Les psychothérapies d’aujourd’hui

Van Nypelseer, Jean-Louis

1983-10-01

Notes de lecture

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Depuis longtemps, convaincu de l'unité de la psychologie comme science et des psychothérapies comme science appliquée, je rêvais d'un cadre commun où celles-ci pourraient toutes se situer. Claude Bloch en réunissant des praticiens de leurs formes les plus courantes a réussi le tour de force d'obtenir d'eux des échanges véritables, sincères, par delà le narcissisme des petites différences, l'ignorance et les ostracismes réciproques. Ainsi point l'espoir d'un langage commun.

L'ouvrage est constitué de sept exposés et d'une table ronde, chacun suivi de débats. Une de ses caractéristiques les plus intéressantes est la tentative de rendre toute la richesse, la pertinence et la vie de ceux-ci.

Après un magistral tableau des psychothérapies et de leurs filiations, Claude Bloch a présenté les facteurs communs aux psychothérapies avec la clarté et l'ouverture d'esprit qui le caractérise.

Léon Cassiers dans le titre «Les psychothérapies d'inspiration psychanalytique» a choisi le second terme et développe excellemment le point de vue de Jacques Lacan sur la constitution du psychisme humain, en particulier la conscience réflexive, la division du sujet et les moyens, la finalité et l'éthique de la cure. Il laisse sans réponse la question du passage de la prise de conscience des déterminismes à la novation personnelle. Manquent Winnicott et Bion.

Ovide Fontaine a retracé l'histoire des thérapies comportementales. Sous l'influence d'une méthodologie empirique soucieuse de falsifiabilité après le règne des théories de l'apprentissage se développent des conceptions cognitivo-comportementales qui admettent même les cognitions inconscientes (ne pas confondre avec l'inconscient des psychanalystes ; de même le transfert est rejeté alors que l'importance d'une relation affectivement chargée est reconnue). Le hic et nunc est favorisé. L'efficacité évaluable objectivement prime. L'auteur termine en citant Bondura : «Si chaque changement thérapeutique est in fine cognitif, la meilleure façon d'obtenir ce changement est de changer le comportement».

Michel Souris à propos des interventions psychiatriques dans les situations de crise met l'accent sur les facteurs internes de la crise. L'événement externe menace de perdre le contenant des parties indifférenciées de la personnalité, ce qui engendre une excitation inélaborable à laquelle peut couper court la tentative de suicide. Le thérapeute s'offre comme contenant, la relation doit être recherchée activement, le contre-transfert est essentiel.

Patrick de Neuter parle des psychodrames morénien et freudien dans un exposé très riche où peut-être le rôle du jeu dramatique comme soutien de la différenciation et de l'investissement des objets est sous-estimé. Dans un esprit lacanien, il déplore que, par rapport à la pureté de l'analyse, dans le psychodrame le transfert n'est pas analysable et la suggestion inévitable.

Jacques Berliner transmet l'inspiration de l'analyse bioénergétique avec beaucoup de présence corporelle. Soucieux de libérer l'énergie bloquée dans les tensions musculaires à la suite des interdits parentaux, il travaille à la fois sur le plan du corps et du langage, sur l'affect et l'histoire. Souvent situé au niveau préoedipien où la parole est peu investie en tant que telle, il se fonde sur le contre-transfert pour induire des expériences affectives nouvelles.

Jean Wilmotte montre l'analyse transactionnelle comme fournissant un cadre clair et un langage accessible à tous : Etats du Moi (enfant, parent, adulte), contaminations et exclusions, analyse des jeux et des scénarios (plans de vie décidés dans l'enfance et confirmés plus tard). Ainsi, elle peut intégrer les techniques des autres psychothérapies aussi bien corporelles que verbales, individuelles que groupales. Elle est contractuelle. Elle est résolument optimiste (l'état O.K. est inné et accessible à tous, tout peut être redécidé).

Dans la table ronde que modère François Duyckaerts apparaît clairement l'ambiguïté du concept de suggestion qui, s'il est souvent utilisé à des fins de terrorisme intellectuel, n'est qu'un agrégat d'éléments disparates. Le thérapeute qui structure un cadre n'est pas dans le même registre que celui qui impose un jugement de valeur.

Comme le dit excellemment François Duyckaerts, plutôt des consignes que des énoncés, plutôt des incitations à penser, à imaginer, à sentir ou à expérimenter que des propositions à caractère explicatif universel, plutôt stimuler la vie personnelle qu'inoculer une nouvelle croyance ou une nouvelle idéologie. Il craint qu'à la suite de la vulgarisation des pratiques thérapeutiques pourrait apparaître un monde où chacun se conduirait en thérapeute des autres. Il note qu'à être contre (le) transfert comme attitude technique on risque le retour du refoulé et met en garde contre les changements de technique en cours de thérapie qui pourraient être ressenties comme des manifestations d'omnipotence.

Le cadre de ce séminaire se limitait aux thérapies individuelles, ce qui a malheureusement exclu les thérapies systémiques ; sans doute avons-nous perdu une fructueuse discussion sur les rapports du dedans et du dehors. Ceci dit, je suis parfaitement conscient de n'avoir pu faire sentir même entre les lignes combien ce petit volume est riche et stimulant ; ce n'est qu'en le lisant qu'on peut lui rendre justice.