, il lui arrive de changer de narrateur et comme dans un rêve, celui-ci infiltre alors les divers personnages. Il écrit: «… il m’arrive de changer plus ou moins brusquement de narrateur… je n’arrivais tout simplement pas à sentir ces phrases sinon en les faisant dériver de cette façon, comme si le solide appui d’un narrateur clair et distinct était une chose à laquelle je ne croyais plus ou qu’il m’était devenu difficile d’apprécier, une fiction pour laquelle j’avais perdu l’innocence nécessaire (p.63) » .

Qui donc écrit, pense-je, en lisant ses propos? L’écriture se nourrit de tant de choses actuelles, passées, refoulées, révélées par l’autre…Je songeais à la nature elle aussi multiple de la parole de l’analysant dont la chair est infiltrée de la vivance du couple analytique, quand le jeu du transfert et du contre transfert, des associations libres et des interprétations tisse dans l’après-coup du sexuel et du traumatisme une trame qui préside à l’émergence du discours.

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