Notes de lecture

Vaneck, Léon

1997-04-01

Notes de lecture

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Alain Prochiantz, directeur de recherche au Centre national français de la recherche scientifique dirige, à l'Ecole Normale Supérieure, le Laboratoire du développement et évolution du système nerveux.

Il a publié aux PUF en 1988 "Les stratégies de l'embryon" et en 1990 "Claude Bernard, la révolution physiologique".

J'avais particulièrement apprécié "La construction du cerveau" (Hachette 1993), ouvrage clairement accessible aux non initiés que sont les "psy" ; en quelques chapitres, l'auteur nous introduit au coeur de ses préoccupations : "Qu'est-ce qu'un cerveau", "Vers une génétique du développement cérébral", "Du langage cellulaire à la création de nouvelles espèces", et "Incidences philosophiques et politiques". Notons en 1995, aux Editions Edile Jacob "La biologie dans le boudoir". Alain Prochiantz par ailleurs est un homme d'ouverture ; ainsi par exemple a-t-il participé récemment à un débat télévisé avec notamment André Green.

Avec "Les anatomies de la pensée. A quoi pensent les calamars ?", Alain Prochiantz se propose de transmettre le plus clairement possible les informations scientifiques récentes sur la biologie du développement et de les placer dans le cadre historique de l'invention de la physiologie, en se référant beaucoup notamment à Claude Bernard. Un second objectif de l'auteur est de montrer comment la découverte de certains mécanismes permet d'établir un lien entre développement et évolution, s'appuyant pour ce faire sur la diversité des espèces, du mollusque à l'Homo sapiens. Il va développer là la thèse de l'unification par la génétique du développement des domaines de l'embryologie expérimentale et de l'évolutionnisme, thèse certes aujourd'hui acquise mais qui, pense l'auteur, ne l'est pas toujours dans toutes ses dimensions : théorique, pratique et philosophique. Son troisième objectif est de réexaminer, sans polémiquer, la fameuse question de la pensée qui est devenue un objet d'étude de la neurobiologie ; à ce titre, je pense que cela concerne aussi le "psy" ! Je le cite : "En effet, j'ai déplacé la question en définissant très largement la pensée comme rapport adaptatif que les organismes entretiennent avec leur milieu. Ce déplacement m'a amené à confirmer la proposition que ce sont les corps qui pensent, même si, la pensée étant un rapport entre le vivant et son milieu, on ne saurait lui attribuer une place précise dans l'espace du seul corps. On comprendra que s'il n'y a pas de corps sans pensée, l'évolution des espèces ne peut que donner naissance à une histoire naturelle de la pensée. C'est dans le cadre d'une telle histoire que je me suis plus à revisiter la notion d'individu et surtout d'individuation. J'ai tâché de montrer comment certaines stratégies de développement ont permis, à partir d'une pensée à l'origine purement clonale, génétique et réflexe, d'évoluer vers une adaptation fondée sur l'individuation, c'est-à-dire sur la capacité d'inscrire dans une structure biologique les leçons de l'histoire individuelle et culturelle. Cette histoire de l'individu est celle du jeu entre les multiples anatomies de la pensée, ces représentations homuncilaires ont pris asile, on le verra, dans notre génome, notre corps et notre cerveau".

Je me contente de signaler que les cinq premiers chapitres, fort intéressants par ailleurs réabordent, dans toute leur complexité, les perspectives embryologiques, développementales et génétiques.

Le chapitre VI, "L'oeuf et le cerveau", ainsi que les trois suivants, reprennent dans les grandes lignes les différentes étapes du développement du système nerveux. Quelques idées maîtresses sont à souligner. Ainsi faut-il moduler et corriger l'idée d'une contrainte génétique stricte dans la mesure où entre dans le fonctionnement du système nerveux une part d'adaptation aux mondes extérieurs et intérieurs. Ainsi aussi la notion que, même chez l'adulte, le fonctionnement continue de modifier la structure physique du système nerveux, provoquant des changements morphologiques très importants des réseaux ; ce phénomène, qui est une des bases de notre capacité à apprendre à nous adapter, est rendu possible par l'immaturité prolongée du système nerveux central, la permanence en certaines de ses régions d'un état embryonnaire, en un mot sa "néoténie".

