Felix in exile (1994), court métrage de William Kentridge

Cordelia Schmidt-Hellerau

14/02/2020

Lu, vu, entendu Psychanalyse et créativité artistique

Delen op

Felix in exile (1994), court métrage de William Kentridge

 

Découvrir l’artiste sud-africain William Kentridge et ses célèbres films d’animation, produits par des dessins au fusain successifs, a été pour moi une expérience magique et transformatrice, tant au niveau de l’art que du cinéma. L’utilisation du fusain, explique Kentridge, lui permet d’effacer et de peindre sur une image tout en conservant les traces de ses précurseurs, révélant ainsi un processus mental comme celui décrit par Freud dans ‘ Note sur le « Bloc magique »‘ (1925). L’art de Kentridge, doux et cauchemardesque, concerne ce que nous voudrions ignorer : notre désir d’amour et notre peur de la perte qui s’agitent là où la politique brutale, l’injustice sociale et la souffrance humaine pénètrent notre esprit, s’infiltrent dans nos rêves et transpercent notre cœur. Dans le regard d’une femme qui le regarde, Félix, un être humain entièrement nu, se débat avec un flot d’images inquiétantes. Il ne peut pas ou ne veut pas les effacer, et si elles disparaissent un instant, elles réapparaissent dans l’instant suivant, lentement ou avec une secousse soudaine. Son exil est son esprit. Kentridge a parlé un jour du démembrement du passé, et j’ai soudain réalisé que son complément est le souvenir, qui consiste à remembrer ce qui nous arrive par bribes. Oscillant entre désir d’oublier et besoin de retrouver, la chanson de notre présent est mélancolique, élevant une image pour la submerger avec la suivante. Ce qui tient sur une page s’envole, et ce qui apparaît la nuit disparaît le jour.

 

Choisi par Cordelia Schmidt-Hellerau, Boston, février 2020

 

Le comité de l’API dans la culture souhaite que l’année 2020 soit l’année 2020 des courts-métrages. Chaque mois, nous vous enverrons un lien sur un court-métrage, avec une description brève et quelques réflexions personnelles d’appréciation. Les courts-métrages seront sélectionnés et présentés à vous par des membres du comité de l’API dans la culture (vous pourrez ultérieurement trouver ces courts-métrages publiés sur la page culture du site web de l’API). Consacrez quelques minutes de votre journée à regarder ces courts métrages et laissez-vous être touché, perplexe, enchanté, intrigué, ému ou inspiré. Aucun travail n’est requis, ni aucun sens particulier n’y est attaché. Cela ne sera pour vous qu’un moment privé de découverte.

 

Cordelia Schmidt-Hellerau

Chaire du comité de l’API dans la culture