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Au vif du sujet : Winnicott, l’homme des Lettres vives

01.04.2013

Lettres vives est le titre français donné au recueil de lettres adressées par Winnicott entre 1919 et 1969 à divers correspondants. Et parce que Winnicott est tout entier dans ces Lettres vives, j’ai choisi de commencer par deux extraits.

Le premier est la lettre à Mme Neville chamberlain datée du 10 novembre 1938, soit deux mois après les accords de Munich et le retour triomphal de chamberlain accueilli par une foule en délire.

Chère Madame Chamberlain

Je suppose que le Premier ministre est trop occupé pour répondre aux questions, mais je veux savoir deux choses. Voudriez-vous essayer de répondre à ceci, car nous sommes nombreux à avoir un besoin urgent de réponses et à ne pas pouvoir les obtenir.

En fait le Premier ministre est-il vraiment convaincu qu’une moins bonne gestion par quelqu’un représentant le vote majoritaire des citoyens est préférable à une meilleure gestion par quelqu’un qui assied son pouvoir sur la suppression de la liberté de pensée ?

La phrase un peu alambiquée mais la question est ravageuse : chamberlain pense-t-il vraiment que la démocratie est préférable à la dictature ?

Deuxièmement pourquoi le Premier ministre ne mentionne-t-il jamais les Juifs ? Les méprise-t-il en secret ? En Angleterre, lorsque nous disons nous, nous incluons les Juifs qui sont des gens comme nous. Je ne lui demande pas d’être pro-Juif, mais je veux absolument savoir si oui ou non il est secrètement anti-juif… À présent il me semble bien que nous partagions secrètement la démence allemande anti-juive et ce n’est pas là que nous voulons que nos dirigeants nous dirigent.

Le second extrait est tiré d’une lettre à Hanna Segal de février 1952 :

Je veux vous dire quelque chose à la suite de la réunion d’hier soir et j’espère que vous vous sentez assez forte. Sinon mieux vaut que vous remettiez la lecture de cette lettre jusqu’à l’arrivée d’un moment favorable […].

Je pense vraiment que de temps en temps pendant quelques minutes vous êtes formidablement outrecuidante et si par malheur vous parlez à ce moment–là ça se voit […]. Quand vous parlez dans ces moments d’outrecuidance vous paraissez ne pas douter un instant de votre capacité à tout comprendre.

Avec le plus grand plaisir je vous ai vue avancer dans l’analyse […] et il m’importe que vous ne gâchiez pas tout en rentrant dans une vilaine phase ou vous êtes perchée au sommet d’un mont Everest du bon sein intériorisé.

La manière dont les sous-kleiniens éclatent pour défendre à chaque occasion ce qu’expose l’un d’eux donne l’impression qu’il y a une organisation paranoïde parmi les gardiens du bon sein intériorisé…

Je ne me suis pas retenu en vous écrivant. J’ai l’intention de ne pas me retenir dans les réunions de la Société, chaque fois que la tendance sera à l’abandon des déclarations scientifiques au profit des politiques.

Ces deux extraits des Lettres vives dessinent déjà le caractère de l’homme Winnicott, son engagement, ses prises de position dans les questions de société, que ce soit la société britannique au sens large ou bien sûr la société psychanalytique, sa lucidité aiguisée par son refus du conformisme, sa détermination inflexible à parler vrai, à être vrai, à donner libre cours à l’idée originale, personnelle, contre la mentalité de groupe et la tyrannie des dogmes. Homme singulier et œuvre singulière ; lui, l’homme, affirmant farouchement sa différence, elle, l’œuvre, en marge, voire même en rupture de ce qui avait été théorisé dans le champ de la psychanalyse et devenue aujourd’hui le point de rencontre d’analystes d’orientations multiples et divergentes.

Si toute œuvre, toute théorie, dans le champ des sciences humaines, reflète en partie celui qui l’a conçue, chez Winnicott, l’originalité des idées et de l’homme sont inséparables, car ses apports les plus précieux, les plus innovants, traduisent en formulations psychanalytiques les produits de l’exploration de sa vie intérieure, les idées originales issues de son Self.

On peut lire son œuvre comme l’élaboration progressive de cette question : quelles sont les conditions de la rencontre enfant/ environnement, qui vont permettre à l’individu d’être vraiment en vie, de vivre une vie qui a du sens. car pour Winnicott être en vie est essentiel au point d’écrire « Ô Dieu ! Puissé-je être en vie quand je mourrai ».

Cette préoccupation renvoie à la menace de n’être pas vraiment en vie, comme c’est le cas dans le Faux Self ou dans les angoisses primitives ou dans la répression de l’agressivité primaire afin de préserver une mère dépressive. Je vous propose donc, autour de trois notions winnicottiennes, celles d’agressivité impitoyable, de Self, et d’illusion/réalité, d’esquisser un portrait de l’homme qui les conçut.

