Contribution à la conception des aphasies, une étude critique,

Delahaye, Baudouin

1983-10-01

Notes de lecture

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Jalon supplémentaire à la traduction française des oeuvres complètes de Freud, cet inédit en français, publié par Freud en 1891, apparaît enfin grâce à l'excellente traduction de Claude Van Reeth. Dans une longue préface, qui contient une très utile revue de la littérature disponible à ce jour, Roland Kuhn situe le travail de Freud dans le contexte général de l'approche neurologique et psychiatrique des aphasies en soulignant l'originalité de Freud dont certaines conceptions neurologiques sont encore d'actualité aujourd'hui. Le terme d'agnosie désignant les troubles de la reconnaissance d'objet, constituera dorénavant un nouveau chapitre de la neuropsychologie qui fut ouvert par Freud.

Je ne m'attarderai pas cependant à cet aspect du livre (Les Aphasies constituent en effet son premier livre) de Freud, pour m'arrêter davantage à ce qui, dans son travail pré-psychanalytique, laisse d'espace en creux pour toutes les recherches ultérieures de l'auteur.

1891. Freud, après l'épisode de la cocaïne (1883-1885), première transgression par rapport à ses maîtres pour s'aventurer vers une recherche originale et personnelle même si cela fut un échec cuisant, après la découverte de la suggestion et de l'hypnose, s'intéresse parallèlement à la neurologie du cerveau et à la thérapie de l'hystérique, quitte à devoir s'opposer une nouvelle fois à ses maîtres, en particulier Meynert et Breuer. A lire les textes de cette époque, on se rend compte combien Freud se débat dans un parallélisme psychophysiologique en recherchant avidement les liens entre le soma et la psyché. Le texte sur les aphasies se trouve manifestement au coeur de cette recherche. Ne se contentant pas de décrire statiquement des localisations cérébrales, Freud est à l’affût de la dynamique de leur fonction.

En décrivant l'appareil du langage, Freud construit la matrice qui portera l'appareil psychique (ce concept d'appareil psychique est de Meynert). Son analyse du «mot», de la «représentation de mot» et de la «représentation d'objet» entrouvre l'espace où se profilent déjà les principaux concepts de sa métapsychologie. Les pages 122 à 128, où l'on relève en outre le fameux schéma psychologique de la représentation de mot, constituent à elles seules une référence fondamentale pour aborder l'Esquisse (1895), le chapitre VII de la Traumdeutung (1900) et son essai sur l'Inconscient (1915).

Freud donc nous y décrit deux types de représentation (la représentation c'est la reproduction d'une perception antérieure, c'est ce que Freud (1915) définit comme un «investissement fondé sur des traces mnésiques») : la représentation de mot dérivant de la perception acoustique de mot et la représentation de chose dérivant de la perception visuelle de la chose. La première est un complexe associatif fermé et purement actuel, la seconde un complexe associatif ouvert sur le présent, le passé et le futur. Plus tard, Freud attribuera la représentation de mot au Pcs, structuré dans le temps et la représentation d'objet à l'Ics, atemporel. Déjà dans le texte sur les aphasies, Freud souligne que la relation entre la représentation de mot et celle d'objet est symbolique (p. 128). Nous entrons donc de plain-pied dans l'espace de la métapsychologie, même sila «sorcière» n'est pas encore nommée et en particulier dans le domaine de la verbalisation et de la mentalisation avec les différentes topiques qu'elles supposent.

Un article de Pelsser 1 m'apparaît comme particulièrement utile pour situer l'apport de Freud (1891) pour l'ensemble de la métapsychologie freudienne.

1 Pelsser, R. (1982). Le point de vue linguistique-sémiotique dans la métapsychologie freudienne, Psychanal. Univ., 26, 251-279.