Notes de lecture

Haber, Maurice

1986-10-01

Notes de lecture

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Tenter une compréhension du monde politique, social ou économique par application de l'outil psychanalytique est une sollicitation fréquente chez les analystes ; le résultat en est souvent décevant à quelques rares exceptions car l'élargissement du cadre naturel d'appréhension du fait analytique, introduit inéluctablement distorsions, déformations, simplifications, sous-évaluations de phénomènes groupaux, de phénomènes de sociétés, tant pour les infrastructures culturelles qu'économiques. R.E. MONEY-KYRLE, dans son essai, n'échappe pas aux limites du genre mais il était lucide sur les aléas de sa tentative.

Dans sa préface à l'édition originale publiée en 1951, l'auteur situe clairement le matériau dont s'inspire son travail : au lendemain de la seconde guerre mondiale, il fut membre d'une commission officielle chargée du recrutement de ceux qui occuperaient des postes-clés de l'Allemagne d 'après-guerre.

Pour l'essentiel, l'originalité de l'essai réside dans la distinction de deux concepts, ceux de conscience humaniste et de conscience autoritaire. R.E. MONEY-KYRLE va "travailler" ces deux concepts en tentant d'appréhender les fantasmes inconscients sous-jacents. Avant de commenter quelques aspects de la psychologie de la politique, l'auteur, dans une première partie assez longue, décrira en utilisant une langue appropriée à un public non spécialiste, des éléments essentiels du corpus théorique de la psychanalyse.

Il expose de manière privilégiée quelques points nodaux de la métapsychologie kleinienne. Malgré sa prudence, son souhait manifeste de ne pas simplifier les choses – ce qui rend par endroits la phrase lourde et la compréhension hésitante – le lecteur, par désir de clarté, sera tenté d'assimiler la conscience humaniste à la personnalité installée dans la position dépressive et la conscience autoritaire à la personnalité où prédominent les mécanismes schizo-paranoïdes.

Dans la seconde partie de l'ouvrage, l'auteur dans de trop brefs chapitres, compte tenu de l'intérêt des sujets abordés, décrit les rapports du groupe avec d'autres groupes, ceux du groupe avec l'individu : deux sous-chapitres stimuleront incontestablement le lecteur : le mouvement autoritaire en Allemagne et le mouvement humaniste en Angleterre. Sa conclusion qu'il développera dans la troisième partie de l'ouvrage, établit "l'évidence qu'il existe un lien de cause à effet entre deux types d'Etats et deux types de caractères" (p. 109).

R.E. MONEY-KYRLE fait oeuvre de pionnier et d'homme responsable en la période d'après-guerre, en tentant une approche analytique de "l'influence favorable ou défavorable de l'Etat sur le développement de la personnalité normale" et une "analyse des motivations politiques".

Comme nous le disions au début de cette note de lecture, ce sont dans ces chapitres si passionnants et stimulants qu'apparaissent les limites de ce genre de travail.

Avec beaucoup de patience et d'humilité, l'auteur énumère les difficultés de son analyse, son effet limité, l'aspect parcellaire de ses contributions.

En ces temps troublés, le mérite de R.E. MONEY-KYRLE et il n'est pas mince, est de nous rappeler qu'une telle tentative de psychanalyse appliquée peut "renforcer la conviction de ceux qui sont déjà humanistes et libéraux que leurs valeurs méritent d'être défendues" (p. 154).