Je mentionne aussi dans la description des caractéristiques du cortex (son organisation en six couches, sa constitution en zones très spécialisées) l'interrogation de Prochiantz qui se demande quelle est la part du monde extérieur ou intérieur dans la construction de ce qu'on peut appeler, à l'image du corps, les différents "organes du cerveau".

Il est intéressant de noter que l'auteur se réfère à d'autres neuro-biologistes célèbres, tels que J.P. Changeux ("L'homme neuronal, Paris, Fayard, 1984) et J.D. Vincent ("Biologie des passions", Paris, Odile Jacob, 1986, réédité Coll. "Opus" 1994 et "La chair et le diable", op.cit.), travaux que je recommande aussi vivement au lecteur.

Les chapitres VII et VIII reprennent plus en détail certaines de ces étapes de la construction du cerveau : l'auteur en a choisi trois qui, d'une façon ou d'une autre, dit-il, sont liées à la lecture d'une information de position, concept qui n'est pas sans liens avec les propriétés des gènes du développement (évoqués dans les premiers chapitre), en particulier les homéogènes. Il aborde donc "L'induction neurale" (chapitre VI), puis "La ballade des neurones" (chapitre VIII) ; "la leçon toute provisoire, nous dit-il à tirer de ces chapitres semble donc que, sur fond de déterminisme génétique, il y a place pendant une période strictement définie dans le temps pour de l'adaptation et de la régulation, voire pour la respécification des destins".

Le chapitre IX, humoristiquement intitulé "A la recherche de l'âme soeur" étudie les formations des circuits neuronaux physiologiquement normaux, ce qui implique deux mécanismes : l'un de croissance dirigée – de guidage – et l'autre de reconnaissance des cibles, concevable en terme d'arrêt de croissance des fibres nerveuses. Mobilisé par la polarité cellulaire, c'est tout le travail des neurones qui est abordé ici, avec ses deux types de prolongement, les axones et les dendrites ; dans ce processus de croissance et surtout de guidage, est souligné le rôle capital de la structure fondamentale qui est le cône de croissance, véritable tête chercheuse à l'extrémité de l'axone, destiné à la reconnaissance des territoires cibles ; c'est la capacité qu'ont ces cônes de croissance, en fonction de leurs origines géographiques d'innerver tel ou tel domaine du système nerveux en développement.

Nous en revenons ainsi au rôle joué par les gènes du développement dans la topographie du système nerveux. A partir de la découverte de certains gènes (HOX) et de leur similarité avec les gènes HOM de drosophile (d'où l'intitulé du chapitre X "Le cerveau drosophile") et à travers un long développement assez technique, l'auteur se montre assez convaincu qu'on découvrira bientôt que les gènes du développement sont responsables de la plasticité adulte et qu'ainsi s'ouvrira une nouvelle ère non seulement dans notre compréhension des phénomènes de mémorisation mais également, dans notre approche de nombre de maladies liées au vieillissement normal ou pathologique du système nerveux.

Alain Prochiantz en arrive à penser : "C'est la raison pour laquelle il est probable qu'on s'acheminera assez rapidement vers une conception physiologique de l'homéostasie génétique. C'est-à-dire vers l'idée selon laquelle des dérégulations, même faibles, du taux d'expression de ces facteurs de développement pourraient se trouver à l'origine de bien des maladies du système nerveux, comme de son vieillissement. On dira alors que la génétique a réinvesti la physiologie. Et si c'était justement le contraire ?".

