Notes de lecture

Watillon, Annette

1994-04-01

Notes de lecture

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L'auteur relate son expérience de thérapie de patients psychotiques par la mise en scène théâtrale. Patricia Attigui est psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle est à l'origine de la création, en milieu hospitalier, d'un atelier-théâtre : "La compagnie du Toucan Bleu", qui a réalisé sept spectacles depuis 1982.

L'auteur explicite longuement les présupposés théoriques sur lesquels elle a bâti sa thérapie par le jeu théâtral et nous donne un aperçu de ses résultats. Les patients pour lesquels cette thérapie a été productive étaient atteints de psychoses schizophréniques stabilisées, de psychoses périodiques maniaco-dépressives en dehors de situations de crise, ou bien étaient borderline.

Le but premier de cette démarche thérapeutique consiste à s'opposer à l'enfermement et à la chronicité psychotique. "En permettant une identification salvatrice, le théâtre aide en effet le sujet qui s'y livre à :

– changer en s'identifiant au personnage ;

– avoir le droit, par ce biais, de dire, et du même coup d'être aussi un substitut, un porte-parole ;

– remodeler sa constitution consciente et inconsciente ;

– changer de rêves".

Vaste programme, longuement détaillé par l'auteur, qui met l'accent sur l'identification et l'importance du jeu transféro-contre-transférentiel, ce qui n'est pas très caractéristique ! Patricia Attigui signale les difficultés de ce type de travail, sans pour autant nous montrer concrètement comment elle les résoud.

Les concepts théoriques sont principalement empruntés à Winnicott (le jeu et l'espace transitionnel), à O. Mannoni (concernant ses développements à propos du rire et de l'humour) et à Moreno (le psychodrame). L'argumentation théorique est bien menée, se lit facilement mais le tout témoigne, selon moi, d'une grande idéalisation des mérites de la thérapie par le jeu qui n'est pas tempérée par un apport suffisant en exemples cliniques et cas concrets. Au passage, certaines citations d'acteurs et d'auteurs de théâtre ne manquent pas d'intérêt.

Il me semble que l'auteur résume l'ensemble de sa pensée dans le passage suivant (page 141) : "Le jeu, dans son équivalence avec le transfert, semble permettre d'apercevoir qu'il est peut-être possible d'établir un lien entre les mots et les choses chez le psychotique. Par ailleurs, les perceptions ou les souvenirs, lorsqu'ils sont marqués d'irréalité, trouvent grâce à la fiction théâtrale un lieu, un statut, une reconnaissance qui produisent un ancrage du sujet. En prenant la parole sur scène, le psychotique se réapproprie un processus de pensée vivante. Il n'est plus le théâtre d'une action qui viserait à son anéantissement, il devient l'acteur qui désormais peut s'en défendre. Il possède des idées parce qu'il rentre en son corps. Cela ne peut avoir lieu que dans la mesure où le thérapeute est prêt à cet accompagnement. Il s'agit alors de traduire les pensées par l'action dramatique".