Le sous-titre du livre de R. Roussillon "une archéologie du cadre et de la pratique psychanalytique" situe le propos de l'auteur. Plutôt que de considérer l'avènement de la psychanalyse comme une coupure épistémologique radicale par rapport à la pensée scientifique de l'époque, l'auteur choisit, au contraire, de rendre à la psychanalyse son ancrage dans les mouvements thérapeutiques hypnotiques qui la précèdent, hypnose dont Freud lui-même fit usage au début de sa pratique. R. Roussillon nous convie à découvrir les particularités de ces techniques. Ainsi nous présente-t-il successivement le baquet de Mesmer destiné à faire circuler le magnétisme animal ; le somnambulisme artificiel du marquis de Puyseguer ; le magnétisme-miroir de Deleuze qui introduit un cadre plus rigoureux ; l'abbé Faria et la concentration mentale ; enfin Liebault dont les théories anticipent celles de S. Freud.
R. Roussillon fait part des théories, souvent méconnues, que chacun des guérisseurs avaient élaborées pour rendre compte des visées thérapeutiques de leur pratique ; l'auteur inscrit la compréhension de l'hypnose et de ses applications dans une approche plus actuelle du psychisme humain.
Il décrit également l'évolution de ces théories, qui, d'un déterminisme purement organique, s'achemine vers la "découverte" de la réalité psychique. Mais surtout, il en étudie la logique interne régie par la "reprocessualisation de ce qui avait été concrétisé dans le cadre…, immobilisé, fixé… Ce qui se décadre du dispositif pratique sera dans un mouvement complémentaire réencadré dans la théorie qui suivra et participera ainsi à sa construction".
L'ouvrage se termine par des chapitres consacrés aux débuts de la psychanalyse, de l'hypnose cathartique pratiquée par J. Breuer sur Anna O. jusqu'à l'Esquisse, pour conclure sur des considérations sur le temps freudien du cadre.
De lecture agréable, le livre de R. Roussillon intéresse et inquiète. La plongée dans le monde du magnétisme, les conditions de sa pratique, et les hypothèses qui en modélisent le mode d'action, ne peuvent manquer de susciter l'intérêt. Le lecteur découvre des hommes honnêtes, intègres, intelligents, qui croient à leur pratique. Et la psychanalyse ? Sera-t-elle un jour, dans 100 ans, dans 1.000 ans, elle aussi l'objet d'une exégèse curieuse et bienveillante mais qui démontera les rouages d'une théorisation que transcenderont de nouveaux concepts issus de la "reprocessualisation" de notre si précieux cadre ? Affaire à suivre…