"A quoi pensent les calamars ?", chapitre XI constitue incontestablement une pièce maîtresse de la pensée de l'auteur. Je préfère le citer à plusieurs reprises car je me sens parfaitement incapable de résumer ses idées fondamentales : "Observons un calamar face à un prédateur : mouvement de recul, agitation des tentacules, jet d'encre, mise à profit des quelques secondes ainsi données par l'aveuglement pour une fuite éperdue et à la recherche d'une cache. Très franchement, ne dirait-on pas qu'il pense ? Evidemment, nous savons bien que ce comportement n'est pas le résultat d'une réflexion déclenchée par la vision du signal ennemi. Le mollusque n'a pas conscience de ses actes, du moins au sens où nous, les êtres humains, entendons ce terme. Il reste que nous sommes un produit de l'évolution des espèces et que – cela peut ne pas plaire, mais c'est ainsi – nous partageons un ancêtre commun avec le poulpe ou encore la mouche. Même si la structure de notre cortex et l'invention du langage permettent que ce soit nous qui écrivions sur les poulpes (ou les mouches) et non l'inverse, il ressort de ces parentés évolutives que les autres espèces animales, y compris les invertébrés, ont quelque chose à nous apprendre sur la nature de notre pensée".

Outre cette citation de l'auteur, permettez-moi aussi de mentionner une intéressante note de bas de page, à propos de la conscience. A propos du comportement du calamar, il nous dit : "Evidemment, nous savons bien que ce comportement n'est pas le résultat d'une réflexion déclenchée par la vision du signal ennemi et que l'animal n'a pas conscience de ce qu'il fait, qu'il n'y réfléchit pas, ou, si l'on préfère, qu'il en a une conscience de calamar, assez éloignée de ce que nous, humains, appelons conscience". En note, je lis : "De même que certains croient que pour compter, il faut savoir que l'on compte (voir mon commentaire dans le chapitre IV), d'autres sont persuadés que pour penser, il faut avoir conscience que l'on pense. Ceux-ci avancent alors : mais à quoi sert d'avoir conscience ? Puisque les neurones font des opérations, ils pourraient aussi bien les faire sans que le sujet le sache. Pour une part, qu'ils se rassurent, nombre de nos pensées sont d'instinct, comme celles des calamar. Pour une autre, qu'ils réalisent que le cerveau se construisant dans un rapport au monde, et, pour ce qui est des êtes doués du langage, dans un rapport aux autres, il faut bien que la conscience de soi naisse de cette confrontation. Sinon, nous ne serions même pas des calamars, seulement ces machines imbéciles qu'on voudrait nous faire prendre pour des modèles de cerveau".

Après une assez longue discussion technique, l'auteur propose plusieurs enseignements essentiels :

"-premièrement, le patron général du système nerveux central est établi très tôt par l'expression des gènes de développement, dès la formation de la plaque neurale, c'est-à-dire au moment de l'induction neurale.

-deuxièmement, dans la définition morphologique des grandes structures, une certaine plasticité est permise jusqu'à des stades relativement avancés.

-troisièmement, sur la base d'un patron génétiquement déterminé et caractéristique de l'espèce, le raffinement des cartes cérébrales est lié à l'activité physiologique, c'est-à-dire aux interactions entre l'organisme et son milieu : il constitue donc une adaptation à ce milieu. Pour une très large part, cette dernière plasticité, qu'on dira tardive, s'exerce au niveau de la formation des connexions, c'est-à-dire de la croissance directionnelle des fibres nerveuses et de l'établissement des contacts interneuronaux. Elle fait intervenir l'activité électrophysiologique et donc la libération des neuromédiateurs, mais nécessite également d'autres facteurs, de nature protéique, en particulier des facteurs de croissance. Une implication importante des gènes de développement, en particulier ceux dont l'expression est maintenue aux stades tardifs de la maturation du système nerveux, voire chez l'adulte, nous paraît une hypothèse plausible sur la base des expériences discutées dans le chapitre précédent. Si cette plasticité morphologique de la cellule nerveuse constitue une des modalités de l'adaptation au monde, il est important de constater que la forme des neurones peut changer même chez les vertébrés adultes".

Et plus loin : "c'est en reliant ces observations à la construction, mais aussi à la modification des réseaux neuronaux constitutifs des homonculus cérébraux, que j'ai pu avancer, dans "La biologie dans le boudoir", qu'on ne pense pas seulement avec son cerveau mais aussi avec son corps, et que, pour un pianiste ou un danseur, la main ou le pied participent de la pensée dans la mesure où l'activité sensorielle au niveau de ces organes, supérieure à ce qu'elle est chez d'autres individus, peut conduire à leur sur-représentation cérébrale au niveau sensoriel et moteur"… "Si le cerveau secrète la pensée comme le foie secrète la bile, c'est aussi parce que la pensée comprise comme l'ensemble de nos interactions avec le monde, secrète, à sa façon, le cerveau".

