21/09/2016: Éprouver – se protéger: les deux facettes de la construction du psychisme

2015/2016 Emotions et Affects

Delen op

Quand on lit la définition du Robert, « se défendre « ou défendre quelqu’un, on trouve « action de résister à une attaque. » On dit aussi, quand un cheval se défend, qu’il résiste à son cavalier. Freud reprendra cette image, avec le cheval comme représentation du Ca, des pulsions, et le cavalier representant le Moi qui doit maitriser son cheval pour avancer…

Marie –France Dispaux reprend ensuite la définition de Laplanche et Pontalis, la défense ayant comme finalité de réduire, de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l’intégrité de l’individu. Elle insiste sur la double facette des défenses, leur caractère à la fois adaptatif ou pathologique. Dans notre quotidien en effet, en société comme en famille,ou au travail, il est souvent nécessaire de se défendre contre les agressions internes et externes. Dans les institutions, à l’hôpital comme en consultation, on a à voir avec les défenses de nos patients, et il est important de les comprendre et de les reconnaître. Les mécanismes de défenses s’activent au moins partiellement de manière inconsciente. Quand on veut consciemment réprimer une émotion (pour faire « bonne figure », par exemple), on parlera de clivage fonctionnel.

MFD présente ensuite les principaux mécanismes de défense, partant des plus élaborés pour aller vers les plus primitifs ; elle s’appuiera pour chacun d’entre eux sur une vignette clinique, une situation de la vie courante.. Les trois mécanismes les plus aboutis sont :

• la sublimation (avec production de sens)

• l’introjection (l’objet est assimilé par le Moi et va l’enrichir)

• l’humour (sublimation des pulsions agressives).

Puis viennent les mécanismes névrotiques, liés aux angoisses de castration et de pénétration :

• le refoulement (constitutif de l’inconscient par ailleurs)

• le déplacement (par exemple dans la phobie)

• l’isolation (rationalisation des affects p.ex.)

• le retournement sur la personne propre

• le renversement en son contraire (p. ex. la dénégation)

• la formation réactionnelle.

En général, tous ces mécanismes restent souples mais peuvent se rigidifier s’il ya trop d’excitation pulsionnelle.

Puis viennent les mécanismes plus limites et psychotiques liés aux angoisses de séparation, de perte :

• la projection

• le déni

• le clivage ( clivage du Moi, de l’objet avec M. Klein)

• l’identification projective (mais Bion par la suite parlera d’une identification projective normale)

Enfin viennent des mécanismes encore plus primitifs :

• l’identification adhésive (Tustin)

• le démantèlement.

Un autre mécanisme est aussi évoqué, un peu à part, celui de la répression. Pour Freud, rappelle MFD, la représentation est refoulée,et c’est l’affect qui est réprimé.

On peut décrire un mécanisme de répression « bien tempéré » (J.L. Donnet) , qui se porte sur les représentations refoulées (restes diurnes), et qui se retrouveront et s’élaboreront dans le rêve. Il s’agit là d’un mouvement adaptatif permettant de métaboliser les micro – traumatismes du jour.

Mais un autre but visé, qui est d’ empêcher les excitations de se lier, peut entraîner une limitation fonctionnelle du Moi avec une inhibition de la pensée, une pensée « plate ».

Cette répression, notera enfin MFD, peut dans certaines situations empêcher la régression ,avec le danger de décompensation et d’effondrement qu’elle pourrait entraîner.

Suite à cet exposé plus théorique, on poursuit avec une vignette clinique pour illustrer les mécanismes de défense , à partir d’un film vu par M. France cet été.

Il s’agit du film « Saving Mr. Banks » ( avec Emma Thompson et Tom Hanks,film de J. Hancock de 2013) qui relate les relations entre P. Travers, auteure du roman Mary Poppins, et W. Disney. Disney avait promis à ses filles d’adapter le roman, mais il se heurte d’emblée au refus, à la résistance têtue de P. Travers , femme très rigide, obsessionnelle, qui veut tout maitriser.( sauf à certains moments où elle pouvait avoir des comportements très régressifs, se retirant avec une peluche de Mickey…)

W. Disney a eu lui-même une enfance difficile, il a travaillé très jeune pour nourrir sa famille et était battu par son père. Il tenait beaucoup ( comme P. Travers avec M. Poppins) à son personnage de Mickey ; peu à peu il comprend que derrière l’obstination de la romancière, se cache une grande souffrance, la peur que l’on puisse modifier l’image fortement idéalisée de son héroine. Il découvre les fantômes qui la hantent : M. Poppins est une figure de son père, homme fantasque à l’imagination débordante, associée à celle de sa tante, femme qui viendra mettre un peu d’ordre dans le chaos familial (sa mère était suicidaire, son père finira rongé par l’alcoolisme).

Il ne fallait donc pas toucher à son histoire – histoire idéalisée qui la protégeait de ses traumas infantiles – pour que le passé ne revienne pas. Après discussion avec W. Disney,qui lui montre que l’image du père est soutenue positivement à la fin du film (il devient un père plus souple), elle acceptera finalement l’adaptation de son roman.

Dans les situations difficiles, les mécanismes de défense immatures peuvent avoir une fonction protectrice – clivage, déni ou mécanismes psychotiques – ce qui peut arriver à chacun de nous.

La nature et la rigidité des mécanismes de défense vont dépendre des capacités élaboratives de chacun, de traduire en mots, en images pour soi-même et pour l’autre. C’est un travail de mentalisation, une opération autoréflexive, une transformation des excitations pulsionnelles. Plus le travail de symbolisation est possible, moins on aura besoin de recourir à des défenses drastiques.

Pour pouvoir partager, il faut pouvoir symboliser. Pour Bergeret, la symbolisation a une fonction de liaison des excitations et permet d’élaborer les expériences précoces de l’Infans. La première symbolisation est faite par la mère, grâce à sa capacité de rêverie , et que l’enfant va pouvoir intérioriser au fil du temps.

Il convient de voir l’ensemble de ces mécanismes de défense comme autant de facteurs pouvant favoriser la santé psychique, comme une protection contre un trop d’excitation. Par contre, si ceux-ci sont trop rigides, ils risqueront d’entraîner une trop grande restriction des capacités vitales.

Pour terminer, MFD rappelle que personne n’est à l’abri de désorganisations psychiques ou somatiques. Il n’y a pas d’assurance tout risque ; pour chacun, il existe un seuil où les capacités défensives et adaptatives peuvent être débordées.

Marie-France Dispaux

21/09/2016