Pozar (le feu)

David Lynch, 2020

25/10/2020

Court métrage sélectionné par le Comité IPA dans la culture pour septembre 2020

Lu, vu, entendu

Delen op

Les croquis de David Lynch pour le court métrage “Fire (Pozar)” ont été animés par Noriko Miyakawa et mis en musique par le compositeur polono-américain Marek Zebrowski. Ce que nous voyons ressemble à la terre, avec ses champs, ses maisons et ses corps, mais ses emplacements ne sont localisés que par certains repères culturels, comme des scènes de théâtre, des dessins d’arbres et de maisons réalisés par des enfants, ou des bâtiments américano-européens. Une figure humanoïde avec une gueule grotesque allume une allumette qui brûle un trou à travers lequel une créature ressemblant à un ver se tortille. Dans ce film, les propriétés des choses et des corps sont fluides ; les surfaces ne deviennent des membranes qu’après avoir été imprégnées, la texture ne devient peau qu’après que la caméra/le regard ait pris sa distance. “Fire (Pozar)” semble être exactement ce que la plupart de ses commentateurs pensent qu’il est : catastrophique, apocalyptique, terrible, grave. La date de sa réédition en 2020 semble confirmer cette affirmation, maintenant que les véritables grands incendies (Australie, Californie, Arctique) commencent et que les dernières régions sauvages du monde sont consumées par l’avidité de la vilenie lynchienne (le capitalisme autoritaire de la fin du siècle), et que des enfants meurent partout après de courtes vies cauchemardesques pleines de violence, d’exploitation et de privation. Mais tout n’est peut-être pas perdu pour autant. Dans le film, des bras noirs s’étendent pour couvrir les yeux d’une tête d’enfant en pleurs. Les bras sont lisses, non granuleux comme dans le reste du film, et font référence, d’un point de vue stylistique, à la clarté de forme caractéristique de tant de films d’animations contemporains. Cet acte de soin est un don d’un certain style artistique, une sorte d’intervention créative qui, tout au long de sa courte histoire, a prôné la réanimation, la résurrection d’entre les morts, le réassemblage de corps écrasés ou démembrés. Si l’imagination créatrice ne garantit rien, surtout en ces temps sombres dont elle porte aussi la responsabilité, elle promet aussi tout. Plus d’informations ici

 

Sélectionné et commenté par Aranye Fradenburg Joy, Santa Barbara, Californie