Art et Psychanalyse : jeu et créativité
Le dernier colloque de la Revue Belge de Psychanalyse, « L’œuvre littéraire, un espace de jeu pour la psychanalyse ? » (octobre 2020), a repris l’idée, soutenue par le psychanalyste Pierre Bayard[1], de « produire du jeu » entre les théories implicites des œuvres littéraires et les théories de la psychanalyse pour qu’une confrontation avec des « possibles exclus » puisse advenir, et remettre au travail certaines théories psychanalytiques.
Nous proposons, dans ce numéro, de poursuivre le jeu et de l’étendre au-delà de l’œuvre littéraire. Peinture, sculpture, cinéma, … ont depuis toujours, comme l’écrit François Emmanuel[2] , lié les artistes et les psychanalystes dans une fascination réciproque.
« Et les uns et les autres de partager un peu le même territoire, cet arrière-pays nocturne que l’on nomme, à défaut d’autre mot, l’inconscient, cette forêt incertaine qu’ici l’on défriche méthodiquement, là on reboise avec inconstance, où les premiers s’évertuent à tracer quelques routes, où le seconds s’entêtent à se perdre, et d’où s’originent aussi bien les rêves, les lapsus, les trébuchements de la vie, les symptômes, que les tableaux, les romans, les poèmes, les chants. » (in L’art ou la thérapie)
N’est-ce pas ce à quoi nous convie le titre évocateur de Philippe Porret[3] « L’artiste hèle le psychanalyste, l’artiste aile la psychanalyse » ?
L’artiste hèle le psychanalyste quand il l’amène à renoncer à ce qu’il croit savoir pour découvrir avec lui l’inédit d’une création. Le psychanalyste ne fait-il pas la même démarche vis-à-vis de son patient lorsqu’il bouscule les certitudes de départ pour ouvrir à ce qu’il fut impossible de penser ? De l’œuvre d’art au mouvement psychique, une équation à multiples inconnues sans doute, dont le souci consiste surtout à n’en point trouver de solution mais à poursuivre le jeu de l’enrichissement réciproque.
Blandine Faoro-Kreit (faokreit.b@gmail.com)