Explorations dans le monde de l’autisme

Vaneck, Léon

1983-04-01

Notes de lecture

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Les psychanalystes intéressés par les psychoses infantiles, liront avec grand intérêt ce nouveau travail que D. Meltzer a élaboré avec plusieurs de ses collaborateurs.

Dans la présentation de la traduction française, Geneviève Haag plaide d'abord en faveur de la traduction française du terme «dismantling» par «démantèlement», mécanisme basal de l'autisme, selon Meltzer, que G. Haag comprend dans le sens Spitz, à savoir la dissociation des éléments de la cavité primitive ; il s'agit d'une dissociation, la plus primitive qui soit, des divers modes de la sensorialité, pathologie bien connue mais peut-être peu élaborée encore, par tous ceux qui sont confrontés aux psychoses de l'enfant jeune.

G. Haag souligne aussi l'importance des références de Meltzer à l'article d'Esther Bick sur la «peau psychique» (article traduit pour la Revue Belge de Psychanalyse par Jean Capiaux), car c'est bien de la constitution d'un contenant-peau qu'il s'agit dans les premiers états du self.

G. Haag rapproche ces conceptions de Bick du système contenant-contenu de Bion, auquel Meltzer se réfère.

Un autre rapprochement est suggéré par rapport à la notion freudienne de pare-excitation réélaboré entre autres par M. Fain. Mais il ne s'agit pas de barrière externe filtrant les stimuli, mais d'une certaine organisation-cohésion interne de la consensorialité réunie dans et par la rêverie maternelle, organisant les premières perceptions en même temps que les premières émotions. La toute première introjection serait donc celle de cette structure contenante. G. Haag insiste ensuite sur la difficulté à concevoir les variations de l'expérience spatiale du self bien décrite par Meltzer dans son chapitre sur la dimensionnalité.

Après avoir situé les buts, le champ et les méthodes de l'investigation, D. Meltzer étudie la psychologie des états autistiques et de l'état mental post-autistique, dans un chapitre fort intéressant d'un point de vue théorique.

Il s'interroge notamment sur la «rupture autistique», suspension des échanges dans le transfert, clé, selon lui, pour la compréhension du problème central de l'autisme.

En étudiant l'état mental autistique, Meltzer envisage les facteurs économiques, les caractéristiques structurales, les aspects dynamiques, certaines considérations génétiques ; il envisage le développement de la personnalité chez l'enfant autistique, discernant un ordre de structuration relatif à ce qu'il appelle l'organisation de l'espace de vie : à savoir, la géographie de la personnalité dans ses quatre régions caractéristiques : le dedans et le dehors du self, l'intérieur et l'extérieur des objets.
Il établit une distinction entre l'état autistique proprement dit et le développement post-autistique avec ses carences particulières mais aussi ses potentialités.
Il suggère que l'altération du développement, due à l'action des états autistiques, a une relation presque arithmétique avec la quantité de temps de vie effectivement impliquée, le distinguant du degré d'immaturité de la pathologie caractérielle du développement post-autistique, lequel dépend plus de l'environnement que les vrais états autistiques.

Dans une deuxième partie, nous comprenons le titre de l'ouvrage. En effet, y sont relatées les «quatre explorations» ; chacune est rapportée par son thérapeute ; ce sont des cures d'enfants atteints d'autisme à des degrés différents, cures centrées sur l'analyse du transfert et du contre-transfert dans la perspective kleinienne.
Il n'est évidemment pas imaginable de résumer de telles expériences thérapeutiques et je ne peux qu'inviter le lecteur intéressé à s'y référer entièrement.

Cette partie clinique se termine par un travail de Meltzer sur le mutisme dans l'autisme infantile, la schizophrénie et les états maniaco-dépressifs dans une perspective de corrélation entre psychopathologie clinique et linguistique.

La dernière partie s'intitule «Implications des découvertes cliniques» ; elle est essentiellement élaborée par Meltzer, qui consacre un chapitre aux relations de l'autisme aux états obsessionnels en général et un autre chapitre, fort intéressant, à la dimensionnalité comme paramètre du fonctionnement mental.
Les notions d'uni et de bidimensionnalité sont difficiles à imaginer en dehors de l'expérience clinique avec l'enfant autistique.
L'expérience est différente dans les psychoses symbiotiques, elles, tridimensionnelles.

Meltzer montre comment on peut envisager de situer d'une part la bidimensionnalité chez l'autiste et, d'autre part, l'adhésivité, c'est-à-dire, le mode d'identité qui lui correspond, en se référant notamment aux moments écholaliques ou échopraxiques de ces enfants, ou bien encore à certains moments de distorsion très tangibles de leur perception de l'espace.
Meltzer pense que l'on pourrait peut-être devenir plus sensible aux noyaux autistiques existant dans des structures de personnalité plus évoluées, peut-être chez toute personnalité normale ; sans doute, des moments de démantèlement et d'adhésivité sont-ils repérables chez des nourrissons et à certains moments régressifs de processus psychanalytiques.

Comme le dit G. Haag à la fin de son introduction, ce livre sur le plan thérapeutique peut paraître décevant.

Si passionnant que soient les processus décrits, avec tout ce qu'ils apportent à la recherche psychologique, psychanalytique et philosophique, le lecteur se demande si tant de temps et d'énergie doivent être dépensés dans des cas aussi graves et pour des résultats tellement partiels. Mais elle insiste sur l'intérêt capital du dépistage précoce pour permettre des interventions fondamentales dès que possible.

Et je suis bien d'accord pour insister sur l'intérêt majeur que représente la prise en charge de ces pathologies dès les premières années ; dans ce sens, le travail de Meltzer et de ses collaborateurs est très stimulant et encourageant.