Notes de lecture

Delahaye, Baudouin

1985-10-01

Notes de lecture

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Ce livre constitue un recueil des exposés de cinq psychanalystes venant d'horizons bien différents au Centre de Formation et de Recherches Psychanalytiques dirigé par Maud Mannoni à Paris, ainsi que les discussions qui ont suivi les exposés.

Octave Mannoni, dans son texte, Un Mallarmé pour les Analystes, écrit en gros caractères ce que beaucoup n'oseraient griffonner, étant donné l'air du temps : la psychanalyse a autant à attendre de la linguistique que de la neurologie, c'est-à-dire rien. La psychanalyse commence là où la linguistique s'arrête ; le mot n'est pas la même chose pour le linguiste, le poète, l'enfant ou le psychanalyste ; le langage n'est pas que sens, il est aussi non-sens, comme le montre le langage enfantin et… Mallarmé.

Julia Kristeva propose une étude de psychanalyse appliquée, De l’identification, Freud, Baudelaire, Stendhal. En partant de l'Einfühlung freudien défini par l'auteur comme identification avec un "objet" métaphorique, elle analyse certains aspects du poète en contraste avec ceux du prosateur, et plaide pour une réhabilitation de l'imaginaire dans la cure.

Edmond Ortigues (auteur de l'"Oedipe Africain" en 1966), philosophe et ethnologue, compare dans son exposé, Les repères identificatoires dans la formation de la pensée, la notion freudienne d'identification avec celle anthropologique de repères identificatoires. La double entrée, ainsi définie, intéressera particulièrement ceux qui sont ouverts à la systématique familiale.

L'observation des nourrissons confirme pour Geneviève Haag dans son article Réflexions sur les premiers niveaux d’identification, l'hypothèse d'Esther Bick (cf. E. Bick, La peau comme premier contenant, Rev. B. Psychanal., 1982, 1, 73-76) sur le besoin d'un "objet contenant" tant dans les états de non-intégration du premier âge que dans la clinique de l'autisme. On connaît l'originalité des travaux de G. Haag qui rejoignent ceux de F. Tustin et de D. Meltzer et qui constituent une nouvelle et riche approche de la clinique infantile et de la psychose. Un récent numéro de Topique (numéro 35-36, Voies d'entrée de la psychose) est entièrement consacré à ce sujet et constitue, à ce titre, une remarquable introduction et un ouvrage de référence pour qui s'intéresse à l’autisme et, de manière plus générale, au développement normal de la pensée. L'étude de l'autisme nous amène à revoir fondamentalement la génétique freudienne.

Dans La métaphore de l'acte interprétatif, dernier exposé de ce recueil, Monique Schneider se fait l'interprète de l'interprétation freudienne (à propos du Freud de la Traumdeutung), rejoignant ainsi la cohorte de ceux qui, aujourd'hui, se proposent de percer le secret de Freud. Si ces hypothèses ne sont pas dépourvues d'intérêt et permettent d'éclairer le cheminement personnel du père fondateur auquel nous cherchons peu ou prou à nous identifier, il n'en reste pas moins qu'il plane sur de tels travaux un certain malaise, celui de cette curiosité particulière des psychanalystes commentateurs de Freud, rationalisation de cette autre curiosité qui cherche à tous prix le sens de ce qui a bien pu se passer dans la chambre des parents. L'acharnement mis ces dernières années à dépecer le corps de l'oeuvre de Freud, la manière d'analyser Freud comme un patient, sinon avec délectation comme son propre patient, peut laisser perplexe. A chacun son Freud ! Ainsi se constitue une herméneutique freudienne, ou plus exactement des herméneutiques freudiennes où chacun projette son propre fantasme de la scène primitive. Cette identification à Freud mène d'ailleurs au désir de partager son immortalité et notamment quand Monique Schneider écrit : "Avant que Freud ne fût, je suis".