AGRESSIVITÉ IMPITOYABLE

Une des critiques qui revient fréquemment est le peu d’intérêt de Winnicott pour la vie pulsionnelle et pour la sexualité. or s’il est exact que la sexualité et ses aléas occupent une place restreinte dans ses écrits –comme d’ailleurs dans une partie de sa vie d’homme, puisqu’il a rapporté n’avoir eu aucun rapport sexuel avec sa première épouse Alice –, il a apporté une contribution majeure à la compréhension de la pulsion, avec la notion d’agressivité impitoyable, version winnicottienne de la pulsion de vie. contrairement à l’opinion répandue mais fausse d’une position analytique maternante et lénifiante, privilégiant l’accordage émotionnel à la relation pulsionnelle, Winnicott, au fil de son œuvre, va faire de l’agressivité, prise non pas comme une pulsion distincte de la libido mais comme le quantum d’énergie de la pulsion, la force motrice du développement émotionnel pour aboutir, à la fin de sa vie à une théorie totalement originale de la destructivité comme accès à la réalité. En fait, il s’oppose catégoriquement à l’hypothèse freudienne d’une pulsion de mort, spéculation transformée par M. Klein en donnée psychique innée et incontestable, pulsion de mort d’où dérivent pour elle la haine, l’envie, le sadisme, en somme la destructivité sous toutes ses formes. or Winnicott réfute absolument l’idée d’une pulsion de mort visant la destruction car, pour lui, l’agressivité avec sa composante destructrice est constitutive de la pulsion, synonyme de mobilité et d’activité, en somme analogue à l’élan vital et la destructivité primitive, fait partie de l’amour primaire.

Agressivité primaire, agressivité instinctive, avidité, amour-appétit primaire, amour oral, autant de formulations pour marquer que l’agressivité primaire fait partie de l’appétit et de l’amour oral, une force qui – dans un premier temps – va sans se soucier de l’objet, de son intégrité et de sa survie, d’où le qualificatif d’impitoyable.

[…] Durant ce premier stade qui est d’importance vitale, la vitalité destructrice […] chez l’individu, est simplement le signe qu’il est vivant et cela n’a rien à voir avec la colère qu’éprouve l’individu lorsqu’il est frustré dans sa confrontation avec le principe de réalité […].

(Winnicott, 1989, p. 254)

Il est important de noter, à propos de cette agressivité instinctive, qu’elle fait partie à l’origine de l’appétit ou de quelque autre forme d’amour instinctif … Peut-être que le terme d’avidité traduit plus facilement l’idée de la fusion originelle entre l’amour et l’agressivité, bien que l’amour, dans ce cas, soit réduit à un amour oral.

(Winnicott, 1984)

L’élément agressif, ou plus précisément le composant agressif, fait donc partie de la pulsion amoureuse primitive au même titre que le composant érotique, mais cette agressivité primaire, impitoyable, du tout début de la vie est innocente parce qu’elle ignore l’existence de l’objet non-moi et donc la cruauté avec laquelle il est traité.

Mais Winnicott ne va pas cantonner l’agressivité à ses formes primitives. Progressivement il va lui donner un rôle central dans le développement émotionnel, tout en distinguant toujours rigoureusement les comportements agressifs de l’agressivité pulsionnelle qui se déploie dans le fantasme, ce qu’il appelle l’élaboration imaginaire de la pulsion. cette distinction aboutit à cette formulation surprenante de destructivité saine, parce qu’inconsciente et fantasmatique, découlant de l’intégration et de la maturité émotionnelle opposée à la destructivité pathologique agie, signe que la destructivité n’a pas été intégrée dans la personnalité et qu’elle reste clivée. Il faut noter le remplacement progressif du terme agressivité par les termes destruction et destructivité pour qualifier l’activité de la pulsion telle que le fantasme inconscient la met en scène.

Préfigurant l’article princeps de 1969 L’utilisation de l’objet et le mode de relation à l’objet au travers des identifications, il accorde à la composante agressive un statut particulier dans l’établissement de la réalité :

[…] Dans les stades primitifs, dans l’établissement de ce qui constitue le Moi et le Non-moi, c’est l’élément agressif qui plus certainement conduit l’individu au besoin d’un non-Moi ou d’un objet qu’on ressent être extérieur [car] les tendances agressives ne provoquent pas une expérience satisfaisante à moins de rencontrer une opposition qui doit provenir de l’environnement, du non-Moi qui graduellement se distingue du Moi.

(Winnicott, 1955, p. 93)

A. Phillips, dans Winnicott ou le choix de la solitude, écrit :

C’est par l’intermédiaire de cette composante agressive de la pulsion que l’enfant assoit l’existence d’un monde séparé, un monde qui, en lui résistant, lui fournit la définition de ses propres limites [car] si la composante érotique cherche sa satisfaction dans un objet qui n’est pas nécessairement reconnu comme extérieur, la composante agressive ne peut se satisfaire qu’avec un objet non-Moi, ressenti comme venant du dehors.

