Dessine-moi un berceau

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« Dessine-moi un berceau » colloque dont la thématique développe l’attention aux relations précoces dans les situations fragilisées par la souffrance psychique.

Fil-à-Fil est  une unité qui s’occupe de la parentalité et des liens précoces parents-enfants à Liège.

Deux des membres de la Société Belge de Psychanalyse, Heidy Allegaert et Anne Reinaers en sont responsables. Ce sont elles qui ont été très engagées dans l’organisation de ce colloque avec toute leur équipe.

L’idée générale de ce colloque était de réfléchir aux possibilités d’aider à développer la construction des liens entre le bébé et ses parents dans les situations, éventuellement pathologiques, où le lien est mis à mal et où il existe une réelle difficulté à développer l’attachement nécessaire entre des parents et un tout-petit ;

L’unité Fil-à-Fil offre un environnement soignant est contenant pour permettre aux parents et à l’enfant de trouver des modalités relationnelles adaptées à la triade ou à la dyade familiale pour que l’accordage affectif le plus juste possible puisse se déployer.

De nombreuses conférences nous ont été proposées tout au long de la journée.

Didier Houzel, pédopsychiatre, psychanalyste, a longuement parlé de la nécessité d’une stabilité structurelle autour du bébé pour que le jeune enfant puisse développer ses enveloppes psychiques.

Le concept d’enveloppe psychique permet de comprendre « le processus qui s’enracine dans l’expérience du tout petit avec sa mère pour aboutir à la constitution de ce que nous ressentons comme nos limites qui nous séparent du monde extérieur et qui en même temps nous y relient, qu’il s’agisse du monde concret ou de nos partenaires humains ».

Celui de « stabilité structurelle » développe l’idée que ce n’est plus « la localisation de l’objet qui est stable, mais sa forme. Tout peut changer, un flux continu peut se produire, la ou les formes restent identiques à elle(s)-même(s) ou tout au moins suffisamment semblable(s) pour demeurer reconnaissables ». Ainsi, la mère n’est jamais tout à fait la même mais, malgré les changements, le bébé peut l’identifier comme une seule et même personne.

Les processus de transformations psychiques mis en œuvre par l’entourage du bébé lui permettront de donner du sens à ses expériences corporelles, sensorielles ressenties comme des turbulences pour que ces expériences deviennent représentables.

 

Catherine Potel, psychomotricienne, nous a fait part de sa pratique en libéral qui nécessite certaines conditions particulières afin de permettre la mise en place d’un cadre suffisamment régulier et sécurisant  pour que le nourrisson en difficulté puisse développer ses compétences.

Dans son exposé « Des pieds qui ne touchent pas terre », elle nous a fait part de son expérience en thérapie psychomotrice auprès de bébés accueillis par l’aide sociale à l’enfance.

« Un corps ne suffit pas pour qu’il se développe dans une motricité efficace et investie. Il faut un être qui l’habite ».

Elle illustre son  intervention  par une  vignette clinique qui démontre toute l’importance d’une thérapie précoce, ce qui malheureusement est encore à défendre auprès des instances d’accueil.

 

L’exposé du dr Delourmel abordait la question passionnante de l’épigénétique.

L’environnement, et plus particulièrement l’environnent des stades les plus précoces du développement, influence l’expression phénotypique du génome.

Sujet passionnant bousculant l’épistémiologie mais bien difficile. Le texte mérite d’être relu.

 

Nous avons aussi entendu Anne Brun, professeur de psychopathologie et de psychologie clinique à l’Université de Lyon-II, nous parler de la sensori-motricité du jeune enfant et des formes primaires de symbolisation.

Son fil rouge est  la question de savoir « comment on peut retisser les expériences non encore advenues dans la vie de bébé à partir de la clinique des médiations thérapeutiques pour enfants psychotiques. Autrement dit, comment la pratique des médiations thérapeutiques peut -elle permettre de construire dans l’après coup un « berceau psychique ».

La spécificité des dispositifs de médiations thérapeutiques consiste à permettre un travail de symbolisation à partir de la rencontre de l’enfant avec la sensorialité du medium, avec une matière à manipuler, et la fonction du medium sera donc d’être un attracteur sensoriel qui fonctionne comme un véritable attracteur pour la symbolisation. Chaque medium privilégie un mode de rapport particulier à la sensorialité, selon ses qualités tactiles, visuelles, olfactives, ce qui déterminera le processus transférentiel.

La fonction du medium est de permettre le transfert d’expériences primitives sur l’objet médiateur car il réactualise des expériences archaïques souvent catastrophiques, qui concernent les états du corps et les sensations »

 

Un très bel exposé, très clinique, nous a été présenté par Xavier Capelle, gynécologue et Christine Lebrun sage-femme. Leur présentation était riche et au plus près de la pratique quotidienne de la maternité et de ses avatars. Il nous ont transmis leur expérience, parfois traumatique, de la clinique de la périnatalité, leur exposé était un véritable témoignage de la nécessité quasi vitale d’un accompagnement médico-psychologique pour ces jeunes mères et parents en souffrance.

La journée s’est terminée par une intervention de Pierre Delion, psychiatre, professeur à l’Université de Lille 2 qui nous a parlé de la fonction phorique qui, pour lui, regroupe toutes les modalités de soins et de portage en lien avec le développement des enveloppes corporelles.

Comme toujours, son exposé était vivant, sensible et engagé. Son combat pour une psychiatrie humaniste est précieux, il nous permet de continuer à croire à ce que nous faisons en tant que psychistes intervenants autour des relations précoces parents-bébé.

 

Toute la journée était également émaillée d’intermèdes pensés, réalisés, filmés et mis en scène par l’équipe de Fil-à-Fil.  Ces intermèdes comprenaient des entretiens filmés avec des patientes qui ont souhaité parler de leur vécu, des témoignages audio-phoniques d’autres patients qui ont consulté l’équipe de Fil-à-Fil ainsi que des moments musicaux et une chorégraphie qui mettait en scène l’ajustement et l’accordage affectifs des relations mère-enfant.

Le colloque était extrêmement bien organisé, l’accueil était chaleureux et prévenant. En conclusion, ce colloque était un moment clinique et interactif riche et passionnant.

Christine Desmarez