Identité sexuelle: quelles origines?

Vrije meningsuiting

Delen op

Des recherches scientifiques ont été menées depuis plusieurs décennies pour tenter de trouver des causes biologiques à l’homosexualité, mais, jusqu’à aujourd’hui, elles n’ont pas abouti à des résultats concluants. Tout récemment, on a pu lire dans LE SOIR (édition du 4 février 2010) que, selon une nouvelle recherche, l’homosexualité serait le « résultat d’une interaction entre facteurs génétiques et hormonaux dans l’embryon ».

Cela soulève d’emblée quelques questions: pourquoi ces tentatives de réduire la vie sexuelle de l’être humain – si riche, si contradictoire, si changeante au cours d’une vie – à de seules informations cellulaires ? Comment expliquer, par exemple, le fait que les femmes ménopausées, qui toutes subissent des changements hormonaux identiques, génétiquement programmés, vivent cette période de façon si différente, aussi bien sur le plan physique que psychique et sexuel ? S’il y avait « programmation hormono-génétique » de l’orientation sexuelle, comment s’expliquer alors qu’il y ait des personnes qui changent d’orientation sexuelle plusieurs fois dans leur vie ? Serait-ce aussi dû à une programmation hormono-génétique, chaotique cette fois-ci ?

Sigmund Freud avait attiré notre attention sur une évidence : le jeune enfant aime « corps et âme » les adultes autour de lui – père, mère et autres – indépendamment de leur appartenance sexuelle. De ce fait, il avait aussi constaté que, dès le plus jeune âge, la sensualité du jeune enfant est d’orientation « bisexuelle ».

L’orientation sexuelle définitive de l’adulte nécessite le renoncement (refoulement) soit au penchant homosexuel, soit au penchant hétérosexuel, mais, dans l’inconscient, la bisexualité originaire ne déclinera jamais – d’où, par exemple, des rêves mettant en scène des fantasmes et désirs homosexuels persistants chez une personne parfaitement hétérosexuelle dans sa vie relationnelle réelle.

Nous pouvons aussi constater que la façon dont une société réagit à l’homosexualité a un impact important sur la liberté de ses membres de prendre conscience de leurs désirs homosexuels – ou non. Nous voyons qu’il existe un jeu dynamique entre la morale, les modes de vie dans la société et la vie fantasmatique et intersubjective des individus. Notre culture occidentale est entrée dans un « état de révision constante » des traditions, des modes de vie qui, de ce fait, sont devenus plus souples. Cette « permissivité » pourrait favoriser la levée de certains refoulements, même s’il reste toujours plus facile de construire des fantasmes hétérosexuels, les « ingrédients » étant plus accessibles dans notre environnement.

Tant que la procréation était étroitement liée à la sexualité, le renoncement aux désirs homosexuels représentait un enjeu important pour assurer la pérennité de l’espèce – dépendant de l’accouplement hétérosexuel. La séparation croissante entre sexualité et procréation l’exige de moins en moins, ce qui pourrait expliquer qu’un nombre croissant d’individus témoignent de la capacité de l’être humain à avoir des orientations aussi bien hétéro qu’homosexuelles.

Susann Heenen-Wolff

Professeur de psychologie clinique à l'Université catholique de Louvain-La-Neuve.

19/07/2014