15/06/2017: L’emprise comme défense

2016/2017 - Dynamique des défenses psychiques

Delen op

L’emprise est un concept connu au sens commun du terme mais qui se laisse plus difficilement appréhender sur le plan métapsychologique.

L’emprise fait son apparition dans les Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), elle liée à l’expérience de la musculature et au jeu des pulsions partielles.

En 1920, Freud arrime l’emprise à la pulsion de mort dans « Au-delà du principe de plaisir ». L’emprise n’est pas seulement une « mainmise » pathologique, mais aussi ce qui permet au petit enfant de se rendre maître de lui-même et du monde.

Alain Ferrant définit l’emprise, à travers sa notion d’appareil d’emprise. L’appropriation psychique de soi-même suppose une expérience active d’appropriation des « choses » manipulables, notamment à travers le jeu. La place de l’objet est centrale.

Un des intérêts du travail de Ferrant est de s’interroger aussi sur « l’insuffisance d’emprise », qui serait accompagnée de l’émergence de la honte.

Paul Denis a donné à l’emprise une place centrale dans sa théorisation. Il reformule tout le problème de la pulsion comme une composition de forces, de « formants » : le formant d’emprise et le formant de satisfaction. Paul Denis rappelle lui aussi la place donnée à la musculature et à la vision.

Paul Denis considère dès lors que le Moi se développe en grande partie à partir du fonctionnement de l’appareil d’emprise. Le premier objet s’est construit simultanément en emprise et satisfaction ; la satisfaction hallucinatoire « efface » le formant d’emprise qui réapparait lors de la déception. Si le jeu reste souple, le plaisir de fonctionnement du Moi se développe. Lorsque l’objet extérieur se refuse, toute l’énergie se concentre sur l’emprise. L’objet n’est plus qu’objet d’emprise, faute de pouvoir être objet de satisfaction.

A l’opposé, Roger Dorey réfute la notion de pulsion d’emprise. Il préfère parler de relation d’emprise. «Dans la relation d’emprise, il s’agit toujours et très électivement d’une atteinte portée à l’autre en tant que sujet désirant (…), la visée étant de ramener l’autre à la fonction et au statut d’objet entièrement assimilable ».

L’emprise du pervers est une emprise séductrice, l’emprise de l’obsessionnel est emprise destructrice.

Contrairement à l’emprise, la maîtrise est une reconnaissance de l’Autre comme sujet désirant.il n’y a aucune action d’appropriation ou de destruction du désir de l’autre

Les auteurs kleiniens et post kleiniens n’utilisent pas, quant à eux, le terme « emprise » qu’ils remplacent plus volontiers par celui de « tyrannie ».

Lorsque l’entrée dans la position dépressive est vécue comme particulièrement menaçante en raison des vicissitudes dans la relation à l’objet primaire, des mécanismes de défense plus ou moins drastiques vont être mobilisés, en particulier l’identification projective .

Meltzer conçoit la tyrannie comme une défense contre les angoisses dépressives, agonistiques et inconscientes liées à l’absence d’un objet interne fiable et secourable. L’impossibilité dans ces cas de se laisser aller à une dépendance suffisamment sécure à l’objet est remplacée par une dépendance à une partie omnipotente du self. Le self est clivé en une partie toute puissante et une autre partie faite d’effroi, d’impuissance absolue et de détresse agonistique.

Meltzer envisage deux cas de figure pour caractériser le lien tyrannique : celle qu’il appelle le sado-masochisme et celle qu’il appelle la tyrannie-et-soumission.

Dans un cas comme dans l’autre la question de l’analité est centrale. Elle sera explicitée par Meltzer dans son concept de claustrum. Le moi va essayer de se protéger de ses angoisses et terreurs sans nom, en allant se réfugier, en partie, de manière claustrophobique à l’intérieur de l’objet interne maternel, dans le claustrum. Meltzer emploie le concept d’identification intrusive. C’est un mouvement de pénétration destructrice de l’objet qui aliène l’identité du sujet. La conséquence en est que le sujet est privé de certaines parties de son identité, il devient un faux self et développe différents symptômes tels que la grandiosité, l’ érotomanie, la violence mafieuse.

Liliane Dirkx, Isabelle Lafarge

15/06/2017