Revenant aux mollusques, A. Prochiantz nous propose en conclusion : "La façon dont le poulpe interagit avec son environnement, ainsi que je l'ai illustré par la chaîne d'événements induits par la vue d'un prédateur, est évidemment innée. On dira donc qu'il a une pensée innée ou une connaissance innée du bien et du mal, de l'amical ou du dangereux. Cette connaissance, fruit de la sélection naturelle, est liée à une organisation neuronale, fût-elle purement sensori-motrice. La forme des circuits neuronaux – trajets axonaux et synapses – permettant la reconnaissance d'une forme et la mise en route d'un programme comportemental est donc essentiellement génétique, marquée par l'appartenance à l'espèce ; mais elle reste une forme de connaissance, d'intelligence animale, une mémoire de l'évolution. Les gènes de développement jouent leur rôle dans la construction, à chaque génération, des copies à l'identique de cette mémoire de l'espèce. Même si une certaine plasticité peut amener le poulpe, comme d'autres invertébrés – le nématode ou la drosophile – à apprendre, on peut dire qu'il y a peu de place pour l'individuation dans la construction de ces organismes. Il en va à la fois de même et tout différemment des vertébrés. Il serait idiot de nier la part génétique de la construction du cerveau humain : ce serait nier l'appartenance à l'espèce et la mémoire évolutive. On aura beau faire, on ne fera pas naître un chimpanzé d'un oeuf humain, sauf à être capable, justement, d'intervenir sur cette part génétique, sur cette mémoire de l'évolution. Mais dans cette "corbeille génétique", on trouve aussi ces stratégies de développement marquées par un ralentissement du développement et une plasticité accrue du système nerveux qui introduisent une dimension individuelle dans l'adaptation. L'individuation est un long apprentissage au milieu et à ses variations. Elle représente, sur fond de mémoire de l'espèce, une mémoire de l'individu, une modalité plus ou moins réussie de son adaptation au monde. Cette part est évidemment poussée à l'extrême chez l'homme, grâce en particulier à l'invention du langage, par lequel la construction cérébrale, qui ne cesse qu'avec la mort, devient dépendante, pour une part considérable, des interactions avec le monde, c'est-à-dire, et toujours dans les limites définies par l'appartenance à l'espèce, de l'histoire individuelle. Voilà pourquoi, si l'homme est un individu extrême, c'est parce qu'il est un individu social-extrême".

A. Prochiantz, dans son dernier chapitre "Ainsi parlent les homunculus" partage certaines réflexions sur la construction et l'évolution du rapport adaptatif au milieu, lequel rapport, selon lui, est constitutif de la pensée, au sens riche de Cl. Bernard et de Darwin, plus riche que celui des manipulations conscientes de propositions logiques (par exemple, cite-t-il, le fameux "Amédée aime la glace au chocolat"), associé habituellement à l'idée de pensée.

L'auteur va ici émettre l'hypothèse que cette transformation (l'analyse corticale exigeant un code spatial, maintenu s'il est là de prime abord – c'est le cas de la vision et du toucher -, introduit par un véritable processus de traduction quand il est absent – c'est le cas des fréquences ou des odeurs) relève d'une nécessité évolutive dans la mesure où chaque invention corticale a du se construire comme perfectionnement du comportement sensori-moteur primitif qui est directement lié au concept d'espace. Cette hypothèse, poursuit-il, ne fait que reprendre l'idée ancienne du cerveau comme complexification de l'arc réflexe, permettant de penser avant d'agir. Tout bon psy dirait la même chose !

