Notes de lecture

Van Lysebeth, Willy

1993-10-01

Notes de lecture

Partager sur

"Une fausse note de lecture"

Que faire ?

Voici un livre passionnant, rédigé par un homme dont l'oeuvre est digne du plus grand intérêt.

Donald Meltzer a une intuition clinique sensible, éclairée d'une intelligence innovatrice, audacieuse. Lire "Dream-Life" dès sa parution fut un plaisir ravivant le souvenir de rencontres stimulantes avec son auteur. Une note de lecture en témoigna dans notre revue (n° 7, automne 1985).

Aujourd'hui, il me faut présenter la traduction française de l'ouvrage. Et là, je suis incapable d'exprimer autre chose que la consternation ! Ce texte est illisible, bourré de contresens, confus. Je frémis à l'idée qu'il puisse être un premier contact avec la pensée de Meltzer.

Ce cri du coeur m'est d'autant plus douloureux que le texte français est édité par Césura, Maison dont je recommande les publications (en particulier : Athanassiou, Grinberg et Sandri).

Que faire ?

Alerter l'éditeur ? Bien sûr ! et c'est chose faite (par égards à l'auteur car je répugne à ces correspondances rectificatrices. Je ne me souviens pas avoir déjà écrit une telle lettre).

Prenons un exemple.

Dans le passage choisi, Meltzer étudie la formation de pensées dans l'éprouvé du rêve. Il ébauche une analyse tout à fait originale de l'expérience d'ensemble : "transfert-affect-sensation-figuration-pensée".

Relatant une série de quatre images de rêve d'un patient, il montre comment le contexte d'une séparation annoncée pour les congés de Pâques, l'histoire de la personne et la situation transférentielle du moment concourent au vécu du rêve et aux "formes" qu'il suscite. Meltzer souligne la convergence des éprouvés et de leurs évocations figurées. Il y aperçoit la genèse du symbole par les abstractions successives de l'expérience émotionnelle centrale que le rêve transforme.

Je cite le passage incriminé :

"Les premières caractéristiques frappantes, c'est que les quatre images oniriques semblent avoir une référence associative aux quatre domaines différents de la vie : La vie dans les bois et les études naturalistes, la religion et le mysticisme, la vie au foyer et la sexualité, les études et l'écriture créative. Ceci suggérerait à former des symboles pour représenter ce processus, c'est-à-dire les premiers dérivatifs. Nous pourrions même espérer que de telles séries, comme les quatre rêves de mon patient pourraient se prêter au discernement d'un second dérivatif, et nous conduire ainsi plus près du coeur du mystère tout en démontrant une partie de la signification essentielle de pareils concepts comme le "niveau d'abstraction" par des procédés non abstractionnistes" (pp. 100-101).

Comment comprendre ce charabia ?

En fait, le texte original n'est pas traduit dans son intégralité : il manque 44 lignes au beau milieu d'un paragraphe !

Cette omission (due je présume à une erreur de composition) ne peut cacher l'incompétence du traducteur. Dans son pataquès, la dérivée première se dit : "les premiers dérivatifs". Pourtant le contexte mentionne la pente d'une courbe, il est inadmissible de ne pas reconnaître la métaphore mathématique.

C'est d'autant plus dommageable à la compréhension de Meltzer que cette analogie illustre comment une forme sous-jacente à une série d'images peut représenter le mouvement même de la formation du sens. Elle permet ainsi d'appliquer en pratique la notion bionienne d'abstraction.

D'autres approximations émaillent la version française.

pourquoi traduire "congruence" par "conformité" ? C'est vide de sens. Or, le même terme existe en français avec la rigueur logique voulue par l'auteur ! Vous conviendrez aussi que, "rendre : "creative intercourse" par : "un échange créatif" affadit la pensée meltzérienne.

Je pourrais, hélas !, multiplier les exemples frisant le ridicule.

Renoncez à lire ce "Monde vivant du rêve" (en son état actuel).

Retournons à l'essentiel, "Dream-Life".