Notes de lecture

Gauthier, Jean-Marie

1989-04-01

Notes de lecture

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Ce troisième ouvrage fait suite à "Autisme et Psychose de l'enfant" (1977) et aux "Etats autistiques chez l'enfant" (1986). Dans ce livre, tout aussi passionnant que les deux précédents, Tustin approfondit et élargit sa compréhension de l'autisme infantile psychogène. Elle y confirme l'étiologie de cette forme d'autisme en rapport avec de sérieuses difficultés d'émergence de l'unité primitive mère-bébé. L'enfant devient trop précocement conscient de la séparation d'avec la mère ; la séparation est trop prématurée et de ce fait catastrophique, dans la mesure surtout où elle interrompt le sentiment de continuité de l'expérience du nourrisson qui constitue le noyau du self. Le bébé vit alors des fantasmes d'anéantissement, d'explosion, de vidage, de chute sans fin, de dissolution, avec le fantasme de "trou noir avec un méchant piquant" (cfr l'histoire de John publiée antérieurement). Le bébé lutte alors par des défenses autistiques (encapsulation) pour tenter de nier cette séparation catastrophique et se protéger du "non-moi", du monde extérieur. La déchirure primordiale nécessite un travail de rétablissement d'équilibre et une guérison progressive de la zone de rupture entre le bébé et sa mère, à travers un échange mutuel entre les deux partenaires. Fr. Tustin montre bien comment, tant le bébé que la mère, participent à cette guérison, dans une mutualité qui engendre l'illusion d'une continuité psychique entre eux, dans une sorte de gestion psychique qui prolonge la gestation physiologique. L'auteur étudie les nombreux facteurs, du côté de la mère comme du bébé, qui entravent le bon déroulement de cette gestation psychique (elle insiste beaucoup, entre autres, sur la dépression maternelle). Mais sans doute, faut-il soupçonner, à l'origine de l'autisme psychogène, la conjonction de plusieurs facteurs des deux côtés. Tustin reprend ensuite les notions d'objets et de formes autistiques dans une théorisation plus approfondie et encore plus convaincante que dans ses travaux antérieurs, notamment dans la perspective de leur dimension "autosensuelle" qui entrave la formation du symbole et de la pensée et ne permet pas les indispensables intégrations. Elle développe aussi sa théorie de l'image du corps et du développement du sens de l'identité, évoquant, elle aussi, la peau psychique, en nous expliquant remarquablement comment et pourquoi l'enfant autiste y échoue dramatiquement. Nous retrouvons ici d'autres auteurs et plus particulièrement Geneviève Haag. L'intérêt de ce travail redouble avec la seconde partie où Tustin étend l'application de ses recherches et découvertes au-delà de l'autisme : à la pathologie névrotique, perverse, psychopathique et psychosomatique de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte, à travers le concept de "barrières autistiques". En effet, l'auteur nous montre comment elle a pu constater que certains névrosés ont dans leur personnalité une part autistique qui risque d'entraver le travail psychanalytique. Le sous-titre du livre "Barrières autistiques chez les névrosés" mérite donc d'intéresser tout psychanalyste, dans la mesure où cette mise en évidence de "barrières autistiques" constitue incontestablement un outil de travail théorique et technique fort précieux. Tustin se penche en effet sur les mécanismes autistiques qu'elle retrouve chez ses patients névrotiques ou présentant des troubles psychopathologiques qui ne sont pas fondamentalement psychotiques. Je citerai, par exemple, certains troubles d'identité et de l'image du corps, certaines angoisses d'écoulement, de dissolution, de chutes sans fin qui ne sont pas si inhabituelles dans les pathologies non psychotiques. Tustin a judicieusement remplacé son terme initial d'enclaves autistiques par celui de barrières autistiques pour mieux en dégager les effets de blocage et d'entrave à certains aspects du développement psychique, et nous invite à tenter cliniquement et techniquement de les repérer et de les élaborer, ce qu'elle illustre à travers de nombreux exemples cliniques. A la fin du livre, quelques belles pages sont consacrées aux psychothérapies des autismes psychogènes et complètent remarquablement les considérations précédentes. Très séduit depuis longtemps par Tustin, je le suis encore plus par ce dernier ouvrage qui constitue un document remarquable pour tout