Editorial : penser un fléau
Blandine Faoro-Kreit
« Métamorphose – réalisation », tel fut le titre du dernier éditorial de Jean-Paul Matot dans le numéro précédent de la revue. Voici deux mots qui, ainsi chevillés, interpellent. La métamorphose se présente étymologiquement comme la version grecque de transformation, qui suppose un changement de forme, de nature ou de structure. « Métamorphose de et dans la réalisation, réalisation de et dans la métamorphose » (p. 7). N’est-ce pas le propre de la psychanalyse que d’opérer de telles transformations ? N’est-ce pas aussi ce à quoi s’est attelé Jean-Paul Matot, avec grand succès, durant ces dix années de direction de la RBP ? Son vœu n’était-il pas que cette revue puisse nous transformer, auteur comme lecteur, dans cette exigence du penser, du traduire, du confronter, du créer pour s’approcher au plus près de notre essence même d’humain ? C’est cet héritage que je reçois et que je tenterai de poursuivre en prenant la direction de la revue. Position difficile que de reprendre ce flambeau tant l’exercice a été mené avec brio par Jean-Paul Matot et mes prédécesseurs. Je salue tout particulièrement Maurice Haber qui, il y a presque 40 ans, s’est lancé dans l’aventure de créer la Revue Belge de Psychanalyse. En m’inscrivant dans cette filiation, je désire poursuivre la transmission de la nécessité éthique du penser, écrire et partager. Plus que jamais, la situation pandémique que nous connaissons nous y invite. Toute personne, qu’elle le veuille ou non, s’est trouvée confrontée aux dangers, à l’insécurité, à l’atteinte de ses libertés, causés par l’irruption du Covid-19.Que peuvent en dire les psychanalystes dans la pratique de leur profession ? Les effractions externes du cadre, conséquences des précautions sanitaires obligatoires et nécessaires, atteignent autant le psychisme de l’analyste que celui du patient. Ce sont des éléments bruts qui attaquent la pensée et peuvent mener à des réactions de défense primaires, même si transitoires, chez l’un comme chez l’autre. […]