Hors du monde, hors du temps : l’expérience des mineurs isolés étrangers entre regard anthropologique et écoute analytique

Conférence à la SBP, le 7 décembre 2018 de Virginia De Micco, Psychanalyste (SPI), Anthropologue et Psychiatre

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Dans la fracture identitaire, d’espace, de temporalité que constitue le trauma du transit migratoire chez les mineurs isolés et étrangers, à leur accueil, au croisement de l’individuel, du collectif, du culturel, quel retentissement de ce trauma sur la subjectivité et quels outils pour repenser sa formation ?

Hors du monde, hors du temps, les mineurs n’ont plus leur lieu, leur histoire.

L’adolescence est une expérience spécifique culturelle occidentale. Dans les sociétés non occidentales, l’enfant accède, par des rites de passage parfois violents, au statut d’adulte. Ces rites de passage annulent le temps historique.

Lorsque les mineurs arrivent en Europe, ces rites sont insuffisants pour accompagner le changement anthropologique.

En rupture de lien, sans racine, sans histoire, en expérience de déculturation, l’identité subjective ne se construit pas : les modèles culturels occidentaux peuvent être imités superficiellement et rapidement mais sans introjection véritable.

Et le territoire d’accueil va donner sa forme au flux migratoire : par son optique de la conception occidentale de l’adolescence, il adresse un « double message » aux mineurs, de régression et de contrôle, source d’un malaise diffus.

Les mineurs de première génération arrivent au terme d’une traversée de tous les dangers affrontés avec des capacités d’adulte.

Double message d’acceptation et de rejet sous-tendant un fond persécutoire avec la violence des mouvements pulsionnels. L’adolescent, reste toujours un étranger.

Ces parties scindées d’acceptation et de rejet se transportent dans les vécus de l’équipe d’assistance du centre de premier accueil.

Ils peuvent alors y être entendus par l’écoute analytique de l’auteur, dans le cadre de la supervision du groupe.

C’est dans cette conjonction d’écoute analytique et de regard anthropologique que peut s’élaborer l’expérience de ce qui est étranger et permettre, peut-être, la transformation du trauma en deuil.

Anne Leunen