Notes de lecture

Alsteens, André

1990-04-01

Notes de lecture

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Cet ouvrage, paru dans une première édition dès 1987, s'accompagne d'un sous-titre qui situe d'emblée son propos : La séduction originaire.

Au terme d'un parcours embrassant bien des thèmes de la métapsychologie (Problématiques l à IV) et dans la foulée d'un dernier travail sur le transfert, dont nous avons rendu compte ici même (Rev. B. Psychanal., n° 14, p. 88), voici le temps de l'articulation (le mot est de l'auteur).

Laplanche y aborde la question des fondements de l'analyse et inspecte, dans un premier volet, diverses disciplines auxquelles l'analyse semble se référer : le biologique, le phylogénétique, le mécanicisme et la linguistique. Sans méconnaître la place de ces divers domaines, aussi bien aux confins qu'à l'intérieur du champ psychanalytique, l'auteur refuse d'y voir une relation de causalité, tant les concepts empruntés à ces disciplines subissent une mutation considérable une fois intégrés au sein de la théorie psychanalytique. L'occasion est bonne d'indiquer le danger, à ses yeux, de confondre les champs respectifs de la psychologie et de la psychanalyse. Davantage même, l'auteur manifeste ses craintes d'affadissement à trop parler de symbiose, d'interaction ou à trop vouloir faire coller les concepts analytiques sur le nourrisson observé. Dans cette même ligne, l'état "anobjectal" apparaît typique de la confusion dans laquelle on s'enlise. L'auteur réaffirme ainsi la spécificité de l'approche psychanalytique, qui tranche et s'isole "dans ce que nous dessinons comme un baquet" (p. 65), par rapport au champ des "intérêts" ; il épingle le danger de voir rabattre la sexualité sur l'auto-conservation, vidant ainsi de toute sa pertinence la découverte freudienne de la sexualité et de l'inconscient.

On peut ne pas partager toutes ses vues, voir autrement l'articulation du sexuel et de l'adaptatif ; ce texte n'en a pas moins le mérite de révéler certaines questions qui reviennent continuellement à l'esprit dans la cure, si l'on veille à ne pas réduire l'analyse.

La seconde partie propose, sur cet arrière-fond, de trouver dans la notion de séduction originaire le véritable fondement de la théorie psychanalytique. L'auteur décrit la situation singulière dans laquelle se trouve l'enfant face à l'adulte : tour à tour, Mead, Merleau-Ponty, Freud et Ferenczi mettent en relief ce que nous avons peut-être trop tendance à méconnaître. Laplanche propose de dépasser l'idée d'une séduction "restreinte", occasionnelle, ponctuelle, et d'en venir à une théorie généralisée où la séduction soit reconnue comme un "fait générateur majeur" en psychanalyse.

"Par le terme de séduction originaire, écrit Laplanche, nous qualifions donc cette situation fondamentale où l'adulte propose à l'enfant des signifiants non-verbaux aussi bien que verbaux, voire comportementaux, imprégnés de significations sexuelles inconscientes" (p. 125). L'auteur parle alors de signifiants énigmatiques, terme tout à fait capital pour indiquer à la fois l'éveil et le trouble de compréhension dans lesquels se trouve le jeune enfant.

Grâce à la situation analytique, "c'est la remise en jeu, en interrogation et en élaboration des messages énigmatiques de l'enfance" (p. 157) à laquelle on assiste. Sans toujours comprendre pleinement le discours de Laplanche, trop inféodé parfois à la terminologie freudienne, nous pensons trouver dans son intuition de base sur la séduction originaire une idée propice à rendre compte de ce qui se fait et se passe dans toute cure, et de ce qui en détermine la fécondité.

La dernière édition est augmentée d'un Index élaboré par Toubiana, preuve, s'il en est besoin, que cet ouvrage s'inscrit dans le cheminement de toute une pensée.