Notes de lecture

Vaneck, Léon

1997-10-01

Notes de lecture

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Ce nouvel ouvrage de M. Hanus, écrit en collaboration avec B.M. Sourkes, psychologue clinicienne à l'hôpital pour enfants de Montréal et professeur assistante à l'Université Mc Call, complète ses travaux antérieurs. En effet, psychiatre et psychanalyste, président de la Société de Thanatologie et de l'association "Vivre son deuil", le professeur M. Hanus s'intéresse de longue date à la problématique du deuil et des personnes endeuillées.

Dans un travail antérieur publié dans cette revue en 1995 (n° 26), "Quel deuil pour l'enfant confronté à la mort brusque ou violente d'un parent ?" j'avais, dans une première partie, commenté plusieurs travaux de M. Hanus et en particulier "Les deuils dans la vie. Deuils et séparations chez l'adulte et chez l'enfant", paru en 1994 aux Ed. Maloine, ainsi que son article sur le deuil publié aussi en 1994 dans une Monographie de la Revue Française de Psychanalyse.

Ce nouveau livre est un travail très consistant, qui reprend et élabore plus en détails différents axes de réflexion répartis en dix chapitres qui abordent chacun une perspective spécifique.

B.M. Sourkes s'est chargée de deux chapitres importants.

Dans le chapitre 4, "Le processus de deuil", B.M. Sourkes nous rappelle que les enfants endeuillés doivent faire face à des défis psychiques démesurés mettant extrêmement à l'épreuve leur capacité d'adaptation, leur résilience. Elle pense que l'art peut être un outil important pouvant aider l'enfant à s'exprimer et surmonter des épreuves complexes. Ce très intéressant chapitre est essentiellement constitué de nombreux dessins d'enfants endeuillés, "Portraits de chagrin" classés par thèmes et illustrant les aspects multiples du vécu de ces enfants, ayant tous subi la perte d'un parent ou d'un(e) frère/soeur à la suite d'une maladie de longue durée. Les analystes et thérapeutes d'enfants, habitués aux dessins dans leurs traitements, seront particulièrement intéressés par l'utilisation du mandala, un dessin ou motif de caractère symbolique en forme de cercle, qui tire son origine des religions orientales et dont Jung croyait qu'il reflétait l'état du moi. Le mandala est utilisé actuellement en thérapie de l'art et l'auteur nous en explique les différents aspects. Cela nous évoque, bien évidemment la notion d'"objeu" chère à René Roussillon…

Le chapitre 5 s'intitule "L'intégration du deuil. Portraits du chagrin. Conseils pour les autres enfants endeuillés" et il illustre, dessins à l'appui, comment l'enfant endeuillé doit rétablir une structure résistante dans l'espace et le temps lui permettant d'intégrer ses souvenirs au décours de ce que l'auteur appelle le processus de restructuration qui permet de convertir une présence en une absence, le vécu actuel en un souvenir.

Je serai plus bref à propos des autres chapitres, écrits, eux par M. Hanus, dont nous connaissons déjà la pensée à travers ses différents travaux antérieurs, que j'ai rappelés ci-dessus.

J'ai beaucoup apprécié les deux chapitres fondamentaux (2 et 3), consacrés respectivement à "L'enfant et la mort" et "Les enfants en deuil" ; ils me paraissent constituer l'essentiel des réflexions de l'auteur sur les deux axes principaux de ses élaborations métapsychologiques. Je ne peux qu'inviter le lecteur à lire attentivement ces chapitres clés, denses et difficilement résumables.

Dans les chapitres ultérieurs qui suivent les deux écrits par B.M. Sourkes, M. Hanus aborde des questions plus spécifiques.

Le chapitre 6, consacré aux "Adolescents en deuil", est la reprise d'un travail paru dans le n° 26 de la revue Adolescence en 1995. Cette seconde lecture ne m'a pas déçu, bien au contraire. Après quelques vignettes cliniques, l'auteur nous communique des réflexions et interrogations pertinentes ; en effet, nous dit-il, l'étude du travail de deuil dans le cours de l'adolescence peut être abordé dans deux perspectives complémentaires à l'évidence : celle des particularités de ce travail durant cette période et celle des influences de cette situation de deuil sur l'évolution de l'adolescence. Les titres de ses deux paragraphes sont clairs à ce sujet : "le travail de deuil au cours de l'adolescence" d'une part et d'autre part, "l'adolescence est-elle un travail de deuil ?".

Le chapitre 7 aborde la question toujours problématique et particulière des enfants de remplacement, avec tout ce qu'il peut représenter dans le deuil que les parents n'arrivent pas à envisager ou qu'ils redoutent insupportable. Sa spécificité est la transmission voilée à un descendant de la charge de ce travail de deuil ineffectué.

J'ai particulièrement apprécié le chapitre 8 consacré aux enfants dont un parent s'est suicidé, ce thème dramatique que j'avais personnellement abordé dans mon article de 1995. M. Hanus y reprend certaines études sur "Deuil et suicide", il part ensuite à la recherche des significations du suicide : acte et agir, violence sur soi comme sur les autres, mystère, message et sacrifice. Il réfléchit aussi sur la dimension traumatique du deuil après suicide et en particulier sur les enfants endeuillés par suicide, leur culpabilité, leur besoin de vérité, l'aide toute particulière à leur apporter, en famille bien évidemment, mais extérieure spécialisée souvent indispensable.

Ces considérations conduisent l'auteur à consacrer le chapitre 9 à "Aider les enfants en deuil", chapitre qui mérite toute notre attention, tant celle des professionnels de l'enfance que celle des familles. Et dans ce sens, ce chapitre, voire tout cet ouvrage, peut constituer un outil très précieux pour le grand public.

Ce très intéressant travail de M. Hanus, qui enrichit remarquablement ses publications antérieures, se termine par un chapitre intitulé "Nouvelles ouvertures" où l'auteur lance dix-huit propositions et aphorismes qui se veulent le résumé et le rappel des points essentiels abordés et dégagés dans ce travail, à la fois sur le plan théorique et sur le plan pratique.

Aborder cet ouvrage par la lecture de ce dernier chapitre constituerait une façon originale pour le lecteur hésitant de lui donner l'envie de lire l'ensemble de ce travail, il en vaut vraiment la peine.