Notes de lecture

Godfrind, Jacqueline

1985-10-01

Notes de lecture

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 A ceux qu'intéressent les origines de la vie mentale, l'ouvrage de Monique Pinol-Douriez apporte un outil de travail d'une qualité remarquable. Comme le titre l'explicite, il s'agit de suivre "l'émergence du symbole" durant la première année de la vie de l'enfant et ce au travers de "l'économie interactionnelle" qui se joue entre le bébé et son environnement, la mère tout spécialement.

L'auteur a su concilier une érudition qui met à la disposition du lecteur une documentation particulièrement riche et une pensée unificatrice qui intègre ce que ces données pourraient avoir de disparate. En effet, Monique Pinol-Douriez fait référence à des champs de recherche différents : connaissances psychophysiologiques, recherches expérimentales et cliniques (celles de E. Bates, T.B. Brazelton parmi tant d'autres), élaborations théoriques (dues à Piaget et Wallon pour ne citer qu’eux) etc,…, autant d'éclairages qui s'articulent et se complètent. L'unité de l'ouvrage est assurée, comme l'auteur elle-même nous le dit, par "l'affirmation de l'unicité de l'objet d'étude", le "sujet humain", référent central des méthodes d'approche proposées. Ajoutons que le modèle psychanalytique dynamise et homogénéise en filigrane les apports issus de méthodologies parfois éloignées.

Il n'est pas pensable de résumer ici un ouvrage dont l'originalité réside, notamment, dans la richesse des informations. Aussi me limiterai-je à en brosser la trame.

L'auteur retrace la naissance de la représentation indissociablement liée au fonctionnement de la dyade mère-enfant dans son rôle intégrateur du corps et de l'affect. Elle insiste sur la différence entre la représentation et le symbole. Dans ce processus de développement, elle met en évidence, à côté des qualités stimulantes de la mère ("bébé agi"), la part qui revient aux capacités intrinsèques du bébé ("bébé actif") : réactions programmées au départ mais ensuite possibilités d'intégration, de liaison, de structuration dont elle décrit, argumente, illustre et théorise admirablement la complexification progres­sive. Nous suivons à travers les feed-back permanents entre les apports du milieu et les conduites qui en assurent la maîtrise, la constitution des fonctions cognitives dans leur relation avec les paramètres sensoriels et affectifs de la personnalité. Ce cheminement conduit à la reconnaissance de l'altérité, la cons­truction du sujet et de l'objet signant l'avènement de l'activité sémiotique.

J'ai dit que la pensée analytique imprègne la réflexion qui nous est proposée. Mais les apports venus d'horizons divers sont là comme éléments d'ouverture indispensable à tout modèle qui refuse de se figer dans un immobilisme mortifère. Je laisserai à l'auteur le soin de conclure par une citation qui traduit l'esprit qui anime sa recherche : "… La confrontation de faits scientifiques différents, issus d'un même événement, permet, me semble-t-il, de relativiser les acquis de chaque méthode et s'ouvre, dans les meilleurs des cas, sur la construction de nouvelles hypothèses – explicatives ou heuristiques – suggérées par l'articulation de ces résultats (lorsque celle-ci est méthodologiquement pertinente)".