(Phillips, 1988, p. 180)

Dans ce sens, les expériences agressives sont plus réelles que les expériences érotiques puisqu’elles impliquent la rencontre de l’autre dans sa réalité.

Au fil de ses écrits, Winnicott a donc élaboré une description rigoureuse des étapes qui, sur le socle de la destructivité inhérente à l’amour primaire, conduisent le sujet à construire l’objet total. Deux textes essentiels centrés sur la fonction de la destructivité pulsionnelle couplée à la réponse de la mère jalonnent ce parcours, la réponse de la mère ou de l’environnement déterminant le destin de la pulsion.

Dans l’article de 1963 Élaboration de la capacité de sollicitude, qui présente la version winnicottienne de la position dépressive, il pose l’existence pour le nourrisson de deux mères d’abord distinctes : d’une part la mère objet de la pulsion, celle des moments d’excitation qui est attaquée et « détruite » dans le fantasme pulsionnel, d’autre part, la mère-environnement, celle des moments calmes et de l’échange émotionnel. La maturation, les processus d’intégration, la conscience croissante de l’extérieur conduisent à la fusion de ces deux représentations maternelles « le bébé se rend compte que un et un ne font pas deux mais un » et la vraie culpabilité commence ici : « lorsque les deux mères, l’amour paisible et l’amour excité, l’amour et la haine sont rassemblés… » (Winnicott, 1958, pp. 156 et 159).

À partir de là,

Le bébé qui a la chance de posséder une mère qui survit, une mère qui reconnaît le geste qui donne, est alors en position de faire quelque chose pour le trou que, dans son imagination, il a effectué dans le sein ou dans le corps de sa mère, dans un moment d’expression instinctive originelle. Alors viennent les mots de réparation ou de restitution…

(Ibid., p. 158)

Car la culpabilité issue de la destruction impitoyable de la mère-objet, peut être apaisée par l’offrande à la mère-environnement, qui en accueillant le geste d’offrande, qui peut être un pet ou une selle, en restant constante et présente, permet à l’enfant de vivre les pulsions avec plus de hardiesse. La répétition de ces séquences destruction/ réparation définie comme le cycle favorable modifie la culpabilité qui se transforme en sollicitude. Le nourrisson peut alors endosser la responsabilité de ses pulsions et du scénario fantasmatique qui les accompagne.

Ainsi, l’expérience agressive est indispensable pour aboutir à cette étape essentielle de la capacité de sollicitude, ce moment critique ou la créature humaine s’humanise, mais cette réalisation interne dépend étroitement de l’objet externe :

Je dirai que les êtres humains ne peuvent admettre qu’il y ait une visée destructrice dans les toutes premières tentatives d’amour. L’idée de la destruction de l’objet-mère dans l’amour peut être tolérée, toutefois, si l’individu qui y tend a la preuve qu’il existe déjà un but constructif à sa portée et une mère environnement disposée à recevoir ses gestes réparateurs. Mais l’effort constructif est faux et sans signification tant qu’il n’est pas arrivé à admettre la destruction.

Avec la mère-environnement qui est là pour accueillir le geste réparateur alors que la mère objet a été détruite fantasmatiquement par la pulsion, nous avons là la première version de l’objet qui survit, conception qui prend toute sa puissance dans l’article de 1968 L’utilisation de l’objet et le mode de relation à l’objet au travers des identifications.

Ce dernier article représente l’aboutissement du cheminement ininterrompu de Winnicott sur le rôle de l’agressivité/destructivité et de son rapport dialectique avec la réalité. Il reconstruit l’axiome freudien « l’objet est connu dans la haine » pour en faire « l’objet est connu parce qu’il résiste à la haine ». Il affirme là que la relation avec un objet externe n’est possible qu’après un processus de destruction auquel l’objet survit. c’est la pulsion avec sa charge de destruction couplée à la survie de l’objet qui crée l’extériorité et l’accès à la réalité. Parce qu’il survit, n’exerce pas de représailles, c’est-à-dire qu’il reste présent, constant, et dans la situation thérapeutique reste créatif, l’objet externe se différencie de l’objet du fantasme qui a été détruit. c’est alors qu’il peut être découvert comme une entité extérieure, et non pas comme une entité projective. La séquence, nous dit Winnicott, qui a débuté par le mode de relation à l’objet, entité projective, se termine par l’utilisation de l’objet, reconnu dans son extériorité/altérité.

C’est donc par la réponse de l’objet, écrit Roussillon (2005), que se scelle le destin de la destructivité et de sa fonction dans l’économie psychique :

Soit elle s’enkyste, retourne ses effets contre la psyché et l’investissement psychique, soit elle contribue à permettre la différentiation entre monde interne, monde de la représentation psychique et du fantasme et le monde externe, monde de la perception mais investie et placée en dehors de la toute-puissance créatrice du sujet.

