Le plaisir est toujours égal, à la découverte d'un nouveau tome de ces Oeuvres complètes.
Deux grands textes en dessinent le contour essentiel : "Psychologie des masses et analyse du moi" (1921) et "Le moi et le ça" (1923). A la fois d'inspiration proche et de potentialités très différentes, ils constituent une lecture substantielle, d'où l'on sort à la fois comblé et rempli de questionnement. Sans doute peut-on y découvrir aussi entre eux un fil rouge plus important qu'il n'y parait entre individuel et social.
Le fameux écrit sur le "Witz" concerne et dépasse à la fois le travail thérapeutique. Freud peut s'y adonner au plaisir de décrypter les ressorts secrets du langage. Proche de la "psychopathologie de la vie quotidienne", et lui répondant sur un versant plus verbal, l'ouvrage demande une lecture soutenue et permet de comprendre la passion de Freud pour tout ce qui est "parole", et qui nous explique aussi son intérêt pour l'écriture.
Ce qu'il nous donne à voir, c'est le rapprochement soudain, inopiné entre des éléments disparates, dont la qualité inattendue donne à rire et révèle sur un mode subtil les trames de l'inconscient, mettant en échec notre illusion de maîtrise.
La préface de Lavie introduit et situe l'intérêt du propos de Freud, que complètent notice terminologique (du traducteur), bibliographie et index.
"Le Witz a partie liée avec le fragment, la trouvaille, la surprise", il dévoile des "liens déconcertants" (Pontalis). C'est à ce titre qu'il nous intéresse comme analystes.
Un autre texte, "Une névrose diabolique au XVIIe siècle", y occupe une certaine place. Mais notre préférence ira, pour le côté génial de la vulgarisation à "Psychanalyse et théorie de la libido", petit chef d'oeuvre de concision. Dans un genre analogue, le "Court abrégé de psychanalyse" (1933).
Enfin, ne boudons pas notre plaisir : la préface au livre de Varendonck nous rappelle qu'en 1921 déjà, un belge s'intéressait à la psychanalyse ! Et plus précisément : "au mode d'activité de pensée auquel on s'adonne, écrit Freud, pendant cet état de distraction dans lequel nous passons facilement avant de nous endormir ou juste avant de nous réveiller complètement".
Bref, un volume érudit, muni de l'apparat critique nécessaire et complété par les index habituels.