Plus avant dans son exposé, A. Prochiantz propose que ce qui marque l'appartenance à une espèce est d'une part la surface de cortex cérébral (2 m2 pour l'homme) et surtout, pour une surface donnée, l'importance relative des domaines engagés dans différentes fonctions. Il va même jusqu'à émettre l'hypothèse que le passage par une représentation géométrique est indispensable à une bonne intégration dans le processus de la pensée. Il pense aussi qu'on peut s'entendre sur l'existence d'un grand nombre de représentations homununculaires présentes aux différents niveaux de ce qui monte de la périphérie et de ce qui s'y retourne ; ces homunculus restent en effet caractéristiques de l'espèce, c'est-à-dire ayant un rapport avec l'homunculus génétique représenté sur le génome ; mais il reste difficile de comprendre le codage génétique des homunculus cérébraux, question cruciale pour qui s'intéresse au rapport de la périphérie au centre.

Ajoutons, poursuit l'auteur, que "de par la nature néoténique de nos organismes, c'est-à-dire par la capacité qu'ont les neurones de continuer à se former ou, c'est égal, à se déformer au cours du temps, ces homunculus thalamiques et corticaux sont, dans une certaine mesure, modifiables. C'est ce que j'ai appelé plus haut l'adaptation par individuation et défini comme une des modalités de la pensée, si on veut bien accepter que celle-ci n'est pas déposée dans le cerveau mais bien présente dans le rapport qui unit les organismes à leur milieu" et, en conclusion d'ordre évolutif de ce chapitre : "Il semble en effet que le développement d'un cerveau place entre la pure représentation génétique et la construction de l'organisme une étape d'adaptation au milieu qui requiert une interaction sensorielle. Bref, qu'il y aurait deux mémoires, l'une purement génétique et l'autre qui, sur la base d'un patron génétique, serait construite par l'expérience sensible".

En guise de conclusion, intitulée "Forme et mémoire", A. Prochiantz rappelle qu'à travers le survol de certaines étapes du développement et de l'évolution du système nerveux, il a démontré ce qui nous rapproche, nous vertébrés de la classe des mammifères, des autres vertébrés, reptiles et oiseaux, mais aussi des autres embranchements, en particulier ceux des arthropodes (crustacés et insectes), des mollusques et des némathodes. Les stratégies d'adaptation mises en oeuvre par ces différentes espèces ont des points de divergence, ces processus adaptatifs ayant partie liée d'une part avec des mécanismes développementaux et d'autre part avec l'existence de patrons de développement dont le caractère héréditaire et génétique est assez évident ; ces patrons sont eux-mêmes contrôlés par les gènes de développement qui définissent la forme des organismes et donc constituent leur mémoire, leur façon à chaque génération, d'assurer un développement individuel conforme au schéma de l'espèce, de se souvenir, depuis l'unicellulaire ancestral, du chemin évolutif parcouru. Mais il reste une part de jeu dans la contrainte génétique, une part de hasard dans la construction des organismes, une place pour de l'aléatoire et donc pour une forme d'apprentissage individuel. Mais poursuit Prochiantz, "Pourquoi le nier, cette part que prend l'histoire individuelle dans la construction des individus ne fait qu'augmenter au fur et à mesure des aires corticales, multipliant les représentations, rendent la construction du cerveau dépendante de l'environnement sensoriel. L'invention du langage chez l'Homo sapiens pousse ce processus à ses limites actuelles. Cette influence de l'histoire de nos interactions sensorielles, sociales et affectives avec le milieu se poursuit tout au long de notre existence du fait du caractère inachevé, donc hautement déformable, des réseaux neuronaux qui sont à la base de la construction et de l'évolution morphologique des homunculus cérébraux. Cette plasticité adulte, nous avons parlé de néoténie, est liée au maintien de caractères embryonnaires et, nous le supposons, de l'expression continue de gènes de développement, les mêmes qui, ayant imposé la mémoire de l'espèce, définissent à travers la forme sans cesse changeante des homunculus celle des individus".

Comme le lecteur pourra le constater, j'ai été assez long et j'ai jugé nécessaire de reprendre des passages entiers de l'auteur. C'est que, en effet, j'ai estimé qu'il était le seul à pouvoir nous communiquer ses impressionnantes réflexions de neurophysiologiste et de neurobiologiste. J'ose espérer que ces quelques citations inviteront le lecteur "psy" curieux à découvrir ces remarquables travaux d'un grand chercheur, brillant dans son domaine et tellement ouvert et à l'écoute des autres modes d'approches de ce qui constitue nos objectifs communs : la connaissance de l'homme.