Avec cette conception de l’agressivité/destructivité manifestation de la pulsion de vie Winnicott s’oppose radicalement la théorie kleinienne faisant dériver l’agressivité de la pulsion de mort. un autre élément creuse encore la divergence théorique et clinique avec M. Klein. Alors que celle-ci se focalise sur le monde fantasmatique sans tenir compte de la réalité externe, c’est-à-dire de l’adéquation des parents et de leur fonction contenante et de transformation, pour Winnicott, c’est la réponse des parents ou de la mère qui détermine le destin des pulsions et du développement en offrant une autre issue que celle du fantasme : l’objet qui survit.

Ce rôle essentiel, structurant qu’il confère à l’agressivité, est issu certes de son expérience clinique, mais celle-ci vient confirmer l’élaboration progressive de sa propre agressivité et de ses inhibitions surmontées. clare Winnicott raconte que vers l’âge de neuf ans, le jeune Donald s’étant regardé dans le miroir avait décidé qu’il était trop gentil :

S’ensuivit une période de mauvaise conduite, il se mit à devenir le dernier de la classe, faisant des taches partout, maculant son cahier, malmenant les choses, torturant les mouches, leur arrachant les ailes ; il voulait trouver une autre dimension à lui-même.

(Rodman, p. 39)

Ce souvenir, enrichi de tous ces détails, illustre un insight identitaire, prise de conscience de ce qui se formulera des décades plus tard comme le Vrai Self, masqué par un Faux Self que le miroir reflète. Le miroir ou le visage de la mère ? car le visage de la mère est un message identifiant pour le bébé lorsqu’il reflète ses états internes : « Que voit le bébé lorsqu’il regarde le visage de la mère ? Je suggère que d’ordinaire le bébé se voit lui-même » (Winnicott, 1971, p. 155).

Mais parfois le visage de la mère ne reflète qu’elle-même, ses états à elle, comme cette mère dépressive qui court en filigrane dans toute l’œuvre et que Winnicott décrit dans ce poème :

En dessous, Mère est en larmes, en larmes, en larmes,
Ainsi l’ai-je connue.
Une fois, allongé sur ses genoux
Comme à présent sur arbre mort
Je lui appris à sourire,
À contenir ses pleurs,
À se défaire de sa culpabilité,
À guérir de sa mort intérieure
Je gagnais ma vie à la rendre vivante

Description d’un jeune garçon trop gentil parce que captif de la dépression maternelle, et de ce qu’il nommera plus tard une fausse réparation qui le fige dans la gentillesse et fait obstacle à l’élaboration de sa destructivité primaire.

Dans la pensée de Winnicott il semble que le fait de voler et les actions exprimant une haine chargée d’excitation aient été nécessaires pour transcender bonté, gentillesse, conformisme. Ce qu’il appelle voler et haïr est l’indispensable clé pour un comportement dont la dimension sexuelle est assumée, incluant tout ce qui est lié à l’expression du Vrai Self et de la sexualité.

(Rodman)

UNE LUCIDITÉ IMPITOYABLE

Je reprends l’adjectif impitoyable car nous pouvons voir dans la lucidité et la combativité de Winnicott telle qu’elles apparaissent dans les Lettres vives (Rodman parle d’attaques au vitriol) la forme mature, socialisée, de l’agressivité, insuffisamment expérimentée, inhibée sans doute par cette mère dépressive. « Winnicott avait employé la majeure partie de sa vie à rechercher, exprimer et utiliser sa prise de conscience de sa propre haine ». Vous l’avez entendu dans les extraits de lettres que j’ai choisis, il n’est pas question d’épargner ses correspondants. Après la sollicitude du début de la lettre à H. Segal, l’assaut est féroce. Sans aucun doute est-il convaincu de sa capacité à survivre, et finalement il trouve dans le monde psychanalytique ces grandes femmes, presque invulnérables qui permettent, peut-être légitiment son agressivité impitoyable et y survivent :

Il s’était toujours efforcé d’être impitoyable afin de reconstruire et restimuler les pulsions endommagées de sa petite enfance en vue de réaliser une sorte de destinée productive et épanouissante […] il poursuivait l’idée que l’attitude impitoyable inaugurée sous sa forme pure quand le petit enfant suce le sein est indispensable au bonheur humain […] ne s’altère jamais dans sa forme de base qui est activée chaque fois qu’une relation intense se développe. Cette capacité de destruction ne doit pas être civilisée par les parents sinon la vie de l’enfant risquera de perdre son sens.

(Rodman, p. 457)

Ainsi, dans cette volonté de parler vrai, de refuser le conformisme, la soumission au dogme, Winnicott a utilisé son agressivité tout en la sublimant, de même qu’il s’est emparé, pour les détruire et les reconstruire d’une façon tout à fait personnelle des idées de ses prédécesseurs.

