Notes de lecture

Godfrind, Jacqueline

2000-10-01

Notes de lecture

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Le livre de Bernard Penot, construit à partir de son rapport présenté au Congrès des psychanalystes de langue française en I998 à Paris (in Revue française de psychanalyse, 1999 n° 5), « La passion du sujet, entre pulsionnalité et signifiance », interroge une problématique cruciale dans la clinique d’aujourd’hui, celle de la subjectivation dont les troubles se font de plus en plus fréquents. Pour développer son propos, l’auteur s’appuie sur une théorisation qui allie les apports freudiens et lacaniens ainsi que sur sa riche expérience clinique des adolescents.

Bernard Penot connaît bien l’oeuvre de Lacan et la pertinence de sa contribution dans le domaine qu’il explore, celui de la constitution du sujet dans son rapport à « l’autre de la pulsion ». Cependant, il reste profondément freudien : son mérite est d’intégrer à la théorie freudienne de la pulsion ce qu’il choisit de retenir comme heuristique dans l’approche lacanienne, postulant dès lors une « conjonction de l’énergie pulsionnelle et de la signifiance » ; et B. Penot d’exprimer qu’il « place le surgissement du(dit) sujet entre le réel de la pulsion, d’une part, et la charge symbolique des réactions (messages) de la mère ». Dans cette optique, B. Penot accorde toute la place qui lui revient à la symbolisation au point, d’ailleurs, qu’on peut se poser la question de savoir ce qui différencie subjectivation et symbolisation. Ainsi en est-il quant il pose la « répétition agie » comme « agent pulsionnel en défaut de subjectivation » du fait d’un rapport signifiant défectueux au départ.

Et la signifiance, c’est dans la rencontre avec l’objet qu’elle trouve son ancrage. Aussi B. Penot insiste-t-il sur la place des « transactions pulsionnelles avec la mère et des réponses de celles-ci », signant par là l’importance qu’il accorde à l’investissement parental, position qui, au-delà du vocabulaire utilisé, n’est pas sans en rappeler d’autres, celles qui, par exemple, concerne la fonction transformatrice de la « rêverie maternelle » de Bion ou l’objet transformationnel de Bollas…

Encore faut-il que cet investissement puisse contribuer à la « subjectivation ». Pour se pencher sur les interrogations que pose ce moment fondateur du sujet, B. Penot introduit un développement original autour du concept de passivation. Il subordonne la subjectivation à la passivation, état de réceptivité qui permet l’introjection du retour pulsionnel sur le sujet, bouclant ainsi le « circuit pulsionnel générateur de la fonction sujet ».

B. Penot est de ceux qui pensent que l’adolescence, davantage encore quand elle est problématique, exacerbe une symptomatologie représentative des troubles de subjectivation par ailleurs caractéristique des « adultes limites ». Aussi illustre-t-il son propos de nombreuses « histoires de cas » puisées dans son travail de médecin directeur du CEREP Montsouris, partageant généreusement avec le lecteur l’élaboration du travail d’équipe entrepris avec des adolescents dans le contexte institutionnel dont il assume la direction. Il complète ces considérations sur le travail analytique de subjectivation par la référence à des cures individuelles.

L’ouvrage de B. Penot ne m’a pas seulement intéressée par ses apports théoriques et cliniques mais également par les interrogations qu’il pose indirectement sur les modèles conceptuels que chacun se construit pour soutenir sa clinique. A sa lecture, j’ai ressenti pour ma part une impression de proximité quant aux hypothèses sur le fonctionnement mental et sa genèse avec celles auxquelles j’adhère personnellement. Pourtant, B. Penot se réfère essentiellement aux théories de Lacan (qu’il traduit en termes compréhensibles pour la profane que je suis, notons le au passage)… Au-delà de cette impression de familiarité, les formulations lacaniennes ont néanmoins le mérite d'apporter un certain décentrage par rapport à des conventions conceptuelles, décentrage qui n’est pas sans ouvrir la voie à des éclairages nouveaux sur la manière d’appréhender une clinique dont l’exploration n’est qu’à ses débuts. En cela l’ouvrage de B. Penot apporte une utile contribution.