Notes de lecture

Alsteens, André

1986-10-01

Notes de lecture

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Dans une rubrique récente (Rev. B. Psychanal., n° 6, pp. 113‑117), les premiers numéros de la revue Adolescence et la réédition des Oeuvres de Mâle m'avaient permis de parler, non sans raison, de l'actualité de l'adolescence. Ce nouvel ouvrage ne sera pas là pour le démentir.

Issus de deux journées organisées par le Centre de Formation et de Recherches Psychanalytiques, les divers textes qui le composent balisent trois champs de réflexion : psychanalytique, médico-pédagogique, historique et ethnographique.

L'adolescence est-elle "analysable ?" se demande Octave Mannoni. La réponse va porter essentiellement sur la distinction entre analyse et psychothérapie, la position souvent ambiguë du thérapeute qui fait partie du monde des adultes, l'importance, pour s'occuper d'adolescents, d'avoir assumé les avatars de sa propre adolescence. S'inspirant moins de Freud, peu disert, que de Winnicott avec les notions de jeu, d'espace transitionnel et la célèbre boutade que l'adolescent ne demande nullement à être "compris". De cet article assez déjeté, un certain malaise subsiste pour nous quant à la perplexité de l'A. à propos des identifications. S'il est vrai qu'il ne peut nous revenir de définir quelles celles-ci pourront être, la diversité de leur qualité "psychique" nous semblait, par contre, une chose relativement acquise. De même, s'il faut être prudent avant de qualifier certains états de pathologiques, la notion de "cassure", introduite par Laufer et reprise par Ladame, mérite davantage de considération.

Les comptes-rendus des tables rondes prolongent la réflexion ; on y apprend au passage que cette première journée était en réalité consacrée au rapport adolescence-psychose (p. 71). Un point de vue légitime mais particulier, qui domine également l'ouvrage sur la La psychiatrie de l'adolescence aujourd'hui : quels adolescents soigner et comment ?, PUF, 1986 (Voir L. Vaneck, Rev. B. Psychanal., n° 9, pp. 87‑93) et un autre, dont nous rendrons compte prochainement, Psychanalyse, adolescence et psychose, chez Payot.

Deux autres articles font le reste de l'ouvrage. Bernard Gibello développe quelques "considérations sur la psychopathologie de l'intelligence" avec la mise en évidence des syndromes de "dysharmonie cognitive" et de "retard d'organisation du raisonnement". Ce bref exposé, et moins encore les interventions qui le suivirent, ne pourront éclairer le lecteur sur l'intérêt de notions qu'il découvrira plus à l'aise dans L'enfance à l'intelligence troublée, éd. du Centurion (Voir L. Vaneck, Rev. B. Psychanal. n° 8, pp. 113‑116).

Jean Hébrard et Ariane Deluz apportent à leur tour un éclairage particulier, l'un à travers l'histoire de l'adolescence de deux autodidactes, l'autre à travers les rites de "passage" au monde des adultes dans des sociétés non occidentales. On retrouve dans la discussion l'importance du sens "préexistant" à l'adolescent et auquel celui-ci devra en quelque sorte "se soumettre s'il veut grandir", hélas sans que les intervenants distinguent toujours suffisamment ce qui séparerait la rigidité parentale ou scolaire effectivement destructrice et l'incontournable du réel culturel. Sur ce dernier point, il nous paraît que pourraient se transposer assez facilement certaines théorisations précieuses d'Aulagnier sur la "violence primaire " et le "discours identifiant" des autres, portant il est vrai dans ses écrits sur la situation de l'infans.

Un livre sur la crise de l'adolescence certes, ouvert à l'importance de ce que Blos appelait "la seconde chance", mais dont le propos décousu et trop accaparé, dans les discussions, par des préoccupations d'écoles nous laisse, il est vrai, sur notre faim. Ce rendez-vous manqué n'est-il pas, en définitive, révélateur de la difficulté de saisir en sa fécondité ce temps-charnière ?