VRAI SELF

Winnicott a admis à différentes reprises que le Vrai Self est une notion difficile à définir ; cependant, la lecture des Lettres vives où se déploie sa personnalité laisse apparaitre ce que peut être le Vrai Self. En effet, à côté des attaques impitoyables où se manifeste sa vitalité primaire, s’impose l’allergie à la pensée groupale, aux dogmes, à tout compromis qui affadirait sa pensée, et la revendication dans un style mordant, sans concessions aucune, à une pensée personnelle, originale et créative ; Rodman a d’ailleurs choisi pour titre de cet ouvrage « the spontaneous gesture », « le geste spontané », premier fondement pour Winnicott du Vrai Self : « le Vrai Self est la position théorique d’où provient le geste spontané et l’idée personnelle ». Là encore, Winnicott introduit une idée personnelle et une notion totalement nouvelle, un corps étranger dans la théorie psychanalytique, produit d’une subjectivité qui refuse de se soumettre aux dogmes existants.

Contrairement aux topiques freudiennes qui sont des abstractions, constructions théoriques destinées à repérer et modéliser des opérations psychiques, le Self est une notion existentielle qui désigne l’expérience qu’un sujet a de lui-même, de son être unique et singulier. À la naissance le nourrisson est en possession d’un potentiel de personnalité en partie déterminé par des facteurs génétiques et tout au long de la vie le Vrai Self cherche à exprimer et à élaborer ce potentiel dans son existence et ses relations ; ce potentiel trouve son expression dans le geste spontané mais il dépend des soins et surtout de la réponse de l’environnement pour s’ancrer et s’épanouir .

Le Self représente l’aboutissement d’une intégration des différents aspects de la personnalité aboutissant au vécu de constituer une unité. Donc non seulement je suis, mais je suis moi-même. car dans le Self se conjugue le JE et le ME, je me vois, je me sens, je me connais, le Je reprenant le rôle de miroir assumé d’abord par la mère puisque que dans le visage de la mère, le sujet, l’enfant se voit comme objet vu par la mère, premier temps de la différence entre le JE et le MoI :

[…] le Moi peut être étudié avant que le terme de Self puisse être employé. Le mot Selfvient après que l’enfant a commencé d’utiliser son intellect pour considérer ce que les autres voient sentent et entendent et ce qu’ils conçoivent lorsqu’ils entrent en contact avec le corps du bébé.

(Winnicott, 1965, pp. 115-132)

Ainsi, dans un premier temps, l’autre est indispensable au Self pour que celui-ci puisse être et devenir lui-même. Mais contrairement au Moi, chargé des relations avec le monde extérieur, construction inscrite dans la temporalité, faite de strates multiples, et toujours en devenir il me semble que le Self recouvre une expérience intime et solitaire, l’expérience d’être, il s’éprouve lorsqu’il surgit, dans le geste spontané, le jeu, l’idée originale.

Une fois encore, le rôle de la mère est essentiel car le Vrai Self ne peut prendre corps et devenir une réalité vivante que si la mère est là, s’identifiant aux besoins du nourrisson, pour accueillir son geste spontané, lui donner sens, lui permettant ainsi d’exister et non de réagir :

Le Moi du nourrisson s’affermit et s’achemine vers un état dans lequel les exigences instinctuelles seront ressenties comme faisant partie du « Self » et non de l’environnement. Lorsqu’il y parvient, la satisfaction du ça devient alors un facteur très important du renforcement de Moi ou du Vrai Self.

(Ibid., p. 117)

Comment Winnicott est-il arrivé à cette notion si originale qui ne peut émaner que de l’élaboration progressive d’expériences de vie ?

Le départ pourrait être trouvé dans le souvenir du miroir reflétant un enfant trop gentil, façonné par les besoins de sa mère et non par sa vie personnelle, souvenir qui préfigure ce qui deviendra plus tard le vrai et le Faux Self. cependant, si l’enfant de neuf ans a pu s’insurger et se dégager ainsi de l’emprise maternelle, l’adulte lié à une femme malade, ligoté par la culpabilité devra frôler la mort ; les accidents cardiaques répétés dans l’année qui précède la séparation étant autant de signaux que le Self est en voie d’extinction. certes, la personnalité de Winnicott ne correspond en rien à la définition clinique du Faux Self, cependant toute l’élaboration sur les empiétements de l’environnement qui étouffent le Vrai Self pourrait bien avoir sa source dans la reproduction d’une relation aliénante. En effet, comment avoir le sentiment d’être un homme réel, dans une vie qui a du sens, auprès d’une femme psychiquement malade, sans intimité sexuelle pendant vingt-cinq ans ? Winnicott n’aurait-il pas revécu avec sa femme ces défaillances de l’environnement dont il élaborait la théorie dans la relation primaire mère-bébé ? Puisqu’il affirme que le Vrai Self ne peut advenir que si le geste qui exprime une pulsion spontanée est accueilli et reçoit la réponse qui le confirme et ancre ainsi la créativité primaire, ne peut-on penser qu’il a du sacrifier une part de sa vitalité pulsionnelle pour réparer/soigner une épouse dépressive ? Il écrit à une amie peu de temps après la séparation : « j’ai abandonné Alice […] je ne suis pas en train d’essayer d’échapper au fait que j’ai été ignoble […] beaucoup de nos amis sont bouleversés de découvrir que je ne suis pas le charmant garçon idéal qu’ils pensaient que j’étais » (Rodman, p. 99). on retrouve cet adjectif « charmant » dans un texte de 1948, La réparation en fonction de la défense maternelle contre la dépression, l’année qui précède la séparation, où il évoque précisément ces enfants charmants vus en consultation, captifs de la dépression maternelle et d’une fausse culpabilité, fausse parce qu’elle ne s’enracine pas dans leur vie pulsionnelle et ses éléments destructeurs. La réparation manifestée par leur charme et leur vivacité est une fausse réparation parce que ces enfants se servent de la dépression de la mère pour la réparer en échappant à leur culpabilité personnelle et à l’élaboration de leur vie pulsionnelle.

