Notes de lecture

Alsteens, André

1994-04-01

Notes de lecture

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Mon collègue Léon VANECK avait indiqué ici même (Rev.B. Psychan., n° 16, pp. 96-100), l'intérêt de l'ouvrage même des Laufer sur Adolescence et rupture du développement, paru dès 1984, et accessible en français en 1989. Il aura fallu quelques années de plus pour que nous arrive ce nouveau texte datant dans son édition originale de 1989, et fruit d'un travail d'équipe.

En présentant neuf cas d'adolescents gravement perturbés, soignés à chaque fois par un analyste différent, cet ouvrage apporte des indications précieuses sur la manière dont des troubles sévères à la grande adolescence peuvent être susceptibles d'être modifiés grâce à une prise en charge intensive. "Sur la manière", disais-je, car tout l'intérêt de cette lecture est de nous fournir, à partir des matériels précis et variés, les modalités d'approche et de compréhension propres à ce groupe d'analystes londoniens. Ainsi, divers concepts-clés de leur théorisation, comme la "rupture du développement" ou le "fantasme masturbatoire central", trouvent leur concrétisation dans les données de chaque traitement. Ainsi aussi, la technique rigoureuse appliquée, proche de l'analyse classique, même s'il existe des aménagements que je trouve justifiés, apparaît-elle moins étrange aux familiers que nous sommes d'une approche moins intensive et parfois plus éclectique.

Je ne peux rendre compte dans le détail de la richesse des réflexions que suscite l'examen de ces divers cas cliniques. Plus d'une fois m'est apparue la beauté et la gravité du travail effectué avec des adolescents. Sans nier la difficulté du travail de contre-transfert, car comme le disent les auteurs : "II est fondamental d'aider l'analyste à se protéger contre la perte de sa conviction dans sa capacité à aider l'adolescent à changer pendant que l'adolescent peut devoir continuer à essayer de détruire le traitement ou lui-même". Ou encore "Ce n'est que dans la mesure où l'analyste est préparé à s'impliquer dans des zones où le conflit est le plus intense et où il suscite la plus grande angoisse, et où le risque est maximum, que l'adolescent peut commencer à espérer que ses conflits et sa douleur physique ne devront pas nécessairement rester niés, clivés et agis, ou refoulés".

Oui, ces divers récits de cas, établis avec franchise, m'ont tantôt passionné tantôt ému, mais surtout ils rendent sensible la détresse sous-jacente aux "grands" symptômes, tels la tentative de suicide, l'anorexie, la boulimie, l'addiction aux drogues, les comportements destructeurs, l'apathie, l'errance, et j'en passe. Un message d'espoir, en direction de la vie, de "leur" vie se donne ainsi à entendre, mais il n'est pas toujours certain de pouvoir l'être tant nos propres réactions, fussions-nous analystes, peuvent y faire obstacle !