18/03/2017: Les défenses autistiques à l’épreuve de la clinique quotidienne

2016/2017- Dynamique des défenses psychiques

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En introduction

C. De Buck nous plonge d’emblée dans un matériel clinique qui illustrera le propos de ce nouveau séminaire. Il s’agit d’une patiente bien adaptée, mais en lutte contre une dépression primaire et des menaces d’effondrement qui l’obligent à la mise en place de façon permanente de défenses autistiques très couteuses. Car, poursuit CDB, les défenses autistiques peuvent se rencontrer chez bon nombre de nos patients, qu’ils présentent des troubles d’allure névrotique, ou encore des traits psychotiques, limites ou psychosomatiques.

S’appuyant sur les travaux de F. Tustin, CDB évoque les « poches autistiques » de ces patients non-autistes, comme des parts de la personnalité impénétrables, encapsulées.

Chez l’enfant autiste, les réactions de mise en capsule vont chercher à expulser les sentiments de terreurs primitives et protéger-immobiliser la part de personnalité atteinte.

Chez le névrosé, les parts autistiques clivées vont ressurgir lors de moments critiques (maladie, séparation, etc.), témoignant de blessures inapaisées dans la relation primaire.

À partir de plusieurs vignettes cliniques et de dessins qui seront projetés et jalonneront son exposé, Carine De Buck et Françoise Labbé vont poursuivre en reprenant plus en détail divers points selon le plan suivant :

1. Le concept de première peau

E. Bick montre que c’est au travers des expériences ressenties par l’ensemble de la peau que le bébé élabore le concept d’un espace délimité, d’une enveloppe qui tient les choses, expérience d’un objet qui soutient la personnalité. Première introjection donc d’un objet contenant qui fournit un espace dans lequel des objets pourront être introjectés.

En cas d’échec, il n’y a pas de sentiment d’espace interne, le bébé colle alors à l’objet dans une bi-dimensionnalité.

La déficience d’une contenance entraine alors des angoisses corporelles et spatiales primitives, décrites notamment par Houzel, Tustin et Meltzer.

2. Les angoisses typiques des niveaux de fonctionnement autistiques

• La perte de la continuité d’être et la conscience agonistique de la séparation. Françoise Labbé évoque le trou noir du non-être, qui est la perte du sentiment psychique d’exister, suite à un vécu de perte traumatique, d’arrachement précoce du sein maternel.

• Les angoisses de dissolution et de chute sans fin.
Tustin décrira à propos d’une patiente le débordement des affects, la chute d’eau des angoisses qui se déversent dans le néant, les substances vitales qui se liquéfient et s’enfuient en s’écoulant. Toutes ces menaces vont alors stimuler les manœuvres autistiques d’auto- enfermement pour maintenir l’illusion d’un contrôle.

3. Les mécanismes de défense autistiques

• Le démantèlement

Meltzer décrit ce processus comme une capacité à suspendre l’attention et laisser errer les investissements vers l’aspect de l’objet qui conserve la plus grande force d’attraction.
Le démantèlement entraine la perte de la consensualité (pas de synthèse des différents aspects sensoriels de l’objet) et une idéalisation extrême de l’objet primaire, à partir de laquelle Meltzer élaborera le concept d’objet esthétique.

L’hypothèse est que ces enfants hyper-sensibles ont été confrontés très tôt à une dépression maternelle et ont réagi par des fantasmes de contrôle omnipotents de l’objet.

• L’identification adhésive et l’objet esthétique

L’identification adhésive cherche à compenser une interaction défectueuse mère-enfant; l’autre est utilisé alors comme une extension du Self, idéalement beau, parfait: c’est l’objet esthétique. Tout dépend alors de la réponse de l’objet qui, à partir de ce lien narcissique, pourra permettre la croissance psychique ou à l’inverse entraîner un claustrum, emprisonnant les potentialités de développement.

• Les manœuvres autistiques, objets et formes

Pour Tustin, l’autisme est un état où règne la sensualité auto-induite, dans lequel toute attention est portée sur les sensations et les rythmes corporels. Si la fonction contenante de l’objet maternel est défaillante, le bébé va être amené à utiliser les sensations de son propre corps, engendrer des objets, des formes autistiques pour tenter de nier l’objet défaillant.

Les objets autistiques sont des objets durs, qui donneront l’illusion d’une carapace. Les formes sont des sensations que l’enfant fabriquera à partir de substances molles (salive, fèces, sable, etc.) ou de mouvements qui vont l’apaiser.

Il peut y avoir enfin une utilisation autistique de la proprioception ; Carine De Buck cite l’agrippement à l’hypertonicité, les agrippements kinesthésiques (balancements) les agrippements à la pensée (productions mentales qui agissent comme équivalents de productions physiques sans activité véritable de pensée), l’agrippement à l’excitation par l’activité mentale ou physique (addictions, manies, etc.).

4. Cas clinique

En dernière partie, F. Labbé présente un enfant pour qui a été posé un diagnostic de psychose infantile avec un secteur autistique. Celui-ci montre trois facettes différentes : intelligent et « normalement adapté », mais aussi à certains moments catatonique ou encore très agressif. F. Labbé nous fait suivre les différentes étapes de la cure analytique en s’appuyant sur plusieurs dessins très illustratifs: on y retrouve plusieurs thèmes abordés, vécu d’arrachements, expérience de la discontinuité, élaboration de son enclave autistique, voracité sadique…

F. Labbé s’arrête notamment sur un dessin où se travaille la question du même et de l’autre, à partir des taches d’encre dans la pliure d’une feuille, renvoyant aux symétries imparfaites. Elle rappelle la théorie de G. Haag au sujet de la pliure : charnière, amorce de profondeur, et reliure d’un double feuillet, ce pli serait un moment critique de l’intégration de l’objet d’arrière-plan, de la formation de la peau psychique et du décollement des peaux dans le passage de la symbiose à l’individuation.

F. Labbé nous montre bien comment à côté d’un développement sain des fonctions cognitives, artistiques et expressives, cet enfant présente une enclave autistique dont l’origine renverrait au « complexe de la mère morte » d’André Green, avec la formation d’un trou dans la trame relationnelle , tout en ayant maintenu les investissements périphériques.

F. Labbé termine par une citation de J. Begoin : « l’objet qui se refuse à accepter d’être cet objet esthétique pour l’enfant « à cause de sa dépression » refuse en même temps , en raison de l’idéalisation réciproque, de ressentir cet enfant comme son propre objet esthétique et le plonge dans le désespoir pour sa vie entière ». C’est ce désespoir qui est comme enkysté dans l’enclave autistique.

Françoise Labbé, Carine De Buck

18/03/2017