Alors, s’il a réussi à s’extraire d’une forme de Faux Self et de cette fausse réparation à l’âge de neuf ans, il aura fallu la mort de son père et des accidents cardiaques répétés pour qu’il arrive à la décision d’une séparation, autrement dit qu’il actualise le besoin primaire, inné, d’accomplissement de Soi (self-realization).

À partir de là, il va scruter de plus en plus attentivement ce qui permet ou inhibe l’expression spontanée de la vitalité et donne un sentiment de réalité.

L’article de 1960 Distorsion du moi en fonction du Vrai et du Faux Self ne donne pas une définition précise du Vrai Self qui demeure dans les différents textes une notion assez floue ; d’ailleurs, écrit-il, « définir l’idée d’un Vrai Self n’a que peu d’intérêt, si ce n’est pour tenter de comprendre le Faux Self, car le Vrai Self ne fait guère plus que rassembler dans ses détails l’expérience liée au fait de vivre ». cette expérience liée au fait de vivre est permise par l’adéquation de la mère aux besoins du Moi de l’enfant. Là encore, comme dans l’intégration de la destructivité, le rôle de la mère est essentiel puisque c’est sa réponse au geste spontané du nourrisson qui entérine et fixe ou, à l’inverse, rejette les formes où s’exprime le Self. Message identitaire qui va confirmer ou infirmer « les proto-représentations de soi en relation avec un autre considéré comme miroir de soi » (Roussillon, 2002).

Il suffit donc de dire du Vrai Self qu’il rassemble l’expérience liée au fait de vivre, qu’il est la source de ce qui est authentique, geste spontané ou idée personnelle, que lui seul peut être créatif, que lui seul est ressenti comme réel, dans une vie riche de sens et qui vaut la peine d’être vécue.

En fait, c’est par son opposé, le Faux Self, qu’on peut le définir avec plus de précision. Le Faux Selfest une réponse défensive à un empiétement et provient d’interactions où la mère inapte à ressentir les besoins du nourrisson ne répond pas à son geste spontané mais y substitue le sien propre qui n’aura de sens que par la soumission du nourrisson. cette soumission, à l’opposé de la spontanéité du Vrai Self, est le tout premier stade du Faux Self qui répond aux exigences de l’environnement, ou plutôt, comme l’écrit J.-P. Matot, qui s’adapte à ses défaillances au détriment du développement personnel.

C’est pourquoi on peut dire qu’il est au service de la mère plutôt que de « l’utiliser », car il prend la relève de son échec par une forme d’auto-suffisance souvent portée par un intellect hypertrophié. Enfin, il cache et protège le vrai, dissimulé mais parfois aussi étouffé par la coquille protectrice du Faux Self, coquille soumise et adaptée. Winnicott envisage différents degrés dans cette structure depuis les formes où la personne n’a jamais commencé à exister, où l’existence est vide de sens, réduite à la soumission et à l’imitation, jusqu’à la forme véritablement adaptative qui correspond à l’acquisition de compétences sociales qui aménagent le contact avec la réalité externe, car l’adaptation à la vie en société et la soumission à ses règles est une forme positive et saine du Faux Self qui protège le Vrai Self.

En conclusion, pour Winnicott, exister c’est pouvoir exister par soi-même et en soi-même (trouver un moyen d’exister par soi-même), se lier aux objets en tant qu’autre et avoir un Self dans lequel se retirer pour se détendre, une structure inamovible, invisible et inatteignable, centre de gravité, noyau dont dépend l’ensemble du développement de la personnalité.

ILLUSION ET RÉALITÉ

La dernière notion dont je traiterai ici, celle de la fonction de l’illusion comme dimension essentielle de la condition humaine, est de nouveau une idée absolument originale, produit du génie créatif de Winnicott.

