Notes de lecture

Godfrind, Jacqueline

1987-10-01

Notes de lecture

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Qu'on ne s'y trompe pas : ce n'est pas de "sexualité féminine" que l'auteur nous entretient, mais des "représentations concernant la féminité" aussi bien chez l'homme que chez la femme. J. Cosnier s'en explique dans son introduction : "J'ai choisi le fil conducteur de la féminité pour étudier les rapports entre théorie et pratique en psychanalyse, parce que la féminité étant explicitement désignée par Freud comme le continent noir de sa connaissance, est en même temps un moteur, du point de vue économique, de sa créativité". Ce "continent noir" est loin d'être exploré. La féminité, de par sa nature même, garde le poids de l'irreprésentable qui la désigne comme support des énigmes qui ne cessent de se poser à l'analyste. En cela elle est ferment d'ouverture et d'exploration.

Cette recherche va être appliquée d'abord à Freud lui-même : J. Cosnier s'interroge sur les rapports de Freud à l'image féminine. Pour ce faire, elle s'appuie sur les relations de Freud avec les femmes, sa jeune mère en particulier ; elle analyse certains de ses rêves, certains de ses articles pour tenter de démêler les avatars des représentations de la féminité ainsi que les identifications féminines de Freud.

L'auteur aborde ensuite le problème général de l'identification féminine. Elle élabore l'impact de la relation précoce à la mère. C'est ici que se nouent les "destins de la féminité déterminés plus précocement que la sexualité féminine". Le cas d'une jeune patiente souffrant d'une identification précoce aliénante à la mère illustre magistralement le drame de ce déterminisme précoce dans le destin de la féminité.

L'identification féminine ne va pas sans son corollaire : le masochisme féminin. A la suite de Freud (Le problème économique du masochisme), J. Cosnier le considère comme un fait humain général. Il lui paraît représenter un "compromis entre le désir de fusion effaçant la différence et le désir de séparation qui la radicaliserait". Il exprime la nostalgie d'une soumission précoce à l'objet dispensateur de plaisir mais aussi de déplaisir, moyen de conserver l'amour de cet objet. Le masochisme féminin rend compte de mouvements identificatoires qui sont en relation avec l'homosexualité féminine, elle-même ancrée dans l'homosexualité primaire.

On sait que Freud a considéré dans "Analyse terminée et analyse interminable" qu'un des rocs à l'analyse était le refus de la féminité. Aussi est-ce dans le fil des propos de J. Cosnier de s'interroger sur la réaction thérapeutive négative dans sa relation au refus de la féminité. Chapitre très dense qu'il est illusoire de tenter de résumer.

Notons encore le chapitre consacré à l'étude des composantes propres à la féminité impliquées dans le travail analytique. Les paramètres du travail analytique sont envisagés selon le référent choisi par l'auteur ; parmi eux je retiendrai : les composantes féminines qui interviennent dans le cadre et dans la fonction analytique, mais aussi des réflexions sur l'activité de pensée, ses origines, ses troubles, ses relations avec la sexualité infantile, la féminité en particulier.

Bien d'autres problèmes sont envisagés qu'il est impossible de relever exhaustivement. L'ouvrage de J. Cosnier est, en effet, extrêmement riche, aboutissement de la longue expérience analytique de son auteur. Livre de référence, livre érudit, il s'inscrit dans la tradition d'une exégèse éclairée des textes freudiens tout en intégrant l'apport de théories psychanalytiques actuelles. Les nombreux exemples cliniques finement analysés allègent une lecture rendue parfois ardue par la rigueur des références théoriques.