Notes de lecture

Godfrind, Jacqueline

2002-10-01

Notes de lecture

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Danielle Quinodoz précise dès l'abord les objectifs de son ouvrage : il est destiné aux analystes en formation, aux psychothérapeutes analytiques, voire à sensibiliser un public non analyste à l'analyse ; l'expérience qu'elle souhaite partager se fonde sur un long passé de travail analytique essentiellement constitué d'analyses sur divan à quatre séances par semaine. Le livre, simple d'accès et agréable à lire, intéressera en effet tout particulièrement les "jeunes analystes" soucieux de rencontrer une analyste au travail, ses interrogations contre-transférentielles, ses tentatives élaboratives. Mais je pense qu'il intéressera également tout analyste en ce qu'il incite à une réflexion sur sa propre clinique.

C'est en effet à partir de sa clinique, généreusement illustrée par des vignettes cliniques, que D. Quinodoz élabore une théorisation qui a le grand mérite d'être personnelle. Ainsi d'une idée centrale intéressante : à l'appellation "états limites", terminologie aujourd'hui consacrée mais ambiguë (de quelles limites s'agit-il ?), l'auteur préfère celle de "patients hétérogènes", façon de rendre compte de la coexistence de registres de fonctionnement différents au sein de toute organisation psychique. Un but essentiel de l'analyse se formule alors en termes d'intégration de ces différentes modalités de fonctionnement psychique, des plus évolués aux plus archaïques, des plus symbolisés aux moins symbolisés. L'accent est également mis sur la compatibilité ou au contraire l'incompatibilité de ces modes de fonctionnement, introduisant ainsi d'intéressants développements sur le clivage. Ce mécanisme concerne notamment les "parties folles" auxquelles l'auteur accorde une attention toute particulière, tant chez l'analysant que chez l'analyste.

Pour D. Quinodoz, l'analyse est bien "cure de parole" : elle a choisi pour fil rouge de sa réflexion la façon d'utiliser les mots pour contribuer à l'intégration de l'hétérogène, interrogation sur la formulation ou le style de l'interprétation pourrait-on également dire. L'auteur questionne comment les mots utilisés par l'analyste sont susceptibles de "toucher" l'analysant, favorisant ainsi le travail d'intégration et de symbolisation attendu de l'analyse. Cette adéquation requiert une réceptivité et une sensibilité contre-transférentielles de l'analyste telles qu'elles insufflent aux mots affect et corps ; elle implique la rencontre aussi bien avec les parties folles, régressives, infantiles de l'analysant qu'avec ses registres les plus évolués. Notons encore un excellent chapitre consacré à cerner le concept d'identification projective ainsi qu'à son utilisation dans la cure.