C’est d’abord le pédiatre (il a soixante-mille consultations à son actif) qui observe un objet essentiel dans la vie des nourrissons : le doudou. À partir de là, le psychanalyste élabore la théorie des objets et phénomènes transitionnels. Il précise que ce n’est pas l’objet lui-même qui l’intéresse mais son utilisation car elle marque l’entrée de l’enfant dans l’aire intermédiaire de l’espace d’illusion où s’apaise les tensions imposées par la perception du non-Moi, de la réalité.

Dans le système binaire d’opposés, principe de plaisir/principe de réalité théorisé par Freud, Winnicott insère donc un troisième élément : celui de l’illusion, condition essentielle pour lui au contact avec la réalité. cette proposition semble paradoxale mais Winnicott a un faible pour le paradoxe, où se manifeste la complexité de la vie psychique réfractaire à une théorisation unifiante.

Alors que pour Freud le principe de réalité prend le pas sur le principe de plaisir, en raison des obstacles opposés par la réalité à la satisfaction, Winnicott réfute vigoureusement cette conception d’une adapta-tion quasi naturelle au monde extérieur et affirme la nécessité impérieuse d’une aire tierce, l’aire d’illusion pour que l’individu supporte la réalité.

« Le principe de réalité est le fait de l’existence du monde, peu importe que le bébé le crée ou non […] c’est l’ennemi par excellence de la spontanéité, de la créativité et du sentiment du réel » (Winnicott, 1986, p. 116). L’insulte de la réalité, ce sont les blessures que celle-ci impose à notre psychisme dont le premier principe de fonctionnement est le principe de plaisir.

Nous supposons que l’acceptation de la réalité est une tâche sans fin et que nul être humain ne parvient à se libérer de la tension suscitée par la mise en relation de la réalité du dedans et de la réalité du dehors ; nous supposons aussi que cette tension peut être soulagée par l’existence d’une aire intermédiaire d’expérience qui n’est pas contestée (arts, religion, etc.).

(Winnicott, 1971, p. 24)

Dans cette aire, l’enfant rassemble des objets ou des phénomènes appartenant à la réalité extérieure et les utilise en les mettant au service d’éléments de la réalité interne ou personnelle.

(Ibid., p. 73)

Ainsi, cette aire intermédiaire est le lieu où le rêve et la réalité, ce qui appartient au sujet et ce qui relève du monde extérieur, se conjuguent comme dans le jeu de l’enfant ou dans les multiples formes offertes par la culture, par exemple les livres ou les films cultes dans lesquels toute une génération se retrouve. Pour Winnicott, l’illusion, héritière de l’omnipotence primaire, est donc la condition de la relation entre l’individu et le monde, et le contact avec la réalité, « cette sale histoire », est l’aboutissement d’un processus complexe, toujours laborieux parce qu’irritatif pour le narcissisme. ce processus, qui débute avec l’illusion de l’omnipotence absolue, dépend dans un premier temps de l’adaptation quasi magique de la mère qui conforte l’illusion omnipotente. Parce que la mère est là précisément au moment où le nourrisson en éprouve le besoin, c’est donc lui qui la crée. L’enfant est alors le monde et le créateur du monde, la mère, elle, est un objet subjectif, écrit Winnicott.

C’est sur cette base de créativité primaire, et uniquement sur cette base, où l’objet est subjectif parce sans existence objective, que la réalité peut progressivement émerger, le Moi et le non-Moi se différencier, pour aboutir à la conscience d’un monde externe, d’une mère non-MoI, hors du contrôle omnipotent de l’enfant.

Par sa lente et progressive désadaptation, la mère conduit l’enfant de l’omnipotence absolue à l’omnipotence relative qui implique la reconnaissance du monde externe ; d’objet subjectif créé par l’enfant, elle se constitue en tant qu’objet externe et c’est à ce moment qu’advient l’objet transitionnel, création intermédiaire entre le Moi et le non-Moi. À l’illusion omnipotente va succéder, pour amortir la collision avec la réalité, l’espace d’illusion ou aire transitionnelle.

Les phénomènes transitionnels ont pour fonction d’aménager le contact avec le réel, de créer un espace de transition qui amortit la dureté de ce contact.

[…] Depuis sa naissance, l’être humain est aux prises avec le problème de la relation entre ce qu’il perçoit avec objectivité et ce qu’il conçoit avec subjectivité ; la solution saine de ce problème n’est possible que pour celui à qui la mère a assuré un bon départ. L’aire intermédiaire à laquelle je fais référence est une aire dans laquelle le bébé peut se tenir entre la créativité primaire et la perception fondée sur l’épreuve de réalité. Les phénomènes transitionnels représentent les premiers stades de l’utilisation de l’illusion, sans cela la relation d’un être humain avec un objet perçu par les autres comme extérieur à lui n’a pas de sens.

(Ibid., p. 21)

Les termes d’insulte, d’affront, utilisés par Winnicott pour qualifier la réalité sont en phase, je pense, avec l’importance qu’il accorde à l’expérience d’omnipotence, notion qui remplace chez lui celle du principe de plaisir.

