Notes de lecture

Alsteens, André

1995-10-01

Notes de lecture

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C'est un livre surprenant que nous propose Danielle Quinodoz en nous invitant à nous intéresser au vertige – qui n'en fut jamais victime ? – et en déployant sous nos yeux, à cette occasion, la multiplicité de ses apparitions et de ses niveaux d'élucidation. Un peu à la manière dont on découvre, lors d'une ascension apparemment anodine, de nouveaux contreforts et massifs.

J'ignorais que le sujet la préoccupait depuis un moment, comme en témoigne une abondante bibliographie. Ainsi un symptôme jugé parfois mince ou facilement relégué aux oubliettes révèle, à qui s'y intéresse, des possibilités de piste tout à fait intéressantes. Un pan entier de la nosographie psychanalytique se trouve ainsi retraversé. Et il est amusant de constater combien cette réflexion recoupe par moments de manière saisissante l'ouvrage d'un familier, Jean-Michel Quinodoz, en matière d'angoisse et d'élaboration de la séparation.

L'auteur analyse successivement les différentes formes de vertige : par fusion, lâchage, aspiration, alternance prison-évasion, attirance du vide, expansion, compétition. Successivement, dis-je, car il s'agit d'une véritable "succession", allant dans le sens d'une psychisation croissante, traversant en quelque sorte les strates du développement. A ces divers vertiges, correspond une diversité des plaisirs. L'auteur nous les énumère subtilement en les rattachant à chaque fois à une désidéalisation particulière. L'enjeu qui sous-tend de tels vertiges et les plaisirs qui s'y rattachent, se définira en rapport du poids ou non de l'omnipotence, ainsi que d'une correcte liaison ou non des pulsions de vie et de mort. On en mesure aisément la gravité.

Tout en apportant un éclairage original sur un symptôme parfois méconnu, cette analyse permet de suivre les étapes du développement de la psyché et rend compte des avatars rencontrés par certains de nos patients. Il illustre combien, s'il est intelligent, l'intérêt porté à un symptôme débouche sur les essentielles questions de structure et de développement. Nous avons pu en témoigner nous-même récemment (R.B. Ps., n° 22, 1993). L'impression d'anecdotique qui frapperait un oeil distrait cède donc vite le pas à un vif intéressement pour de telles analyses.

On pourrait certes avoir envie parfois de modifier certains découpages proposés, tout en se sentant toujours adhérer au mouvement général qui s'en dégage. C'est à ce niveau que l'ouvrage requière et mérite notre attention d'analyste, car il illustre avec bonheur la nécessité d'une lecture plurielle.