En fait, ce glissement conceptuel est tout à fait cohérent puisque le principe de plaisir se réfère à la recherche d’une satisfaction pulsionnelle immédiate, une décharge de tension, alors que l’expérience d’omnipotence implique la créativité primaire.

Dans un très beau texte de 1962, Intégration du Moi au cours du développement de l’enfant, Winnicott écrit :

Lorsqu’on parle de la capacité d’adaptation de la mère, il faut bien comprendre que cela n’a que peu de rapports avec son aptitude à satisfaire les pulsions orales du nourrisson en lui donnant par exemple une bonne tétée […]. on peut en effet satisfaire un besoin oral et ce faisant violer la fonction du moi du nourrisson ou ce qui plus tard sera jalousement garder en tant que self, cœur de la personnalité. Une satisfaction orale peut constituer une séduction et un traumatisme si elle est offerte à un petit enfant sans la couverture du fonctionnement du Moi.

La satisfaction de l’instinct n’a donc de sens que si elle correspond aux besoins du Moi, c’est-à-dire si la mère place le sein réel juste là où l’enfant est prêt à le créer, et au bon moment.

Winnicott précise encore : « un bon objet n’est bon pour le nourrisson qu’à la condition d’être créé par lui » et dans cette « expérience vécue d’omnipotence, il y a quelque chose qui est plus que le contrôle magique car ce terme englobe l’aspect créatif de l’expérience ».

La créativité, c’est donc conserver tout au long de la vie une chose qui, à proprement parler, fait partie de l’expérience de la première enfance : la capacité de créer le monde. Pour le bébé, ce n’est pas difficile, car si la mère sait s’adapter à ses besoins, il ne peut pas se rendre compte au départ que le monde existait avant qu’il l’ait conçu ou imaginé. Le principe de réalité, c’est l’existence même du monde, que le bébé le crée ou non.

(Winnicott, 1986)

Par contre, « c’est quand il joue et peut-être seulement quand il joue que l’individu, enfant ou adulte, est libre d’être créatif et d’utiliser sa personnalité toute entière. c’est seulement en étant créatif que l’individu découvre le SoI » (Winnicott, 1971, p. 76).

J’ai introduit cette présentation avec deux lettres de Winnicott et c’est par une lettre que je la conclurai.

Bruxelles, le 12 octobre 2013

Cher Donald,

Quelle délicieuse coïncidence que vous portiez, contrairement à l’immense Sigmund ou à l’impressionnante Melanie, un prénom si familier à l’imaginaire enfantin, vous qui avez conféré à cet imaginaire-là le statut primordial qu’il occupe dans nos existences. En faisant du jeu la condition essentielle de la rencontre avec la réalité, en faisant de la psychanalyse la forme sophistiquée du jeu au 20e siècle, vous nous avez encouragés à jouer, c’està-dire à être libres et créatifs.

Cependant, votre lucidité impitoyable nous astreint à la rigueur, et à examiner la part d’ombre de votre personnalité lumineuse. on vous a beaucoup critiqué, on a jugé votre théorie et votre clinique trop maternantes, on a déploré l’absence du père et de la sexualité dans vos écrits, mais d’autres auteurs sont là pour nous aider à explorer les régions psychiques qui vous étaient étrangères, et il n’y a pas lieu de vous en faire grief.

Mais comment comprendre ce qui a pu vous lier si étroitement, vous qui étiez l’authenticité même, à M. Khan qui fut l’imposture même. fascination réciproque ? Chez lui pour votre génie créatif, vos intuitions fulgurantes, votre intelligence issue non d’un fonctionnement mental hypertrophié mais d’une intégration psyché-soma, en somme pour votre Self.

Et vous, qu’est-ce qui vous a fasciné ? Son absence de limites, son omnipotence, ses agirs débridés ? Aviez-vous besoin, après avoir été marginalisé, décrié, de l’admiration de cet homme flamboyant, qui en a séduit bien d’autres que vous, et était capable de vous refléter dans toutes ses nuances la richesse de vos intuitions fulgurantes et de votre pensée ? Alors fasciné, séduit, au point de fermer les yeux sur ses actings pervers et de soutenir sa candidature comme membre titulaire ? Aujourd’hui, ce que nous avons appris de votre relation la fait apparaître comme le triomphe de l’omnipotence, la vôtre qui transgressez toutes les règles que nous impose notre position d’analyste, faisant de votre patient un collaborateur, conduisant en parallèle à son analyse celle de son épouse et l’omnipotence de Khan, l’individu le plus transgressif, le plus scandaleux que la Société britannique ait connu.

Alors, Docteur Winnicott, Masud aurait-il été votre Mister Hyde ?

En tout cas, et ce sera ma conclusion, cette relation témoigne qu’en tout homme, fut-il celui des Lettres vives, il y a une part de ténèbres.

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